Entretien avec Jean-Michel Darlot — Au cœur du monde de Ninn

1. Comment est née la série Ninn ?
L’idée vient d’une fascination que j’ai toujours eue pour le métro parisien. Enfant, j’étais impressionné par ces tunnels qui semblent ne jamais finir, par ces trains qui filent dans l’obscurité comme des serpents de lumière. Avec Johan Pilet, nous voulions créer une héroïne qui explore cet univers souterrain, à la fois familier et mystique. Ninn est née de ce mélange : la réalité du métro et l’imaginaire qui s’y cache.


2. Le tome 7 marque déjà un long chemin parcouru. Comment avez-vous vu évoluer votre héroïne depuis ses débuts ?
Au départ, Ninn était une fillette curieuse, un peu perdue entre le monde réel et celui des souvenirs. Aujourd’hui, elle a grandi. Elle comprend mieux d’où elle vient, mais aussi ce qu’elle représente. C’est une héroïne plus consciente, plus forte, mais qui garde son regard d’enfant. J’aime cette ambivalence : elle avance, mais ne perd jamais son émerveillement.


3. Comment s’organise votre travail avec Johan Pilet ?
Nous fonctionnons comme deux musiciens. Je pose la mélodie, Johan crée l’orchestration. Nous discutons longuement avant de commencer un album : l’ambiance, les émotions, les thèmes. Une fois le scénario écrit, Johan fait ses recherches graphiques et ajoute ses propres idées visuelles. Il m’arrive souvent d’adapter une scène en fonction d’un croquis. C’est un vrai dialogue artistique, très vivant, où l’un nourrit toujours l’autre.


4. Le monde de Ninn semble sans cesse s’enrichir. Comment parvenez-vous à maintenir la cohérence de cet univers ?
Nous avons très tôt établi une sorte de carte mentale, une mythologie interne. Tout doit s’y rattacher, même les éléments fantastiques les plus lointains. Chaque nouveau tome explore une facette cachée de ce monde, mais sans jamais le trahir. Nous voulons que le lecteur ait l’impression que tout cela existait déjà, quelque part sous Paris, bien avant que Ninn ne le découvre.


5. Quels thèmes ou émotions dominent ce septième tome ?
Le tome 7 parle de mémoire et de transmission. C’est une histoire sur le lien invisible qui unit les générations: comment on hérite, presque malgré nous, de l’histoire, mais aussi des erreurs de ceux qui nous précèdent. Ninn y apprend que certaines réponses ne se trouvent pas dans les livres ni dans les tunnels, mais dans le cœur des gens qu’elle aime. Il y a aussi la question du passage : comment grandir sans perdre ce qui fait notre innocence ?


6. Comment trouvez-vous l’équilibre entre aventure, mystère et émotion ?
Je commence toujours par l’émotion. Si elle sonne juste, le reste s’organise autour. L’aventure et le mystère ne sont que des supports à ce que Ninn ressent : la peur, la tendresse, la nostalgie, la colère parfois. L’objectif, c’est que le lecteur vive ces émotions avec elle. Le fantastique, pour moi, n’est qu’un miroir de l’intime.


7. Le style de Johan Pilet est très expressif et cinématographique. Comment le dessin influence-t-il votre écriture ?
Johan a une sensibilité rare. Il parvient à rendre la lumière d’un tunnel, la douceur d’un regard, la tension d’un silence. Quand j’écris, je pense déjà à son trait. Parfois, je réduis mes dialogues, car un dessin dit tout. Le plus beau compliment qu’on puisse faire à un scénariste de BD, c’est de dire que ses mots disparaissent dans l’image. Avec Johan, c’est souvent le cas.


8. Vous avez un lectorat très fidèle. Est-ce que les retours des lecteurs influencent vos choix narratifs ?
Leur enthousiasme nous touche profondément. Certains lecteurs ont grandi avec Ninn : ils l’ont découverte enfants, ils la suivent encore adolescents ou adultes. C’est très émouvant. Cela dit, nous restons fidèles à notre vision. On ne peut pas écrire pour plaire ; il faut écrire juste. Mais quand un lecteur nous confie que Ninn l’accompagne depuis toutes ces années, c’est la plus belle des récompenses.


9. Comment percevez-vous l’évolution de la BD jeunesse aujourd’hui ?
C’est un moment passionnant. Le public jeune lit beaucoup, mais autrement : il veut de la sincérité, de la diversité, du sens. Les auteurs n’ont plus peur d’aborder des thèmes profonds. La BD jeunesse n’est plus un “genre mineur”, c’est un laboratoire d’émotions et d’idées. Et c’est très réjouissant de pouvoir y contribuer.


10. Enfin, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos projets à venir ?
Nous travaillons déjà sur le tome 8 de Ninn, qui viendra achever ce diptyque entamé avec le tome 7. Mais j’ai aussi d’autres projets d’écriture, à la fois dans et en dehors de la bande dessinée — des récits personnels, liant la mémoire, l’histoire et le fantastique. J’avance lentement, mais avec passion. Ninn m’accompagne encore, et tant qu’elle aura quelque chose à dire, je serai là pour l’écouter.

