Dans une ville grise et sans passé, Joy est une jeune femme orpheline qui vit sa foi avec intensité et ne quitte presque jamais son église. Un jour, elle fait la rencontre d’Andriy, un jeune homme qui se fait agresser sous ses yeux. Elle se convainc bientôt que leurs destins sont liés…
Pour son premier long-métrage, Camille Lugan s’empare d’un sujet délicat : la foi, le besoin de croire, et la manière dont une jeune femme tente de donner du sens à sa solitude dans un monde qui semble avoir perdu le sien. Selon Joy se déroule dans une ville anonyme, sans couleur ni mémoire, décor presque désertique où évolue Joy, incarnée avec une grande retenue par Sonia Bonny. Orpheline, entièrement tournée vers sa religion, elle vit dans un rapport quasi fusionnel avec son église, seul lieu où elle semble exister pleinement.
Tout bascule lorsqu’elle croise Andriy (Volodymyr Zhdanov), agressé sous ses yeux. Cet événement, qui pourrait n’être qu’un fait divers, devient pour elle un signe. Joy s’attache à cet inconnu comme à une évidence, persuadée que leurs destins doivent se rejoindre. Le film suit alors cette conviction intime, parfois fragile, parfois inquiétante, sans jamais la juger.
Camille Lugan filme cette relation naissante avec une grande précision, dans une mise en scène volontairement épurée. La ville grise, les espaces vides, les silences insistants : tout concourt à placer le spectateur dans la tête de Joy, dans cette zone où le réel et la croyance se mélangent. C’est d’ailleurs ce qui fait la singularité du film : il n’explique pas, il observe. Il laisse place au doute, aux émotions brutes, à cette frontière ténue entre ferveur et obsession.
Asia Argento apporte à l’ensemble une énergie plus sombre, presque imprévisible, tandis que Raphaël Thiéry incarne une présence à la fois rude et profondément humaine. Ces personnages secondaires enrichissent le parcours de Joy et donnent au film un relief supplémentaire.
Scénariste diplômée de la Fémis — on lui doit notamment des collaborations sur des projets de Daniel Auteuil et Rebecca Zlotowski — Camille Lugan signe ici un premier long-métrage cohérent, habité et maîtrisé. Après ses courts-métrages remarqués, dont La Persistente sélectionné à la Semaine de la Critique, elle confirme une vraie sensibilité de récit.
Selon Joy est un film sobre, troublant, qui parle de foi mais aussi d’isolement, et de la manière dont certains cherchent désespérément un signe pour avancer. Un premier film qui laisse une empreinte discrète mais durable.
