Achat : https://amzn.to/4l0CxfD
» Siroter du saké, l’un à côté de l’autre, dans notre habituel troquet… C’est plutôt cela, notre style de rencontre. » Tsukiko est une jeune célibataire attachée à son indépendance.
Avec Les Années douces, Jirô Taniguchi s’empare pour la première fois d’un récit centré sur une relation amoureuse, mais fidèle à son style, il en fait tout sauf une romance banale. Adaptant le roman intimiste et contemplatif de Hiromi Kawakami, il offre un manga d’une rare élégance, à la fois pudique, profond et infiniment mélancolique.
Tsukiko, une femme célibataire d’une trentaine d’années, mène une existence paisible et solitaire à Tokyo. Un soir, dans le petit bistrot où elle a ses habitudes, elle reconnaît un vieil homme qui lui semble familier. C’est son ancien professeur de japonais au lycée, qu’elle commence, presque par jeu, à appeler simplement « le Maître ». Ils se croisent, puis se recroisent. Lentement, sans qu’aucun d’eux ne le décide, leurs rencontres deviennent régulières. Le lien se tisse dans le creux des habitudes : partager un plat, commenter un saké, se promener au marché ou sous les cerisiers en fleur.
Ce qui fait la force de ce récit, c’est la lenteur assumée de la relation, la façon dont le quotidien se fait le vecteur d’un attachement d’abord imperceptible. Pas de drame, pas de rebondissements : Les Années douces est un récit de surface tranquille, mais aux courants émotionnels profonds.
Taniguchi et Kawakami composent un duo de personnages profondément humains et touchants. Tsukiko est une héroïne atypique : elle n’est ni particulièrement belle ni extravertie. Elle est rêveuse, parfois maladroite, souvent perdue dans ses pensées. Le Maître, lui, est tout en retenue, d’un raffinement suranné, presque hors du temps. Leur lien repose sur la pudeur, l’attention aux détails, la cohabitation silencieuse des solitudes. C’est une forme d’amour que l’on ne lit pas souvent : celui qui s’insinue, avec le respect du temps, des silences, de la distance.
Jirô Taniguchi déploie ici tout son art de la narration silencieuse. Son dessin est sobre, clair, réaliste, presque photographique dans sa capacité à capter la lumière d’un lieu, la texture d’un plat, le vent qui fait voler un manteau. Chaque case semble suspendue dans le temps. Les visages parlent avec peu, mais tout y est : la gêne, le trouble, la douceur, le regret.
Il donne à voir un Tokyo sans fard, entre immeubles fades et ruelles familières, où l’on ressent chaque saison, chaque rituel. Le découpage lent, contemplatif, installe une atmosphère feutrée, à l’image du lien qui se crée entre les deux personnages. Le lecteur est invité à ralentir, à observer, à ressentir sans que l’histoire ne dise tout.
Les Années douces interroge aussi la différence d’âge, la solitude en ville, et les formes discrètes de l’amour qui ne se vivent pas comme des passions brûlantes mais comme une présence, une fidélité du cœur. C’est un manga sur le temps qui passe, sur ce que l’on n’a pas dit mais qu’on aurait voulu, sur l’amour tardif, celui que l’on reconnaît une fois qu’il s’en va.
Éditeur : CASTERMAN Date de publication : 18 juin 2025 Langue : Français Nombre de pages de l’édition imprimée : 432 pages ISBN-10 : 2203281634 ISBN-13 : 978-2203281639
