Une vie comme les autres de Hanya Yanagihra

Mécanique du mélodrame

Avec ce retour en demi-teinte sur un roman qui a eu un tel retentissement, je ne vais pas m’attirer que des réactions amicales mais peu importe.

Une vie comme les autres n’a donc pas été le ravissement littéraire attendu. La faute tout d’abord à la plume de l’autrice qui m’a laissé complètement froid. J’ai trouvé son style mécanique, manquant de cette grâce et ce lyrisme nécessaire lorsqu’il s’agit de conter le destin de plusieurs personnages.

Les 500 premières pages furent ainsi le témoin de mon profond ennui. Je n’ai pu m’intéresser à aucun paragraphe du récit de cette bande d’amis, jeunes adultes qui vivent leurs meilleures années à New York. J’ai trouvé les personnages transparents, à part J.B. l’artiste égocentrique et Jude bien sûr. Le reste des personnages manquent de charisme et se démarquent uniquement par sa dévotion totale envers Jude.

Ah Jude, pauvre Jude. S’il faut bien reconnaître une qualité au style de Hayanamura c’est son côté méthodique qui permet de dresser un portrait psychologique extrêmement précis de ce personnage complexe.
Sa relation sentimentale, ses démons intérieurs, ses troubles psychologiques, tout cela est détaillé de manière à se rendre compte de la difficulté, voire de l’impossibilité, à guérir de son passé.

À partir du moment où il devient le personnage principal du récit, il est bien sûr impossible de ne pas ressentir d’empathie pour lui et toutes les horreurs qu’il a subies.

Mais c’est là aussi ce que je reproche à l’autrice. Cette surenchère dans le malheur a fini par me désolidariser du sort de Jude. J’avais l’impression que l’on cherchait par tous les moyens à me tirer une larme sur la vie tragique de Jude et ce genre de stratagème fonctionne rarement sur moi.

Pourtant j’aurais vraiment voulu ressentir de l’empathie pour cette bande d’amis dévoués, j’aurais aimé être anéanti à l’évocation du passé douloureux de Jude mais à trop vouloir en faire l’autrice a fini par me lasser sans jamais parvenir à me captiver complètement.

Résumé : Ils sont quatre amis de fac, et ils ont décidé de conquérir New-York : Willem, l’acteur à la beauté ravageuse ; JB, l’artiste peintre, aussi ambitieux et talentueux qu’il peut être cruel ;Malcolm, qui attend son heure dans un prestigieux cabinet d’architectes ; Jude, le plus mystérieux d’entre eux, celui qui, au fil des années, s’affirme comme le soleil noir de leur quatuor, celui autour duquel les relations s’approfondissent et se compliquent cependant que leurs vies professionnelles et sociales prennent de l’ampleur.

Éditeur ‎Le Livre de Poche (30 octobre 2019)
Langue ‎Français
Poche ‎1128 pages
ISBN-10 ‎2253100560
ISBN-13 ‎978-2253100560

Manhattan palace de Carole Geinex

Luxure et moisissures

Dans ce roman, Carole Geinex invite le lecteur à partir à la découverte de l’envers du décor de l’hôtellerie de luxe. Un séjour all inclusive qui fera passer le lecteur par toutes les émotions.

De manière originale le récit s’ouvre avec un narrateur inattendu. Une façon bienvenue d’introduire l’univers du récit et ses principaux protagonistes. À tel point que l’on en vient à regretter que ce narrateur n’intervienne pas plus souvent pour pimenter un récit peut-être un peu trop léger pour convaincre totalement.

Le roman se lit tout seul, le dynamisme des dialogues et les situations qui oscillent entre le drame, la comédie sociale et la romance aident beaucoup.

Tous les personnages bénéficient d’un portrait détaillé et nuancé. Aucun n’est dénué de défauts ni de qualité, hormis l’un d’entre eux, ils ont tous leurs lots de névroses, de secrets et de honte bien dissimulé sous un apparat clinquant et doré, à l’instar de cet hôtel de luxe qui cache ses malfaçons derrière un simulacre de luxe.