Entretien avec Aurélie Wellenstein : écrire pour incarner les ténèbres et rallumer la lumière

Depuis ses débuts, Aurélie Wellenstein bâtit une œuvre singulière, tissée de cauchemars fantastiques, de figures animales et de personnages en quête de rédemption. Rencontre avec une autrice pour qui l’imaginaire est un miroir tendu à nos parts les plus sombres… et les plus lumineuses.

L’attirance pour l’ombre

Vos romans sont souvent traversés par une atmosphère sombre, presque suffocante. Qu’est-ce qui vous attire dans ces zones d’ombre de l’âme humaine ?
C’est assez curieux, parce que je n’ai pas de réponse claire à cette question. J’ai le sentiment que beaucoup de choses s’enracinent dans l’enfance. Très tôt, j’éprouvais de l’empathie pour les anti-héros, je cherchais à comprendre les antagonistes, même dans des œuvres très manichéennes. Ce qui me fascinait, c’était les récits borderline, surtout ceux qui m’échappaient. Et puis, j’ai cette appétence pour le sombre, qui me vient naturellement. Je ne la contrôle pas. J’ai d’ailleurs constaté que c’était assez partagé parmi les auteurs de dark fantasy.


Un univers cohérent, hanté et viscéral

Depuis Le Roi des Fauves, vous développez un univers singulier. Quel en est, selon vous, le fil conducteur ?
Je suis partie de ce que j’appelais les « devenir-démon », des trajectoires de chute. J’aime cette idée de « voix de l’ombre », ce petit murmure sombre et dissonant dans nos têtes. Un temps, j’ai vu l’écriture comme un exorcisme. Aujourd’hui, je considère que je n’exorcise plus mes démons, je les incarne. Je les fais passer dans notre monde.


Métamorphoses et douleurs du corps

Le corps, la douleur, la transformation sont récurrents dans vos romans. Pourquoi cette fascination ?
Ça remonte au mythe du loup-garou. J’aurais adoré me transformer en loup à la pleine lune. Presque tous mes romans parlent de cette métamorphose, que j’ai fait évoluer pour ne pas me répéter. Le Roi des fauves, par exemple, devait au départ mettre en scène des personnages qui deviennent tous des loups. Souvent, je me dis en écrivant : « arrête avec tes loups ! » et l’histoire bifurque.


Animalité et empathie

L’animal est omniprésent dans vos livres. Pourquoi ?
Il y a un aspect symbolique, totemique. Mais surtout, il y a une volonté militante : en incarnant les animaux, la fiction permet au lecteur de les voir comme des individus, avec des émotions, un passé. Cela favorise l’empathie. L’émotion est un levier puissant pour défendre la cause animale.


Des héros cabossés

Vos personnages ne sont pas des héros classiques… Pourquoi ce choix ?
Je trouve plus intéressant de suivre des personnages blessés, borderline, porteurs de traumatismes. Cela dit, j’explore aussi des figures plus « héroïques ». Nathanaël (La Fille du Feu), Kabalraï (Le Désert des couleurs), ou Isaiah, le héros de mon prochain roman, sont tous porteurs d’une force positive tournée vers les autres. J’aime aussi raconter des « gentils ».


Évolution de l’œuvre

Avez-vous l’impression d’avoir affiné ou radicalisé vos thématiques ?
Je cherche toujours le bon axe pour défendre la cause animale. Blé noir était frontal, presque trop. Mers mortes a mieux fonctionné car j’ai adopté le point de vue des animaux. J’ai repris cette idée dans La Fille du feu. Mon prochain roman, Isaiah, me semble incarner plus profondément encore la rage qui m’habite depuis l’enfance… même si je suis encore trop plongée dedans pour être objective.


Une fiction réparatrice

La Fille du Feu semble plus lumineuse. D’où vient ce virage ?
Je voulais écrire une fiction « réparatrice », à l’opposé du destructeur Roi des fauves. La Fille du feu met en scène un personnage moralement aligné, incapable de fermer les yeux sur la souffrance, agissant sans cynisme. Ce qui le rend vulnérable, mais profondément humain.


Le choc originel

Quelle image a déclenché l’écriture de La Fille du Feu ?
Les incendies en Australie. Ces koalas brûlés qui sortaient des forêts dévastées m’ont bouleversée. Ces scènes mêlaient compassion et horreur. Le roman cherche à incarner cette double dimension, traumatique et solidaire.


Une œuvre en écho permanent

Ce roman vous paraît-il plus intime que les précédents ?
Pas nécessairement. On met toujours de soi dans un texte. Certains romans contiennent des éléments vécus, méconnaissables car fondus dans la fiction. Pas La Fille du feu. Mais c’est un texte très habité, comme tous les autres.

S’inscrit-il dans un dialogue avec vos œuvres passées ?
Oui. Mes romans se donnent la main. Chaque livre laisse une trace dans le suivant. La Fille du feu est aussi la reconstruction d’un roman précédent, refusé par tous les éditeurs car trop radical.


L’image comme point de départ

Qu’est-ce qui déclenche un roman chez vous ?
Souvent une image forte, un concept visuel. Une mer fantôme, un désert qui efface la mémoire, un enfant dans l’œil d’un cerf… Cela commence flou, comme une vision dans une boule de cristal, puis l’image prend forme.


