Le Maître de California Hill de Laurent-Frédéric Bollée (Avec la contribution de), Georges Van Linthout (Dessins)

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Afin de découvrir si un cheval au galop garde, ou non, toujours un sabot en contact avec le sol, Muybridge et Stanford vont révolutionner la photographie…

Dans Le Maître de California Hill, Laurent-Frédéric Bollée et Georges Van Linthout plongent le lecteur dans une époque où la science, la technologie et l’ambition humaine s’entrechoquent pour donner naissance à une révolution du regard. L’histoire, ancrée dans le milieu du XIXe siècle, se déroule au cœur de l’élan de modernisation que connaît l’Amérique avec la construction de la première ligne de chemin de fer transcontinentale. Mais ce n’est pas seulement l’histoire d’un projet d’infrastructure titanesque, c’est avant tout celle d’un pari, d’une quête de vérité, et d’une collaboration tragique qui changera à jamais le cours de l’histoire de la photographie et des images en mouvement.

Au centre de ce récit, Leland Stanford, un homme à la fois magnat du rail et ancien gouverneur de Californie, est une figure d’une ambition dévorante. Si son empire s’étend à travers l’ouest américain, c’est son amour incommensurable pour les chevaux qui semble guider tous ses choix. Au manoir de California Hill, où il vit entouré de ses montures, Stanford devient obsédé par une question qui agite les milieux hippiques de son époque : lorsqu’un cheval galope, est-ce qu’un de ses sabots reste toujours en contact avec le sol, ou est-ce qu’il y a un instant où aucun n’effleure la terre ? Ce détail apparemment anodin va alimenter un pari aux enjeux démesurés entre Stanford et son rival d’affaires, Mr Durant. Le gagnant, celui qui parviendra à prouver la vérité sur cette question, empochera 10 % de l’autre.

Dans ce contexte, un homme va se voir offrir les moyens illimités pour prouver la vérité de cette question : Eadweard Muybridge. Photographe talentueux mais psychologiquement instable, Muybridge accepte ce défi qui va se transformer en une quête frénétique et parfois désespérée pour capturer l’impossible. Son pari avec Stanford ne se limite pas à une simple victoire scientifique ou financière, mais devient une obsession personnelle. Ce n’est pas simplement le mouvement du cheval qu’il cherche à saisir, mais quelque chose de plus grand, quelque chose qui, inconsciemment, se cache derrière l’énigme du mouvement lui-même.

Le talent de Muybridge, certes, est indiscutable. Il est l’un des premiers à inventer un système photographique permettant de capturer chaque phase du galop d’un cheval, en utilisant une série de caméras placées sur la trajectoire du cheval. Son travail va transformer la photographie en art, mais aussi préparer le terrain pour ce qui deviendra plus tard le cinéma. Pourtant, cette collaboration n’est pas sans tragédie. Derrière les prouesses techniques et la beauté des images se cache un homme rongé par ses démons intérieurs, un homme qui va voir sa quête scientifique devenir un piège qu’il ne pourra plus dénouer.

Ce qui commence comme une expérience scientifique se transforme en un combat personnel pour Muybridge, qui, dans ses recherches et sa volonté de répondre à la question du galop du cheval, se trouve pris dans un tourbillon où l’art, la folie et l’ambition humaine s’entrelacent. La collaboration avec Stanford devient alors non seulement une histoire de rivalité professionnelle, mais aussi de lutte intérieure, de conquête de soi et d’agonie créative. En arrière-plan, l’image de la Californie, terre d’ambition et de révolutions, se dessine comme un décor aux proportions mythologiques.

Bollée et Van Linthout, dans ce récit à la fois historique et intime, offrent une œuvre où les personnages sont aussi captivants que l’époque elle-même. Le graphisme de Van Linthout, avec ses dessins détaillés et expressifs, capture à la fois la tension de l’époque et l’âme tourmentée des protagonistes. Chaque planche semble non seulement illustrer une époque, mais aussi pénétrer l’esprit des personnages, rendant visible leur lutte intérieure.

Le Maître de California Hill est donc bien plus qu’une simple biographie de Muybridge. C’est une plongée dans les ténèbres de la condition humaine, où la soif de vérité scientifique se mêle à l’avidité, à l’obsession, et à une certaine forme de folie créatrice. Ce pari entre deux hommes, loin d’être une simple anecdote, devient un enjeu philosophique et existentiel, une réflexion sur ce qui nous pousse à chercher, à comprendre et à aller au-delà des limites de notre perception. Il s’agit aussi de la naissance de l’image en mouvement, de la révolution technologique qui allait bouleverser l’art et notre relation à la réalité.

Éditeur ‏ : ‎ La Boîte à Bulles; Illustrated édition (5 février 2025) Langue ‏ : ‎ Français Relié ‏ : ‎ 128 pages ISBN-10 ‏ : ‎ 2849535176 ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2849535172

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