Guerre et Térébenthine (23 février 2017) de Stefan Hertmans

Quand Stefan Hertmans entreprend la lecture des centaines de pages de notes laissées par son grand-père, il comprend que cette vie-là vaut la peine d’être racontée. Une enfance très pauvre à Gand, le rêve de devenir peintre, puis la césure indélébile de la Grande Guerre dans les tranchées de Flandre sont les étapes d’une existence emblématique de tout un siècle. Mais l’histoire d’Urbain Martien ne se réduit pas à ce traumatisme. Panorama puissant du siècle dernier, Guerre et Térébenthine est aussi une poignante saga familiale et le récit d’une passion.

Chronique : Rédigé en flamand, mais depuis traduit dans de nombreuses langues, « Guerre et térébenthine » est l’histoire d’un grand-père, racontée par son petit-fils sur base de récits, de notes, de documents divers retrouvés par cet homme qui réalise, en 2014, combien la vie de son grand-père vaut la peine d’être contée.
Sans jamais le rendre compliqué et impossible à suivre, il y a de multiples portes d’entrée, dans ce livre. On peut l’aborder sous l’angle de la filiation et des transmissions de savoir et savoir-être qui passent de génération en génération L’auteur nous parle d’un grand-père qui, en 1914 n’était qu’un enfant de quelque 17-19 ans, devenu brusquement adulte par sa confrontation à l’engagement au front de la Grande Guerre. Pas du tout inintéressante de réaliser qu’à l’époque, l’adolescence n’avait pas encore été inventée. Prenant et dérangeant de réaliser combien fut brutal l’entrée en âge adulte pour ces mômes envoyés à la boucherie, au nom d’un patriotisme continuellement rappelé par les officiers qui donnaient des ordres… parfois de très loin et sans grands risques pour eux.
Une autre entrée est ce regard sur le mépris avec lequel les officiers francophones donnaient des ordres aux fantassins flamands, les moquant, les humiliants et donnants, par là, une raison valable au flamandisme qui allait se développer jusqu’au radicalisme actuel de certains de nos chantres politiques belges. Nos querelles, bien Belges, entre certains « Flamands et Wallons' » ont des racines trempées dans cet humus humain qui a été enseveli dans les tranchées des plaines flamandes et des eaux croupissantes de l’Yser.
Une troisième porte d’entrée, royale celle-là, est l’évolution des techniques et modes de vie des peintres, restaurateurs de fresques ou copistes, ou encore, artistes créateurs picturaux. Les descriptions des métiers du pinceau et de la capacité des peintres à appréhender le monde, dans ses joies comme dans ses peines, occupent une belle place dans ce récit.
Encore plus grande est la place réservée à la description détaillée des conditions de vie dans les tranchées, de l’âpreté des combats, la désuétude des soins et les convalescences qui n’étaient que des intermèdes entre deux retours au front, deux retours en enfer!
Un livre qui ouvre à une réflexion et, cependant, offre un moment de détente, de bonheur au lecteur.

 

  • Poche: 432 pages
  • Editeur : Folio (23 février 2017)
  • Collection : Folio

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