Une fin, pour frapper juste

Vous apportez un soin particulier à vos fins. Que doivent-elles produire selon vous ?
Je veux que ça choque, que ça marque. Pas nécessairement un twist, mais une fin forte. Je crois qu’on se souvient plus d’un roman moyen avec une bonne fin que d’un excellent roman à la fin faible. Je ne prévois jamais mes fins à l’avance : je les laisse surgir.


Pour découvrir votre univers…

Quel roman conseilleriez-vous à un nouveau lecteur ?
S’il lit déjà de l’imaginaire : L’Épée, la Famine et la Peste.
Sinon : Mers mortes ou Le Désert des couleurs, selon sa sensibilité au sombre.


Vos sources d’inspiration ?

Stephen King, Jack London, Serge Brussolo pour l’imaginaire.
David Lynch pour l’onirisme.
Le peintre Zdzislaw Beksinski.
Les jeux From Software pour la dark fantasy.
Et aussi… les shonen ! Naruto, Bleach, Jujutsu Kaisen, Demon Slayer. Et bien sûr, Berserk.


Une flamme d’espoir

Que souhaitez-vous que le lecteur ressente en refermant La Fille du Feu ?
Une émotion douce. Une chaleur lumineuse — pas celle des flammes, mais celle de l’espoir.

Interview : Chacma, l’ingénieur devenu scénariste BD

Charles-Louis Detournay, alias Chacma, est ingénieur, journaliste, scénariste et figure discrète mais incontournable du neuvième art. À l’occasion de la sortie du second tome de la série Deuxième Bureau, il revient sur son parcours atypique.

Parcours et impulsions

Vous êtes passé d’ingénieur industriel à journaliste BD, puis à scénariste – quelle impulsion vous a poussé à franchir ces transitions ?

En soi, je n’ai pas vraiment arrêté ces différentes activités, mais je pense qu’elles s’inscrivent dans un processus naturel pour ma part : j’ai toujours aimé raconter des histoires, appréciant les effets qu’elles pouvaient produire, sur les autres ou sur moi-même. Il faut parfois du temps et différentes étapes pour atteindre un objectif, et le plus court chemin n’est pas toujours le plus efficace 😉

Votre formation scientifique influence-t-elle encore votre approche de la narration ou vos choix thématiques ?

Parfois, lorsque je m’attèle à des sujets qui demandent plus de recherches. J’ai besoin de comprendre une thématique afin de pouvoir ensuite identifier ce que je pourrais utiliser ou au contraire laisser tomber. D’un autre côté, il m’arrive d’écrire sur des éléments qui n’ont absolument rien de scientifique. J’essaie surtout de travailler sur ce qui me passionne, car je me dis que cet intérêt devra transparaître dans le récit. Puis si cela a aiguisé ma curiosité, j’espère qu’il en sera de même pour la lectrice ou le lecteur.

De la critique à l’écriture

Vous êtes arrivé à la bande dessinée via ActuaBD – qu’avez-vous appris de cette immersion ?

En tant que journaliste, j’essaie toujours de me mettre à la fois à la place du lecteur puis de l’auteur pour appréhender un récit, ce qui me pousse souvent à poser des questions assez précises aux artistes par le biais de l’interview. Il ne s’agit pas vraiment de secrets, car ils en livrent beaucoup plus lors des masterclasses, mais je suis certain que m’être ainsi projeté a influencé ma manière d’écrire.

Sous le pseudonyme Chacma, vous avez coscénarisé des albums très variés. Comment choisissez-vous vos projets ?

Par affinité au niveau de la collaboration ! Réaliser un album de bande dessinée nécessite beaucoup de temps et d’énergie, et je pense qu’il faut donc avant tout qu’une bonne relation se construise, doublée d’une véritable connivence. Mon style va alors s’adapter à celui du reste de l’équipe, afin que l’ensemble soit avant tout cohérent. Je ne cherche pas à travailler sur un registre, mais à m’impliquer dans un projet pourvu que je le réalise avec de belles personnes.

Deuxième Bureau : espionnage et Histoire

Qu’est-ce qui vous a attiré dans la période de 1936 et le sujet du magnétron ?

On m’a proposé il y a près de dix ans de scénariser la suite d’une série historique… Cette suite ne s’est jamais concrétisée, mais l’ensemble était suffisamment pertinent pour en faire une série en elle-même. C’est là que Brice Goepfert est entré dans la danse : Deuxième Bureau était né !

Comment collaborez-vous avec Brice Goepfert et Fabien Blanchot ?

Je découpe d’abord le récit en séquences… Ensuite, j’écris les séquences au fil du dessin de Brice, ce qui permet d’adapter ou de renforcer certains aspects selon ce qu’il propose visuellement. Avec Fabien, je résume le scénario en gardant l’essentiel des intentions et émotions, tout en suggérant quelques idées de couleurs, sans jamais imposer.

Pourquoi ajoutez-vous des dossiers documentaires en fin d’album ?

Je pense que l’Histoire a énormément à nous apprendre, mais je ne veux pas qu’elle alourdisse le récit. Le dossier permet à celles et ceux qui le souhaitent d’approfondir leur lecture, sans obligation. Cela donne une seconde vie à l’album et éclaire certains choix narratifs.

