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1791. Robespierre, dit l’Incorruptible, est député au sein de la première assemblée constituante. Depuis la tribune, il harangue ses confrères pour les convaincre d’abolir la peine de mort, et pourtant, deux ans plus tard, il leur intimera de voter l’exécution de Louis XVI… Comment le jeune avocat d’Arras, défenseur d’une justice sociale, peut-il participer à instaurer la Terreur ?
Chronique : Maximilien de Robespierre : voilà un nom qui, deux siècles plus tard, suscite encore passion et controverse. Député du Tiers état à la première Assemblée constituante, orateur tenace, il se fait remarquer par son acharnement à défendre l’égalité des droits et l’abolition de la peine de mort. Deux ans plus tard pourtant, ce même homme, surnommé « l’Incorruptible », n’hésite pas à réclamer l’exécution du roi déchu Louis XVI. Cette apparente contradiction — comment passe-t-on d’un combat pour la sauvegarde de toutes les vies au vote de la peine capitale pour le souverain ? — est au cœur du livre Robespierre, le sphinx mélancolique (1791) de Simone Gabrielli Makyo.
Une figure fascinante et énigmatique
Le titre ne ment pas : Robespierre est ici décrit comme un véritable sphinx, c’est-à-dire une figure aussi charismatique qu’insaisissable. Le qualificatif « mélancolique » suggère un être tourmenté, en proie au doute et aux questionnements moraux. Alors que l’on a souvent dressé de Robespierre le portrait d’un révolutionnaire implacable, Gabrielli Makyo rappelle son parcours d’avocat d’Arras, défenseur des opprimés, sensible au sort des plus faibles.
Aux origines d’une contradiction
Le livre met en lumière la genèse de son engagement politique : animé d’un profond désir de réforme sociale, Robespierre se veut la voix de la justice. Or, la Révolution, dans sa dynamique effrénée, va rapidement le confronter à la violence des soubresauts politiques. De fervent défenseur de la vie, il en arrive à soutenir la mort du roi, au nom de la République et de la souveraineté populaire.
L’autrice explore avec finesse les méandres de ce revirement : la pression populaire, le climat de guerre civile larvée, la menace des puissances étrangères, et surtout, la conviction de Robespierre qu’il n’y a pas d’autre choix pour sauver la jeune République. On plonge alors dans la complexité de sa pensée : l’Incorruptible en vient à estimer que la clémence envers un roi serait une trahison envers la Nation qui vient de conquérir sa liberté.
Une plongée dans la Terreur
Le récit suit le parcours de Robespierre jusqu’à l’instauration de la Terreur en 1793-1794. Ce moment sombre et décisif interroge la notion même de justice : comment un homme qui plaidait contre la peine de mort peut-il justifier l’usage massif de la guillotine ? C’est tout le talent de Simone Gabrielli Makyo de nous confronter à la complexité du contexte révolutionnaire, à la frénésie d’un régime en proie à la guerre et aux complots.
La Terreur n’est pas présentée ici comme un simple élan sanguinaire, mais comme l’aboutissement d’une logique politique extrême, où l’idéal révolutionnaire ne souffre aucun compromis. Les protagonistes, et Robespierre en tête, sont emportés par les contradictions même de la Révolution : la volonté d’instaurer la liberté et l’égalité par des moyens coercitifs.
Une écriture documentée et poignante
Simone Gabrielli Makyo réussit le pari de conjuguer la rigueur historique à une écriture romanesque. À travers des sources d’époque, des discours authentiques et des témoignages, elle éclaire d’un jour nouveau la trajectoire de Robespierre. On découvre un homme habité par la peur de trahir l’idéal révolutionnaire, tout autant que par le désir de protéger la République d’ennemis intérieurs et extérieurs.
Derrière le glaçant « Incorruptible » transparaît un être vulnérable, hanté par ses dilemmes. Le lecteur est alors invité à interroger la dimension tragique d’un personnage qui, pour sauver la Révolution, s’est trouvé peu à peu dévoré par sa propre intransigeance.