Manhattan palace est une lecture estivale parfaite, suffisamment divertissante et rythmé pour faire oublier la légèreté de la plume.

Résumé : Entre la 6e Avenue et la 7e, se trouve la méconnue « Sixth and a half ». Méconnue, mais pas pour les riches de ce monde car s’y dresse un hôtel de grand luxe : le Manhattan Palace. L’établissement est possédé par la puissante famille Sharp-Sterling que la doyenne Jacklyn, dite « la reine d’Angleterre » mène à la baguette. L’hôtel va être le théâtre d’un fastueux mariage où se presseront les « happy few » : le jeune héritier un brin fantasque va épouser… une jeune Française sans le sou. Mais derrière les luxueuses façades et les vitres teintées des limousines se cachent de vilains secrets. Sans parler d’un tueur qui rôde dans les couloirs du palace qui devient bientôt un lieu de cauchemar.

Éditeur ‎Rivages (10 mai 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎416 pages
ISBN-10 ‎2743659920
ISBN-13 ‎978-2743659929

Poussière dans le vent de Leonardo Padura

Nous ne sommes que poussière

L’auteur porte dans cet ouvrage une part d’histoire, d’humanité de tout un peuple, de toute une nation, sous nos yeux c’est toute l’histoire de l’île de Cuba qui prend vie.

Le récit nous emporte dans le récit d’un clan d’amis, soudés par des liens d’amitié que ni l’oppression étatique, ni la misère endémique, ni les années d’exils ne sauraient séparer. Tout les mystères entourant le groupe, le suicide troublant du peintre maudit Walter, la disparition d’Elisa, la question de la paternité d’Adela ne sont que des prétextes pour partir à la découverte de personnages tous plus attachants les uns que les autres.

Les portraits s’enchaînent et on ne cesse d’être émerveillé par le talent de l’auteur pour donner de la voix à des personnages si charismatiques, si attachants, tout en étant si différents. Qu’ils aient fait le choix de rester à Cuba en endurant les privations et la corruption où qu’ils soient partis pour des contrées plus bienveillantes, le charme opère à chaque fois.

L’auteur dissèque la mentalité cubaine, ses charmes indéniables mais aussi ses tares. Son récit ambitieux nous amène à découvrir des portraits variés de personnages qui ont tous leur manière de voir les choses et ceux sur plusieurs générations puisque l’on suit aussi les enfants du clan, eux-mêmes porteurs d’interrogations, d’envies, d’espoir et de colères.

Cet ouvrage fabuleux est tout autant une fresque familiale que le chant d’un peuple qui n’a cessé de subir le joug communiste tout en continuant à vivre, à boire, à manger et surtout à s’aimer.

Résumé : Ils ont vingt ans. Elle arrive de New York, il vient de Cuba, ils s’aiment. Il lui montre une photo de groupe prise en 1990 dans le jardin de sa mère. Intriguée, elle va chercher à en savoir plus sur ces jeunes gens.
Ils étaient huit amis soudés depuis la fin du lycée. Certains vont disparaître, certains vont rester, certains vont partir. Des personnages magnifiques, subtils et attachants, soumis au suspense permanent qu’est la vie à Cuba et aux péripéties universelles des amitiés, des amours et des trahisons.

Éditeur ‎POINTS (13 janvier 2023)
Langue ‎Français
Poche ‎744 pages
ISBN-10 ‎2757899821
ISBN-13 ‎978-2757899823

Soeurs dans la guerre de Sarah Hall

Sus au patriarcat !

Un monde en ruine, une société qui périclite, un gouvernement dépassé qui mise sur l’autoritarisme pour se maintenir au pouvoir. Oui le roman de Sarah Hall propose un récit dystopique comme on a l’habitude d’en voir beaucoup en ce moment mais sous un angle différent.

L’autrice ne s’attarde pas vraiment sur les raisons qui ont précipité l’effondrement de notre monde ni sur la société totalitaire qui l’a remplacé. La description rapide des différentes crises qui ont conduit à la chute de la société moderne agitent déjà suffisamment nos médias pour ne pas avoir à s’épancher dessus. Le récit se déroule dans une Angleterre moribonde mais pourrait bien sûr se déroulait n’importe où.

