De Destin Daniel Cretton Par Andrew Lanham, Destin Daniel Cretton Avec Michael B. Jordan, Jamie Foxx, Brie Larson
Le combat historique du jeune avocat Bryan Stevenson. Après ses études à l’université de Harvard, Bryan Stevenson aurait pu se lancer dans une carrière des plus lucratives.
Chronique :
Bryan Stevenson, un avocat diplômé d’Harvard, fait face à une première humiliation dévastatrice lors de sa visite inaugurale dans un centre pénitentiaire en Alabama. Il est contraint de se déshabiller devant un gardien aussi jeune que lui, qui semble trouver un amusement malsain dans son petit pouvoir. Cet incident marque le début d’une réalité implacable : en tant que personne noire, être avocat aux États-Unis devient une tâche ardue, même avec un diplôme d’Harvard. On est d’abord réduit au statut de « nègre », comme ils le disent, surtout lorsque l’on défend des individus démunis, souvent condamnés à tort à la peine capitale uniquement à cause de la couleur de leur peau.
On se croirait plongé dans le chef-d’œuvre de Steve McQueen, « 12 Years a Slave », qui dépeint de manière poignante le destin tragique d’un violoniste enlevé et vendu comme esclave pendant la guerre de Sécession. Cependant, l’histoire que nous abordons ici ne se situe pas en 1865. Nous sommes à la fin des années 80, une époque où un homme du nom de Johnny D. est injustement accusé du crime abominable d’une adolescente. Il est condamné à mort à l’issue d’un procès expéditif, clairement monté de toutes pièces par l’accusation.
L’actualité du propos résonne comme un cri vibrant contre la discrimination. Nul besoin d’être un grand sociologue pour comprendre que les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées sont souvent noires ou d’origine immigrée. La voie de la justice n’est pas simplement un film historique, mais un long-métrage conçu pour témoigner des injustices subies par tout un peuple ayant été réduit en esclavage et arraché à ses terres. Ce récit s’adresse à tous ceux qui, à l’instar de Johnny D., sont humiliés par la discrimination sous toutes ses formes.
Le spectateur vibre aux côtés de cet avocat-héros qui persiste jusqu’au bout dans le seul but de redonner la parole à ceux qui sont considérés comme des citoyens de seconde zone et de faire de la justice américaine un exemple de démocratie. Le titre original, « Just Mercy », est plus adapté que sa traduction française, car il exprime la nécessité de faire triompher l’évidence du droit face aux préjugés.
On a du mal à croire la première décision du juge, qui va à l’encontre des preuves accablantes montrant que les accusations portées contre l’accusé ont été fabriquées de toutes pièces par la justice américaine, pour des raisons politiques liées à la sécurité intérieure. Pourtant, le réalisateur ne trahit pas la réalité de ce qui s’est réellement passé. Un magistrat a en effet osé confirmer la condamnation à mort d’un homme, alors que toutes les preuves pointaient vers son innocence. On suit avec effroi la bataille menée par ce jeune avocat brillant, malgré les pressions qu’il subit et les pièges qui lui sont tendus.
On peut pardonner la mise en scène plutôt classique. Destin Daniel Cretton souhaite toucher son public et utilise tous les moyens mélodramatiques à sa disposition pour y parvenir. Le cinéma a parfois le droit de recourir à des artifices lorsqu’il s’agit d’un combat noble, magnifique et dépourvu de démagogie. La dignité de l’avocat, préservée jusqu’à la fin du film, renforce le projet du réalisateur de ne pas céder à la facilité et à la rhétorique de victimisation.
Le scénario expose les incohérences du système pénal américain qui fonde sa vérité uniquement sur les aveux. Le spectateur français se rend compte qu’il a la chance de bénéficier d’une justice, certes imparfaite, mais dont les fondements reposent sur l’obligation du juge de prouver la culpabilité des prévenus, plutôt que sur le devoir des condamnés de justifier leur innocence.
Le film rend un vibrant hommage à la profession d’avocat qui ne se limite pas à prolonger les procédures dans un seul but d’enrichissement personnel, mais qui se bat pour faire triompher la vérité qui est due à de nombreux justiciables.
Après avoir visionné un tel film, la vérité évidente est que la condamnation à mort de tout criminel ne doit pas reposer entre les mains de la justice humaine.

Dans l’affaire McMillan, qui trouve sa conclusion à la fin de Just Mercy, Stevenson parvient à obtenir un nouveau procès et l’abandon de toutes les charges. Le public quitte la salle en ayant conscience des inégalités, des préjugés raciaux et de la cruauté de l’administration de la peine capitale présents dans le système. Cependant, le message qui persiste est que, en fin de compte, avec de l’audace, du travail acharné et une compétence juridique avisée, il est possible de vaincre le système.
Le film souligne que le système est corrompu et empreint de racisme, et qu’il est entaché d’injustices. Cependant, la fin pleine d’espoir de Just Mercy implique qu’il existe au sein de ce système des mécanismes de freinage et de contrebalancement qui le rendent acceptable. Le message sous-jacent est que, oui, le système est défectueux, mais qu’il renferme également la possibilité d’autocorrection.
Face à la réalité des défaillances du système judiciaire américain, il est légitime de douter que les dénouements justes soient aussi fréquents que le suggèrent le film et les récits hollywoodiens de disculpation. La conclusion de Just Mercy cite une statistique du site web de l’Equal Justice Initiative : « Pour neuf personnes exécutées, une personne dans le couloir de la mort a été disculpée. » Cela implique non seulement que l’exécution est éthiquement et injustement condamnable, mais aussi que l’administration de la peine de mort est aggravée par la probabilité qu’un innocent ait été exécuté.
Il ne fait aucun doute que l’histoire au cœur de Just Mercy est source d’inspiration : Bryan Stevenson, grâce à son ingéniosité et sa persévérance, parvient à libérer son client injustement condamné, et Walter McMillan, grâce à son courage et sa ténacité, endure des épreuves inimaginables pour obtenir justice.
Et même si un film qui se termine par l’exécution d’un innocent, le triomphe banal de l’injustice, ne battra peut-être pas de records au box-office, sa présence omniprésente dans les tréfonds du système judiciaire américain est une raison pour laquelle de tels films doivent être réalisés.