Maryse Maréchal, pilote et espionne, est une héroïne dans un univers très masculin. Pourquoi ce choix ?

La série originelle devait déjà mettre une femme au centre. J’ai poursuivi ce choix, car cela me permettait de construire un personnage plus subtil, plus complexe. Les femmes ont souvent une approche moins manichéenne, et cela enrichit la narration, notamment dans un contexte de guerre et de compromissions comme celui de 1936.

Comment avez-vous intégré les enjeux politiques sans alourdir le récit ?

J’associe le niveau de connaissance historique du lecteur à celui de mon héroïne : elle découvre, doute, et interroge. J’évite les exposés trop lourds, préférant faire émerger les tensions et enjeux au travers d’actions concrètes et de dialogues. Je m’appuie aussi sur des faits réels souvent méconnus pour interpeller le lecteur, comme la présence de la Légion Condor dans la guerre d’Espagne ou des citations véridiques d’Hitler.

Éclectisme et engagement

Vous alternez entre récits légers et plus sérieux. Est-ce un besoin d’équilibre ?

Oui, je ne peux travailler que sur un projet qui me passionne. Et heureusement, j’ai des centres d’intérêt variés ! L’humour, la science, l’Histoire, l’espionnage… Ce sont autant de portes vers des récits capables de surprendre le lecteur.

Vos travaux documentaires sur d’autres auteurs nourrissent-ils vos scénarios ?

Pas vraiment. Cela m’encourage parfois, car je découvre qu’eux aussi ont connu le doute ou les obstacles. Mais ce n’est pas une matière directe pour mes scénarios.

Quelle place pour la BD historique aujourd’hui ?

Elle reste essentielle. Accessible, populaire et documentée, elle permet de transmettre notre passé autrement. Dans les musées, on la retrouve de plus en plus comme outil pédagogique. Elle permet aussi de nous interroger sur qui nous sommes, et sur ce que nous voulons (ou ne voulons pas) répéter.

Intimité et réception

Comment conciliez-vous votre métier et votre vie de famille ?

Mon fils étant en situation de handicap, je reste souvent à la maison. Le scénario est une activité qui se prête bien à cette organisation souple. J’écris tôt le matin, tard le soir, entre deux soins ou activités. Mon espace de travail est au cœur de la maison, ce qui facilite les choses.

Quels retours avez-vous eus sur Deuxième Bureau ?

Les lecteurs y trouvent des choses différentes : de l’Histoire, de la technique, de l’émotion, de la réflexion. C’est très gratifiant de voir que chacun s’approprie l’histoire à sa manière, selon ses valeurs ou son vécu.

Quels sont vos projets ?

Si les ventes du tome 2 le permettent, nous prolongerons la série. En attendant, je travaille sur un autre scénario historique et un nouveau projet avec Brice Goepfert. Nous aimons beaucoup collaborer, donc l’aventure continue !

📚 Deuxième Bureau – Scénario : Chacma · Dessin : Brice Goepfert · Couleurs : Fabien Blanchot

Interview : Daniel Bultreys, scénariste des Foot Furieux Kids et artisan de l’humour en BD

Ancien éditeur chez Dupuis et Glénat, Daniel Bultreys est aujourd’hui l’un des scénaristes les plus actifs dans la bande dessinée humoristique jeunesse. Avec la série Foot Furieux Kids, il conjugue sens du gag, tendresse pour ses personnages et regard lucide sur le monde du sport. Rencontre.

Vous avez longtemps travaillé comme éditeur chez Dupuis et Glénat avant de devenir scénariste. Qu’est-ce qui vous a poussé à franchir le pas vers l’écriture ?

C’est clairement Dimitri Kennes, ancien directeur général de Dupuis, puis fondateur de sa propre maison d’édition, qui m’a mis le pied à l’étrier. Il me répétait souvent que j’avais « une bonne plume » et « une bonne dose d’humour ». Un jour, faute de trouver un scénariste pour adapter en BD la série de romans Passepeur, il me l’a proposé directement.

Après quelques secondes d’hésitation, j’ai accepté. À ma grande surprise, ma proposition a plu à Jean-Marc Krings, le dessinateur, et l’aventure a commencé ainsi. J’écrivais déjà auparavant, mais sans jamais terminer mes projets, car je trouvais l’exercice trop solitaire. La BD m’a permis de découvrir une vraie dynamique d’équipe, qui me convient parfaitement.

Votre formation en lettres a-t-elle influencé votre manière d’aborder le récit et la bande dessinée ?

Probablement dans les deux sens ! Si j’ai fait des études de lettres, c’est avant tout parce que je lisais énormément, romans comme BD. J’ai toujours accordé autant d’importance à la forme qu’au fond.

Aujourd’hui, j’attache un soin extrême au choix des mots, même pour des histoires légères. J’aime quand le style résonne et que la musicalité des phrases accompagne la lecture. Ce travail invisible, je le fais avec sérieux, en espérant qu’il touche le lecteur, même inconsciemment.