Il en est de même pour les conditions de vie pour la gent féminine sous le joug de cette société patriarcale qui accorde tout juste assez de droits aux femmes pour qu’elle ne se sente pas asservie tout en s’attaquant à la partie la plus intime de leur être. Plutôt que de lister les contraintes auxquelles les femmes doivent faire face, l’autrice préfère insister sur la morosité, la résignation et le sentiment d’étouffement ressenti par l’héroïne.

Car le récit est avant tout un parcours initiatique d’une femme qui va partir à la reconquête de sa féminité, de son identité. Le roman est donc avant tout un récit intime, un éveil des sens, une découverte de la chair qui débouche sur une prise de conscience révolutionnaire.

Tous ces éléments réunis permettent à Sœurs dans la guerre d’acquérir une originalité indispensable étant donné le genre très référencé dans lequel il s’inscrit. Sarah Hall invite le lecteur à découvrir une quête de soi réjouissante dans un monde désespéré.

Résumé : Dans un avenir proche et désolant, la crise environnementale a ravagé l’Angleterre. Un régime autoritaire organise le rationnement de la population dans des villes exsangues, et le droit à la reproduction est rigoureusement contrôlé. Une jeune fille nommée Sister raconte son évasion et sa quête pour rejoindre une ferme utopique dans la région des Grands lacs : l’armée de Carhullan, une bande de rebelles ayant renoué avec une vie rurale et coupé tout lien avec les hommes.
Dans la lignée de «La Servante écarlate» de Margaret Atwood, Sarah Hall aborde avec une remarquable originalité les questions d’écologie, de genre et de défense des libertés individuelles, et propose une vision décapante du pire des mondes à venir. Une contre-utopie féministe exaltante.

Éditeur ‎Rivages (10 mai 2023)
Langue ‎Français
Poche ‎304 pages
ISBN-10 ‎2743660090
ISBN-13 ‎978-2743660093

Un garçon ordinaire de Joseph d’Anvers

Souvenir d’un Fucked up kids

L’artiste Joseph d’Anvers joue la corde sensible dans ce tendre récit en forme de complainte pour une jeunesse révolue.

En partant d’un marqueur historique pour la jeunesse des 90’s, la mort de Kurt Cobain, l’auteur compose une mélodie douce-amère où la nostalgie des jeunes années se dispute à l’angoisse de l’avenir. D’une plume délicate et chargée d’empathie, il écrit la partition d’une jeunesse en quête de repères.

Le récit se concentre sur le jeune narrateur et sa bande de potes. Un narrateur empreint de mélancolie et d’une maturité bien grave pour son âge, comme s’il avait conscience de vivre ce qui sera déjà les meilleures années de sa vie. À travers les épisodes classiques de la vie d’un adolescent l’auteur parvient à évoquer le racisme, l’exclusion sociale, la peur de grandir et la fin de l’enfance. À travers les mots et les maux de son personnage principal, l’auteur porte un regard désabusé et mélancolique sur un monde aussi attirant qu’effrayant.

En quelque 200 pages, Joseph d’Anvers sera parvenu à ressusciter une époque dissoute dans la tornade numérique. Sous sa plume c’est une symphonie de souvenirs qui s’invite dans l’imagination du lecteur, que celui-ci est vécu cette époque ou pas.

Résumé : Chronique de fragments de vie et d’événements historiques, Un garçon ordinaire offre un instantané d’une époque insouciante et révolue, avant l’avènement des nouvelles technologies.
Avril 1994. La fin du second mandat de Mitterrand approche, la Coupe du monde de football aussi, le génocide rwandais va débuter et les combats reprennent à Kaboul. Tous ces événements impactent la vie de six lycéens, tandis que le Bac puis ses résultats arrivent à grands pas. Mais c’est le suicide de Kurt Cobain qui va le plus bouleverser le groupe d’amis. Passionnés de musique, le narrateur et ses acolytes comprennent que la société tout comme leur vie sont en pleine mutation, leur innocence adolescente sur le point de vaciller.

