Inspiré d’une histoire vraie, Ceux du lac raconte l’impossible adieu d’une famille tsigane à un royaume désormais interdit. Au cœur des contradictions de la Roumanie contemporaine et d’une époque qui confisque au prétexte de sauvegarder, les Serban ne peuvent ni s’adapter ni complètement résister. Reste une ultime promesse, lumineuse : celle faite par Sasho à sa petite sœur Naya de marcher dans les traces des bisons des Carpates.
Chronique : Avec « Ceux du lac », Corinne Royer nous offre un roman poignant, imprégné d’une poésie délicate et d’une intensité dramatique rare. Inspiré d’une histoire vraie, ce récit dépeint la lutte d’une famille tsigane, les Serban, contre les forces qui cherchent à les déposséder de leur terre, un lieu sauvage au bord d’un lac où ils ont trouvé refuge et liberté.
Les Serban vivent dans une cabane à l’écart du monde, en symbiose avec la nature environnante, à quelques kilomètres de Bucarest. Leur quotidien est marqué par la simplicité et la liberté, un mode de vie assumé avec fierté, même s’il les place en marge de la société. Sasho, Naya, leurs frères, et leur vieux chien Moroï évoluent dans un environnement où la nature a repris ses droits, pêchant dans la Dâmbovi?a, apprenant la sagesse des poètes à travers les livres de tante Marta. C’est un univers presque hors du temps, préservé des contraintes modernes, jusqu’au jour où les autorités décident de les en expulser pour créer une réserve naturelle.
Le roman explore la douleur d’une famille confrontée à la perte de son royaume, de cet espace vital qui est plus qu’une simple maison : c’est le cœur même de leur identité. Corinne Royer dresse le portrait d’une Roumanie contemporaine déchirée entre modernité et tradition, où les décisions politiques, prises sous couvert de préservation de la nature, finissent par broyer ceux qui en sont les gardiens les plus sincères. Les Serban, avec leur vie frugale et leur profond respect pour la terre, ne peuvent ni se conformer aux exigences des autorités, ni se résoudre à l’exil. La promesse de Sasho à sa petite sœur Naya de suivre les traces des bisons des Carpates devient alors un symbole de résistance face à un monde qui ne les comprend plus.
Corinne Royer réussit le pari de mêler réalisme et onirisme, de marier le burlesque et le tragique dans une écriture qui évoque à la fois la rudesse de la vie des Serban et la beauté indicible de leur environnement. La poésie et le folklore tsigane traversent le texte, apportant une dimension presque mythologique à ce récit de lutte et de survie. Les paysages roumains, décrits avec une précision presque picturale, deviennent des personnages à part entière, renforçant le lien indéfectible entre les Serban et leur terre.
« Ceux du lac » est un roman brûlant, qui interroge notre rapport à la nature et à l’autre, tout en célébrant la force des liens familiaux et l’importance de la transmission. Corinne Royer nous invite à réfléchir sur les contradictions de notre époque, où la sauvegarde de la nature est parfois un prétexte pour légitimer des actes de dépossession. Ce récit est à la fois une critique sociale et une déclaration d’amour à la vie simple et libre, une vie en harmonie avec le sauvage.
Éditeur : SEUIL (19 août 2024) Langue : Français Broché : 288 pages ISBN-10 : 2021560082 ISBN-13 : 978-2021560084

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