Après Momie en folie ou Brèves de caissières, vous vous consacrez à l’univers du football avec Les Foot Furieux Kids. Qu’est-ce qui vous a attiré vers cette thématique jeunesse et sportive ?

Là encore, ce sont les circonstances ! Pour la sortie d’un album BD des Diables Rouges avant la Coupe du monde au Qatar, Dimitri Kennes cherchait un scénariste. Par un concours de circonstances et de désistements, j’ai été sollicité. Le délai était très court, mais le projet a très bien pris avec le dessinateur Gürcan Gürsel.

Depuis, nous formons une équipe soudée. Le football, je le connais bien, ayant joué dans une petite équipe belge, et j’en suis toujours l’actualité. Cela me fournit une matière narrative inépuisable.

Dans Fini de rire, le président Duchemin impose aux enfants des règles absurdes. Cherchez-vous à pointer certains travers du sport amateur ?

Je cherche avant tout à faire rire. Mais il est vrai que la pression que certains adultes mettent sur les enfants dans le sport est une source d’inspiration. Ces projections démesurées sont à la fois drôles, absurdes… ou inquiétantes.

Comment se déroule la collaboration avec Gürcan Gürsel ?

Nous travaillons à distance, surtout par mail et Messenger. Gürcan, qui vit entre la Belgique et la Turquie, traduit souvent mes textes via Google Translate (rires). Il comprend mes intentions, et même s’il y a parfois des malentendus, ils sont vite réglés.

Ajoutons à cela que notre coloriste vit au Brésil ! On peut dire que notre série est une des plus internationales du paysage BD.

Le ton est très burlesque, parfois absurde. Quel rôle joue l’humour dans votre écriture ?

Je suis incapable d’écrire une histoire sérieuse. L’humour est mon mode d’expression naturel, dans la vie comme dans la BD. Même quand j’essaie, je finis toujours par glisser une vanne.

À qui s’adresse Les Foot Furieux Kids selon vous ?

À tout le monde, pas seulement aux passionnés de football ! Ce sont des histoires de groupe, de dynamique adulte/enfant, où chacun peut se retrouver. Le sport est une toile de fond. Ce qui compte, ce sont les relations humaines et les situations absurdes qu’elles génèrent.

Comment maintenez-vous un équilibre entre les gags et l’évolution des personnages ?

C’est fondamental ! Le format court nous permet d’alterner entre moments drôles et développement des personnages. Cette continuité est ce qui crée l’attachement chez les lecteurs. Contrairement à la série Foot Furieux, plus épisodique, ici les personnages grandissent avec les tomes.

Vous avez aussi scénarisé la série mère Les Foot Furieux. Quelles différences majeures avec Kids ?

La grande différence, c’est l’absence de personnages récurrents dans Les Foot Furieux. Cela change totalement la dynamique. On ne peut pas créer la même empathie. On est sur un format gag pur, souvent en une seule page.

Le trio enfants – coach – président fonctionne très bien. Comment avez-vous conçu cette dynamique ?

Ce sont les défauts qui font rire. Le coach est dépassé, le président autoritaire… Ce sont souvent les adultes les plus absurdes dans nos histoires, ce qui les rend drôles et attachants.

Quel est votre rythme de création ?

Je travaille le soir et le week-end, car j’ai un autre métier à temps plein. Je n’ai pas de plan détaillé en avance : j’écris au fil de l’eau, en fonction des idées, des dessins déjà réalisés, et parfois même des improvisations qui naissent d’un croquis.

Le tome 9 vient de paraître. La série évolue-t-elle avec les personnages ?

Oui, de plus en plus. Ce tome s’intitule Un seul être vous manque… et aborde les choix difficiles entre camaraderie et ambition. On tente d’ancrer la série dans des problématiques humaines, sans jamais perdre l’humour.

Comment travaillez-vous l’humour visuel avec Gürcan Gürsel ?

J’y mets évidemment mon grain de sel, à travers mes découpages, mais je dois humblement reconnaître à Gürcan une faculté incroyable à « humoriser » les personnages, notamment à travers des mimiques toutes plus drôles les unes que les autres. Il est vraiment très fort pour ça.

En tant qu’ancien éditeur, comment recevez-vous les retours des lecteurs ?

Je participe aux dédicaces avec plaisir, ce qui est rare pour un scénariste. Les retours des enfants et parents sont précieux : ils nous indiquent quels personnages plaisent, ce qui fonctionne… et ça m’aide beaucoup pour les albums suivants.

Vous avez aussi écrit Au grand magasin, plus adulte. Souhaitez-vous alterner entre genres ?

Au grand magasin, c’était certes plus adulte, mais on y a aussi remporté un Prix de l’Humour, donc je ne me refais pas ! Si j’avais plus de temps, je le ferais volontiers. Même sur des sujets plus graves, je glisserais toujours une touche d’humour. C’est plus fort que moi.

Les Foot Furieux Kids, tome 9 : Un seul être vous manque… est disponible aux éditions Kennes.