Éditeur ‎Rivages (5 avril 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎224 pages
ISBN-10 ‎2743659122
ISBN-13 ‎978-2743659127

Les morts d’avril d’Alan Parks

Glasgow explosive

La saga d’Alan Parks sur le Glasgow des 70’s se poursuit avec ce quatrième tome. L’auteur continue d’explorer le thème de la masculinité toxique, la descente aux enfers et les blessures incurables.

Le personnage de l’inspecteur McCoy porte le récit sur ses épaules, une fois de plus, et cela commence à faire beaucoup pour ce pauvre homme qui se retrouve sur tous les fronts. Entre son coéquipier qui subit une pression pour faire ses preuves, son ami, le dangereux Cooper, qui se retrouve accusé d’un crime sanglant et la disparition mystérieuse d’un marin américain, il n’a pas le temps de s’ennuyer. Le tout dans le décor d’une Glasgow toujours aussi imprévisible et dangereuse.

Ce quatrième tome est sans doute celui qui comporte le rythme le plus soutenu. L’auteur s’éloigne du polar pur et dur pour s’orienter vers un thriller haletant. Une course contre la montre digne des meilleures productions hollywoodiennes.

L’auteur n’en oublie pas pour autant de broder autour de son thème favoris, la représentation des hommes hétéro dans une société qui se noie dans une masculinité omniprésente. Alors que ses personnages se perdent dans l’alcool et la violence pour tenter de panser leurs blessures inavouées, l’auteur dresse un constat alarmant sur les hommes et la société des 70’s.

Les enquêtes de l’inspecteur McCoy s’adressent à tout lecteur qui se passionne pour un personnage charismatique mais aussi à ceux qui aiment voir une époque révolue prendre vie sous leurs yeux.

Résumé : Alan Parks nous replonge dans la Glasgow des années 70, et plus précisément entre le 12 et le 22 avril, période durant laquelle l’inspecteur Harry McCoy va avoir fort à faire : des bombes artisanales rappelant le mode opératoire de l’IRA explosent dans Glasgow, un capitaine de la marine américaine nommé Andrew Stewart lui demande de l’aider à retrouver son fils, et son vieil ami Stevie Cooper – criminel patenté – sort de prison et ne semble pas prêt à mettre fin à ses activités illégales. Et en plus, McCoy a un ulcère. Entre deux gorgées d’antiacide, et de whisky, le lecteur va suivre l’inspecteur alors qu’il essaie de démêler toutes ces intrigues savamment imbriquées.

Éditeur ‎Rivages (8 mars 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎448 pages
ISBN-10 ‎2743659076
ISBN-13 ‎978-2743659073

Capitale du sud tome 3 Les contes suspendus de Guillaume Chamanadjian

Échec et mat

Après deux tomes qui ont apporté un nouveau souffle à la fantasy, il est temps pour la première face de la saga de la tour de garde de s’achever. La conclusion sera-t-elle à la hauteur du ravissement des deux premiers tomes ?

Ce troisième volume des aventures de Nox est dans la continuité des précédents. L’auteur continue de déployer son style solaire et poétique au service d’une intrigue toute en subtilité. Capitale du sud est une saga qui invite son lecteur à la réflexion, à l’évasion des sens, qui sait le surprendre au moment voulu.

Il faut espérer que cette saga aura un impact fort sur le genre de la fantasy, tant elle se démarque du tout venant de la production actuelle. Subtile dans son intrigue sans jamais se perdre dans des détails superflus, dotée d’un personnage qui sait faire preuve de témérité et de réflexion, généreuse dans son imaginaire sans jamais perdre de vue l’essentiel. Empreinte d’une poésie qui se confronte au cynisme le plus obtus. Capitale du sud offre une aventure d’une maîtrise exquise.

Au-delà de l’enchantement que procure la lecture, l’auteur offre, en sous-texte, une réflexion sur le danger de l’isolationnisme pour une société, de l’entre-soi et l’importance de s’ouvrir aux autres pour ne pas tomber dans la décrépitude.

Sans surprise la saga se conclut de fort belle manière, à la hauteur de ce que l’auteur a pu proposer depuis le premier tome. Un véritable souffle d’air frais pour le genre de la fantasy très codifié.

