KAAMELOTT – Le retour du Roi : un film imparfait mais nécessaire | Analyse complète sans spoiler

Rien ne va plus au royaume de Logres.
Le château de Kaamelott a été détruit depuis plus de dix ans. Le roi Arthur n’est plus que l’ombre de lui-même, les chevaliers sont dispersés, et les dieux semblent avoir tourné le dos à l’humanité.
Et pourtant… l’espoir n’est pas tout à fait mort.

Kaamelott : deuxième volet, partie 1.
Alexandre Astier reprend enfin le flambeau, et signe un film à la fois immense, étrange, imparfait, mais profondément habité.
Un film qui, à sa manière, parle du temps qui passe, de la mémoire, et du pouvoir de la création.

C’est un projet rare, audacieux, presque anachronique dans le paysage du cinéma français.
Car oui, produire un film de fantasy en France, aujourd’hui, tient presque de l’exploit.
Et ce simple fait, déjà, force le respect.
Astier n’est pas seulement un auteur, un acteur ou un compositeur : il est un bâtisseur, un artisan qui a voulu tout porter, tout orchestrer, tout écrire lui-même.
Et même si tout ne fonctionne pas, même si certaines longueurs s’étirent comme une journée sans fin, il faut reconnaître la beauté de la démarche.

Ce deuxième volet, c’est d’abord une œuvre de cinéma total.
Derrière la caméra, Jean-Marie Dreujou livre une photographie somptueuse.
Les paysages respirent la légende, la poussière, la magie, la mélancolie.
On retrouve cette lumière si particulière, à la fois dorée et grise, qui donne au monde de Kaamelott une texture presque tactile.
La direction artistique de Philippe Chiffre fait le reste : chaque costume, chaque arme, chaque recoin de décor semble raconter une histoire.
C’est un film qui se regarde comme une tapisserie — riche, foisonnante, parfois confuse, mais d’une beauté indéniable.

Les effets spéciaux, signés Cousin Bizarre, n’ont rien à envier aux productions américaines.
Deux créatures en particulier — qu’on devine plus qu’on ne les voit — apportent une vraie dimension mythologique au récit.
Ici, l’univers de Kaamelott s’ouvre enfin : il respire, s’élargit, gagne en souffle.

Alors pourquoi, malgré tant de beauté, le film laisse-t-il certains spectateurs sur le bord du chemin ?
Parce qu’Astier a voulu trop en dire, peut-être.
Trop en donner.
Comme un roi qui, au moment du banquet, voudrait que tout le monde soit rassasié, quitte à ce que le festin devienne indigeste.

Le film dure deux heures et dix-neuf minutes.
Et parfois, on les sent passer.
Le problème, ce n’est pas tant la durée que la dispersion.
Il y a trop de personnages, trop de visages, trop d’histoires secondaires qui se croisent sans vraiment se rencontrer.
Au lieu de se concentrer sur quelques figures fortes — Arthur, Lancelot, Guenièvre —, Astier a voulu faire revenir presque tout le monde.
Résultat : une impression de puzzle éclaté, où chaque pièce est belle, mais où l’ensemble se cherche encore.

Et pourtant, au milieu de cette profusion, il y a des éclats sublimes.
Des moments suspendus, des silences, des regards, des fragments d’émotion pure.
Anne Girouard, par exemple, incarne une Guenièvre bouleversante.
D’une innocence fragile, elle devient soudain le cœur battant du film.
Dans ses scènes, la caméra se calme, la fureur retombe.
Et tout à coup, on entend battre quelque chose de profondément humain.

Alain Chabat, en duc d’Aquitaine, apporte une respiration bienvenue.
Un personnage apaisé, presque zen, qui tranche avec la nervosité ambiante.
Dans ses échanges avec Arthur, on retrouve l’humour pince-sans-rire, cette douceur absurde qui faisait la force de la série.

Parce qu’il faut bien le dire : le ton général du film est plus tendu, plus sec, plus grave.
Les personnages s’énervent, crient, s’affrontent sans cesse.
Ce qui fonctionnait dans les épisodes courts devient ici un peu épuisant.
L’énergie de Kaamelott, autrefois vive et rythmée, se transforme parfois en fracas permanent.

Mais derrière ce tumulte, on sent autre chose.
Un désarroi.
Une fatigue du pouvoir.
Un roi qui doute, un monde qui s’effondre, une humanité qui cherche encore son Graal intérieur.
Et c’est là que le film trouve sa vraie profondeur.
Sous la surface d’un divertissement de fantasy, Kaamelott : deuxième volet raconte l’usure du mythe, la nostalgie d’un monde révolu, et la difficulté de continuer à rêver.

Il faut parler de Perceval, bien sûr.
Le grand absent.
Celui qu’on ne voit pas, mais qu’on entend.
Ses lettres, tout au long du film, sont comme des bougies dans la nuit.
Elles rappellent la naïveté, la pureté, la lumière qu’on avait oubliée.
Perceval devient une sorte de fantôme bienveillant, une présence à distance qui relie le passé au présent.
Et quelque part, cette absence dit tout : Kaamelott n’est plus ce qu’il était, mais il reste fidèle à son âme.

Alors oui, le film est imparfait.
Oui, il est long, bavard, inégal.
Mais il est sincère.
Et cette sincérité, aujourd’hui, vaut de l’or.

C’est une œuvre qui ne cherche pas à plaire à tout le monde, mais à exister pleinement.
Un rêve personnel transformé en fresque collective.
Un film français qui ose parler de magie, de chevalerie, de dieux, de foi, de désillusion — et même d’amour.

Dans un paysage saturé de blockbusters interchangeables, Kaamelott reste un ovni.
Un film artisanal à l’échelle d’un mythe.
Un pari fou mené par un seul homme, épaulé par une troupe fidèle.

Et quand le générique arrive, avec cette petite surprise finale, on se surprend à sourire.
Pas parce que c’est spectaculaire, mais parce que c’est humain.
Parce qu’on sent qu’Astier, malgré la fatigue, malgré les critiques, n’a pas dit son dernier mot.

Ce deuxième volet, c’est un passage.
Un entre-deux.
Comme une journée qui se répète avant le véritable renouveau.
Un jour sans fin…
Mais peut-être nécessaire pour que le roi, un jour, retrouve enfin son trône.

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