Interview ✨ Catherine Girard-Audet « La pire année de ma vie »

À l’occasion de la sortie de La pire année de ma vie, Catherine Girard-Audet, autrice québécoise bien connue des ados pour La vie compliquée de Léa Olivier, dévoile une œuvre plus intime et plus sombre. Dans ce nouveau roman jeunesse, elle aborde le deuil, la solitude, la reconstruction, tout en conservant ce ton juste et chaleureux qui lui est propre. Elle revient ici sur cette nouvelle aventure littéraire, son évolution personnelle, et le lien qui l’unit à ses lecteurs et lectrices.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire La pire année de ma vie, un roman plus brut et plus sombre que vos précédents ?
Disons qu’avec Léa, j’ai exploré mon déracinement et mon déménagement avec une touche d’humour et de caricature. Mais cette fois, je voulais toucher au côté plus sensible de l’ado en moi, et peut-être me montrer avec plus de vulnérabilité.

Aviez-vous besoin d’explorer une facette plus réaliste et parfois douloureuse de l’adolescence ?
Je crois que je voulais surtout aborder le stress de performance et mon côté un peu « nerd ». Et oui, des thématiques peut-être plus sérieuses, mais qui font aussi partie de la vie. Je crois toutefois avoir su garder une touche d’humour qui me ressemble.

Ce nouveau roman parle de reconstruction après une épreuve. Est-ce inspiré d’un vécu personnel ou d’un besoin d’aborder ce genre de sujet en littérature jeunesse ?
Je crois que la vie est parsemée d’épreuves et de reconstruction, mais comme j’ai changé trois fois d’écoles et de programmes au secondaire, ce sont des thématiques qui sont assez proches de moi !

Comment avez-vous travaillé les émotions de votre héroïne, entre deuil, solitude et colère, sans tomber dans le pathos ?
Mon secret, c’est l’humour. Même dans le drame, il faut savoir en rire. Et je crois que La pire année de ma vie reflète la « vraie » réalité des jeunes, qui est parsemée de hauts et de bas. Donc, une émotion plus difficile à vivre peut être suivie d’une plus douce.

Est-ce essentiel pour vous de faire confiance à vos jeunes lecteurs, même quand le sujet est difficile ?
Le plus important, c’est surtout de sentir que mes thématiques les interpellent. Je veux qu’on puisse s’identifier aux personnages et à ce qu’ils traversent. Et oui, je leur fais entièrement confiance. S’ils n’ont pas vécu telle ou telle situation, alors ça pourra les sensibiliser au sujet, ou les préparer.

La pire année de ma vie s’adresse-t-elle aussi à celles et ceux qui ont grandi avec Léa Olivier et attendent aujourd’hui des récits plus matures ?
Je pense que je m’adresse à un public ado en 2025. Comme le récit est peut-être un peu plus mature, je sais que je pourrai aussi rejoindre certains fans de Léa plus matures qui ont envie de me suivre. C’est gagnant-gagnant !

Que représente pour vous la réédition en poche de La vie compliquée de Léa Olivier ? Est-ce une nouvelle vie pour la série ?
Léa Olivier fera toujours partie de ma vie. Et si la réédition peut lui donner un autre souffle, alors tant mieux ! Mais à mes yeux, elle n’est pas terminée, cette série. Je prépare d’ailleurs un roman de Noël de Léa Olivier au Québec. C’est comme renouer avec ma meilleure amie !

Qu’avez-vous ressenti en relisant les débuts de Léa, avec le recul de ces années de succès ?
Je ne regrette rien et je suis si fière de ce que j’ai accompli. Mais c’est sûr qu’en treize ans, je crois que ma plume s’est améliorée et a pris de l’assurance. Ceci dit, je ne changerais rien. L’aventure de Léa est parfaite comme elle est !

Pensez-vous qu’il existe un lien intime, même discret, entre Léa et l’héroïne de La pire année de ma vie ?
Bien sûr ! Ce sont deux facettes de moi. Je suis Léa, et je suis Gabrielle. Quelque part, ces héroïnes se retrouvent. Dans leur sensibilité, leur humour, leurs doutes. Il y a moi en dessous des deux !

Montrer que la force peut naître du doute, de la chute, de la douleur : est-ce le cœur de votre travail d’écrivaine ?
Oui, tout à fait. Et aussi toucher par les émotions pures et brutes. Les épreuves nous façonnent. Je veux montrer aux jeunes qu’on peut tout surmonter.

Était-ce un défi pour vous de passer d’un ton léger et dialogué à une écriture plus tendue et épurée ?
J’adore les dialogues. Même dans La pire année, c’est ma force et mon dada ! Donc oui, c’est parfois un défi de passer à une narration différente. Mais je me devais de créer un nouveau style !

Quel retour vous touche le plus : celui d’un lecteur qui rit avec Léa ou d’un autre qui se reconnaît dans la détresse de votre nouveau roman ?
Les deux vont me toucher chacun à leur façon. Savoir que Léa puisse donner le goût de la lecture à un jeune, c’est extraordinaire. Et savoir qu’un autre se sent interpelé par Gabrielle aussi !

Envisagez-vous de continuer à explorer cette veine plus mature dans vos projets futurs ?
Ce que je veux, c’est continuer de parler des sujets d’actualité et de résonner chez les jeunes. Depuis les débuts de Léa, les temps ont changé aussi. Mais quoi que je fasse, j’y mettrai mon cœur, et on pourra toujours rire en lisant mes romans.