Résumé : Nox, ancien commis d’épicerie devenu négociateur de la maison de la Caouane, doit quitter la ville de Gemina suite à des événements terribles. Accompagné de son ami Symètre, il arrive enfin au domaine de la tour de Garde, où il veut construire un havre de paix, loin des machinations de la Cité. Des nouvelles amitiés et des rencontres inattendues lui permettront de se lancer dans cette aventure, mais l’influence de Gemina s’étend bien au-delà des enceintes de la ville, et Nox devra affronter une menace ancestrale afin de protéger son utopie.

Troisième roman de Guillaume Chamanadjian, Les Contes suspendus est la conclusion de la trilogie Capitale du Sud. Capitale du Sud, constitue, avec Capitale du Nord (dont le deuxième volume, Mort aux geais !, écrit par Claire Duvivier, est sorti en octobre 2022) le cycle de la Tour de garde, la série aux huit prix littéraires.

Éditeur ‎FORGES VULCAIN; Illustrated édition (7 avril 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎528 pages
ISBN-10 ‎237305695X
ISBN-13 ‎978-2373056952

La cité diaphane d’Anouck Faure

Un conte d’amour et de mort

J’attendais depuis si longtemps de trouver un récit qui saurait capter l’essence des jeux From software que j’avais fini par désespérer puis j’ai commencé à entendre parler de la cité diaphane, un roman de fantasy qui serait le digne héritiers de la dark fantasy façon Miyazaki.

Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’Anouck Faure est parfaitement parvenu à retranscrire l’imaginaire sombre et mélancolique du studio. Visuellement d’abord, avec cette cité de Roche- Étoile à l’architecture vertigineuse, aux ruelles labyrinthiques où seules règnent la désolation et la folie. Les gravures incluses dans l’ouvrage aident à se faire une idée de l’univers dantesque dans lequel l’autrice nous entraîne.

Mais le récit ne se contente pas d’emprunter la folie graphique de From Software. La narration, portée par une plume délicate et poétique, se joue du lecteur, se veut cryptique, en dit parfois trop sans jamais en dire assez. Au lecteur de faire la part des choses avec cette narration qui se joue de lui tout comme la destinée se joue des personnages. Il faudra échafauder ses propres hypothèses sur les mystères de cet univers enchanteur qui demeurent nombreux une fois la dernière page refermée.

L’autrice brode sur les mêmes thèmes que ceux développées tout au long de la saga From software. Le destin dans tout ce qu’il peut avoir de fatal, la malédiction de l’héritage, la corruption du pouvoir, l’obsession pour ce même pouvoir, la folie, les transformations physiques monstrueuses, la question du genre, sans oublier un petit morceau d’horreur lovecraftienne parce que cela fait toujours du bien. Tant de thèmes que l’autrice est parvenu à condenser sans que cela ne fasse de son récit une œuvre scolaire.

La cité diaphane apparaît comme un récit maîtrisé, référencé mais aussi personnel, astucieux dans sa narration et empreint d’une plume poétique. La première pierre d’un édifice littéraire que l’on espère majestueux.

Résumé :

Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.

Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.

Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut vite devenir un piège cruel.

Éditeur ‎Argyll éditions; Illustrated édition (3 février 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎272 pages
ISBN-10 ‎2492403696
ISBN-13 ‎978-2492403699

Petit pays de Gaël Faye

Enfance massacrée

Il était temps que je lise ce roman qui a fait sensation lors de sa parution en 2016. Petit pays nous conte l’enfance de Gabriel au Burundi, un pays qui va être sévèrement frappé par les jeux sanglants des grandes personnes.

La narration nous invite à vivre l’intrigue par les yeux de Gabriel, son enfance dans un quartier aisé, sa famille qui se déchire lentement. C’est à sa hauteur d’enfant innocent que l’on va prendre conscience de la tension politique et ethnique qui secoue le pays. Aidé d’une plume dynamique, qui interpelle et accroche, les souvenirs de Gabriel prennent vie dans l’esprit de lecteur.

