After the Hunt – explication de la fin : qui dit la vérité ?

Présenté en avant-première à la Mostra de Venise, After the Hunt marque le retour de Luca Guadagnino à un cinéma plus cérébral et moralement ambigu, après Challengers.
Le film nous plonge dans le microcosme feutré mais toxique de l’université américaine, où la quête de vérité devient une arme politique et intime.

Dans ce huis clos intellectuel, Julia Roberts incarne Maggie, professeure à Yale en passe d’obtenir sa titularisation, dont la vie bascule lorsqu’une ancienne étudiante, Maggie, relance une affaire d’agression présumée visant un collègue, Hank.
Mais que s’est-il réellement passé ? Et surtout, qui ment à la fin de After the Hunt ?


Un monde où tout le monde joue un rôle

Dès ses premières scènes, After the Hunt s’amuse à disséquer un univers où chaque phrase est un piège rhétorique. Les professeurs parlent comme dans leurs livres, les débats moraux remplacent les émotions, et la vérité devient une performance académique.

Dans ce décor d’élite, Guadagnino met en scène une guerre de prestige : celle de la réputation. Une accusation suffit à tout faire exploser, et chacun réécrit sa propre version des faits — comme on réécrit une thèse ou une citation de Nietzsche.


Maggie : la manipulatrice ou la victime du système ?

À la fin du film, tout semble indiquer que Maggie (l’étudiante) a inventé ou réécrit une partie de son récit.
Elle tombe sur un article allemand décrivant de vieilles accusations rétractées contre Alma, et s’en inspire mot pour mot pour construire son témoignage.
Un simple copier-coller émotionnel, mais aux conséquences dévastatrices.

Pourquoi ? Peut-être voulait-elle détruire Hank, qu’elle soupçonne de vouloir la dénoncer pour plagiat.
Peut-être voulait-elle blesser Alma, qu’elle aime en secret.
Ou peut-être, tout simplement, voulait-elle exister dans un monde où la parole n’a de valeur que si elle choque.


Mais si elle ment, pourquoi y croire ?

Guadagnino sème volontairement le doute.
Maggie ment peut-être sur les faits, mais pas sur le ressenti.
Lorsqu’elle décrit la peur, la honte ou la solitude dans un système patriarcal, le spectateur perçoit une authenticité que les hommes autour d’elle refusent de voir.

En revanche, Hank n’est pas innocent non plus.
Lorsqu’il raconte sa version à Alma, sa défense s’effondre à la première question :

« Pourquoi es-tu monté chez elle ? »

Ce simple geste — franchir le seuil — suffit à révéler qu’il a dépassé une limite, qu’il a cru qu’il pouvait tout contrôler. Et cette arrogance est, à sa manière, une forme de faute.


Une vérité fracturée

After the Hunt ne cherche pas à trancher.
Le film oppose deux récits crédibles, deux culpabilités possibles, et laisse le spectateur seul juge.
Guadagnino ne filme pas un procès, mais le brouillard moral de notre époque, où la recherche de vérité se transforme en champ de bataille idéologique.

La brillante manœuvre de Maggie contre Alma montre qu’elle est calculatrice, mais l’agression de Hank contre Alma montre qu’il est, lui aussi, capable de violence.
Ces deux vérités se neutralisent.
Et c’est précisément le propos du film : l’absence de vérité n’est pas une faiblesse du récit, mais son cœur.


Le sens de la fin

Dans sa dernière partie, After the Hunt ne prend le parti de personne.
Guadagnino rejette la tentation du jugement moral. Il filme des êtres intelligents mais perdus, pris dans la contradiction entre le savoir et la chair, entre la théorie et la faute.

La scène finale — une salle de conférence vide, avec le micro resté allumé — en dit plus que n’importe quelle confession.
Les mots continuent de résonner, mais plus personne ne les écoute.


Ce que Luca Guadagnino nous dit

Sous ses airs de drame universitaire, After the Hunt parle de notre époque obsédée par la “vérité” et la “transparence”, mais incapable d’accepter que la réalité humaine soit ambiguë, mouvante et souvent mensongère.

Ici, il n’y a ni victime parfaite ni coupable absolu.
Seulement des individus enfermés dans leurs récits — persuadés d’avoir raison, et détruits par leur besoin d’être crus.


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