Comment parvenez-vous à concilier vos rôles d’autrice, traductrice, maman et conférencière tout en gardant votre souffle créatif ?
Cette année, je me consacre uniquement à deux rôles : autrice et maman. Sinon, j’avoue que je me sentais un peu épuisée et à sec. J’ai besoin de nourrir mon imaginaire dans mon quotidien. Ma fille est par ailleurs une préado qui me sert de grande source d’inspiration !

Quel message aimeriez-vous transmettre aujourd’hui à vos lecteurs, anciens ou nouveaux, à travers vos livres ?
Qu’ils ne sont pas seuls. Et que tout, même les pires tempêtes, finit toujours par passer.


La pire année de ma vie, de Catherine Girard-Audet, est publié aux Éditions Kennes. Disponible en librairie.

Interview avec Monsieur Tout le Monde : Perspectives, Expériences et Réflexions

Accompagnons-nous dans l’exploration d’un artiste à la fois mystérieux et doué : Mr Tout Le Monde, un jeune artiste français. Son nom peut sembler peu familier, mais il a fait son apparition à la fin de l’année 2019 avec son titre « Night Time ». En tant que DJ, producteur et chanteur, Mr Tout Le Monde nous transporte dans son univers mélancolique, naviguant entre la Deep House et la Melodic House.

  • Comment avez-vous commencé votre carrière dans la musique et qu’est-ce qui vous a motivé à devenir pcompositeur et chanteur ?

Aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai toujours fait de la musique. Puis cette passion a naturellement fait de moi un compositeur, puis quelques années plus tard un chanteur pour la naissance de Mr Tout Le Monde en 2016.

  • Quelles ont été vos principales sources d’inspiration au début de votre carrière, et comment ont-elles évolué jusqu’à maintenant ?

J’ai eu de nombreuses phases au cours des différentes périodes de ma vie, mais si je dois citer quelques artistes qui m’ont inspiré je nommerais Daft Punk, M83, Apashe, Woodkid ou encore John Powell et James Newton Howard.

  • Pouvez-vous nous parler du processus de création de ‘Night Time’ et de l’accueil qu’elle a reçu ?

Évidemment ce fut très émouvant et rassurant de recevoir un tel accueil sur ce titre. Je l’avais composé depuis des mois mais, inconsciemment, je n’osais pas le dévoiler au public. Et c’est vraiment grâce à l’impulsion de mon entourage que j’ai décidé de chanter pour la première fois sur ce titre puis de le sortir.

  • Comment avez-vous vécu le passage de l’anonymat à l’un des producteurs les plus en vogue en seulement trois ans ?

 Je vous remercie et je pense sincèrement que nous sommes qu’au début d’un long voyage ensemble et que Mr Tout Le Monde saura transcender le temps.

  • Comment décririez-vous l’évolution de votre son entre votre premier album « Her » et « SUN » ?

Ma musique est véritablement influencée par mes humeurs ! J’ai composé « Her » pendant le confinement, en pleine dépression… donc on peut entendre une sorte d’appel au secours et une certaine tristesse. Quant à « Sun », ce fut quelques temps après, alors que le projet commençait à prendre son envol et que le moral était au beau fixe.

  • Sur cet album, vous avez choisi de collaborer avec d’autres artistes. Quels critères avez-vous utilisés pour choisir ces artistes et comment ont-ils influencé le son de l’album ?

C’est avant tout une rencontre artistique et humaine. Toutes ces collaborations se sont faites vraiment naturellement car nos énergies étaient alignées et nous avons pu partager nos émotions respectives dans un titre.

  • Quel est votre processus créatif pour produire un nouvel album ou une chanson ?

La musique est une thérapie pour moi. Lorsque je compose, je suis comme coupé du reste du monde. Je compose en permanence, sans objectifs réels, sans limites ou autres barrières et la direction artistique suit naturellement mes humeurs et ensuite on décide d’en faire un album et de sélectionner les titres les plus cohérents pour offrir un voyage au public.   

  • Pourquoi la mélancolie est-elle un thème récurrent dans votre musique ?

Je compose ce que je ressens ! Les meilleures musiques sont celles qui arrivent spontanément, sans réfléchir, et il faut croire que je suis souvent mélancolique dans ces moments.

  • Comment réagissez-vous aux critiques, positives ou négatives, notamment pour un album aussi attendu que « SUN » ?

 Je partage des émotions au travers de ma musique, et si ces émotions peuvent être ressenties par les personnes qui l’écoute et toucher leur sensibilité alors c’est la seule chose qui compte à mes yeux.

  • Comment percevez-vous l’accueil de votre musique à l’international ?

Je suis ému de voir un tel engouement ! Notamment depuis que nous venons d’annoncer les premières tournées internationales au Canada et en Allemagne, où les places se vendent à une vitesse incroyable.

  • Comment gérez-vous votre désir de mettre votre musique avant votre image tout en maintenant un certain degré d’anonymat ?

Ma volonté a toujours été de mettre ma musique et mon univers artistique en avant, pas moi personnellement. 

  • Pensez-vous que votre choix d’anonymat influence la manière dont le public perçoit votre musique ?