Hélas ce choix de narration entraîne aussi des ellipses dans la narration, certains aspects de l’intrigue demeurent inconnus ou flous comme la séparation des parents de Gabriel, d’autres manquent de développement, certains personnages ne sont jamais nommés, comme les jumeaux amis de Gabriel. Il en résulte un récit touchant par les souvenirs qu’il invoque mais qui manquent de consistance et de développement.

Malgré cet aspect le récit n’en demeure pas moins un puissant exercice de mémoire, certains passages restent en mémoire de par l’effroi qu’il provoque.

Petit pays est un récit touchant sur la mort de l’enfance en temps de guerre mais qui, par ses choix de narration, n’approfondit pas suffisamment son sujet.

Résumé : En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

Éditeur ‎Grasset; 1er édition (24 août 2016)
Langue ‎Français
Broché ‎224 pages
ISBN-10 ‎2246857333
ISBN-13 ‎978-2246857334

La femme qui en savait trop de Marie Benedict

Toutes les guerrières ne portent pas l’uniforme

Hedy Lamarr, un nom qui a brillé sur les affiches de films Hollywoodien pendant 20 ans, mais qui m’était encore complètement inconnu jusqu’à tout récemment. Une femme au destin exceptionnel qui nous est conté dans cette biographie romancée. 

Véritable héroïne de son histoire, Hedy nous est présentée sous son meilleur jour, le récit occulte les épisodes les plus honteux de sa vie. Dans un style simple, sans fioritures, qui le rend très accessible, l’autrice revient sur les moments les plus marquants de la vie d’Hedy, ceux qui ont forgé sa légende. 

À travers des chapitres aux ellipses savamment dosées, l’autrice brosse le portrait d’une femme qui ne laissera ni les hommes, ni la société, ni le contexte historique et encore moins le fascisme lui dicter sa conduite. Son aura magnétique, sa vive intelligence et sa détermination sans failles révèle une femme prête à relever tous les défis. Un modèle de féminité assumée qui prend vie au fil des pages.

Sujet central de l’ouvrage, Hedy est de toutes les pages, de toutes les scènes. Sa psychologie est parfaitement décrite par l’autrice, on comprend les raisons qui la poussent à agir ainsi, ses états d’âme, son désarroi face à la cruauté de la guerre. Sa volonté d’apporter sa pierre à l’édifice à l’effort de guerre avec cette invention révolutionnaire qui finira par changer nos vies. 

Ce récit offre une entrée en matière idéale pour qui voudrait partir à la découverte de l’une des figures les plus fascinantes du cinéma. Une mise en bouche que je vais m’empresser de compléter avec son autobiographie afin d’avoir un aperçu complet de la vie de cette grande dame.

Résumé : En 1933, à 19 ans, Hedy Kiesler, séduisante actrice viennoise d’origine juive, épouse Friedrich Mandl, un riche marchand d’armes proche de Mussolini. Conscients de la menace qui vient d’Allemagne, ses parents cherchent, par ce mariage, à la protéger, quitte à accepter pour cela une conversion au catholicisme. Malheureusement, Mandl s’avère être un homme possessif et opportuniste. D’abord opposé à l’Anschluss, il finit par retourner sa veste et obtient les faveurs de Hitler. Horrifiée, Hedy décide de s’enfuir.
Installée aux États-Unis, elle rencontre le directeur de la MGM et devient sous ses mains Hedy Lamarr, superstar hollywoodienne. Malgré le faste et les mondanités, elle ne peut cependant oublier l’Europe et décide de contribuer à sa façon à l’effort de guerre. Grâce à son intelligence et avec l’aide d’un musicien, elle conçoit un système de codage des transmissions révolutionnaire – technologie qui sera à l’origine, entre autres, du Wifi et de nos téléphones portables. Mais comment accorder le moindre crédit scientifique à la plus belle femme du monde, d’origine autrichienne de surcroît ?
Dans ce récit à la première personne, Marie Benedict redonne vie à une femme hors du commun, dont le plus grand rôle fut oublié, voire ignoré, durant des décennies…

Éditeur ‎10 X 18 (7 octobre 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎336 pages
ISBN-10 ‎2264078138
ISBN-13 ‎978-2264078131