 Je pense que le public peut plus facilement s’identifier à Mr Tout Le Monde et aux messages et émotions transmis dans mes musiques.

  • Quels sont vos projets futurs ? Pouvez-vous nous donner des indices sur vos directions musicales ou collaborations à venir ?

Je viens d’annoncer mon premier concert live au Trianon, à Paris, le 15 Novembre prochain et je finalise actuellement un nouvel album qui, je pense, saura vous surprendre !

Entretien Exclusif avec Thomas Van Hamme au Sujet de Son Roman ‘L’Éveil

Thomas Van Hamme, né le 10 février 1969 à Bruxelles, est un éminent animateur belge, reconnu pour ses talents à la radio et à la télévision. Il incarne la deuxième génération d’une famille artistique, étant le fils du célèbre scénariste de bandes dessinées belge, Jean Van Hamme.

  1. Quelle a été votre motivation première pour entreprendre ce voyage introspectif à travers votre récit, et comment cela a-t-il évolué au fil de votre exploration personnelle ?

Le fait de coucher par écrit ce voyage vers moi fut d’abord une thérapie personnelle. Le besoin de mettre des mots sur ce qui bouleversait tout ce que j’avais construit jusqu’alors. J’ai commencé cet exercice quand je suis arrivé en Inde, première étape d’un année initiatique qui durera finalement quatre ans. J’ai ensuite mis de côté ce journal, pour le reprendre à chaque moment déterminant de cette introspection. C’est en voyant que je me consacrais désormais à enseigner la méditation qu’une éditrice m’a contacté, curieuse de ce parcours pas banal pour un ancien présentateur télé. J’y ai vu comme un signe. C’est ce qui m’a encouragé reprendre mes écrits pour en faire un livre, convaincu que je n’étais pas seul à vivre cette quête et, qu’en la partageant, j’allais peut-être aider certains à avancer sur ce chemin parfois douloureux mais au final si lumineux.

  1. Pouvez-vous nous parler des moments clés qui ont marqué votre décision de dévoiler les strates cachées derrière une façade de réussite et de perfection ?

Cela n’a pas été simple pour quelqu’un qui, comme moi, vivait depuis toujours dans l’image. Je m’étais construit un personnage sans même en être vraiment conscient. Éclairer mes zones d’ombres pour mieux faire la paix avec toutes mes parts m’a permis de me retrouver. Mais comment redevenir vraiment celui qu’on est si tout le monde pense encore à l’ancienne version de vous-même ? Révéler mon authenticité faisait donc partie du processus. Et c’était une nécessité pour que ce livre résonne. Il m’a fallut du courage pour l’offrir au monde mais aujourd’hui je sais qu’en faisant cela j’ai fait œuvre utile. Depuis que le livre est sorti, je reçois quantité de témoignages plus émouvants les uns que les autres. Preuve que nos histoires se font écho. Et que dans ce monde d’image et de superficialité, nous sommes de plus en plus nombreux à aspirer à davantage de vérité et de partage.

  1. Comment décririez-vous le processus de transformation que vous avez vécu, passant de l’effondrement d’un monde construit minutieusement à l’émergence d’une nouvelle version de vous-même ?

Il y a d’abord eu un sentiment de non-alignement qui coïncidait avec mes cinquante ans. Le fait d’être arrivé à obtenir ce que j’avais toujours désiré avec, en parallèle, la sensation de ne pas être complet pour autant. Comme un vide intérieur. Le voyage a débuté par hasard – mais le hasard existe-t-il ? – avec la découverte des médecines shamaniques qui ont mis à jour un traumatisme enfoui. Un viol subit enfant que mon cerveau avait occulté mais qui conditionnait la piètre image que je pouvais avoir de moi. J’ai alors compris que je me perdais à courir après des illusions pour tenter de panser cette blessure. Mais cela signifiait aussi que tout ce que j’avais construit jusque là n’avait plus vraiment de sens. C’est la mort de ma petite sœur à l’âge de 39 ans qui a été le détonateur. Le signal qui m’a fait comprendre qu’il était temps de lâcher l’ancien pour m’ouvrir à cette nouvelle version de moi-même. 

  1. Quelles ont été les principales luttes intérieures que vous avez rencontrées lors de cette métamorphose, et quelles découvertes vous ont le plus marqué dans ce périple hors du commun ?

Lâcher l’ancien signifie renoncer à une grande part de sa vie d’avant. S’éloigner de certaines amitiés qui ne résonnent plus. D’habitudes tellement ancrées mais parfois néfastes qui ne nous conviennent plus. Ce qui implique de passer par de grands moments de solitude et de vide intérieur puisqu’on ne peut plus s’accrocher à ce qui constituait sa vie d’avant. Dans un parcours d’éveil de conscience, on appelle cela la nuit noire de l’âme. Quand tout s’écroule autour de soi et qu’on ne sait pas encore par quoi remplir cet immense vide qui s’est formé. C’est une étape très compliquée qui donne envie de revenir en arrière. Mais c’est impossible. Une fois ce chemin de detricotage de nos illusions entamé, un retour n’est plus envisageable. Puis, on découvre petit à petit ce qui se cachait derrière le personnage. On se reconnecte à la lumière qu’on a tous au fond de nous. On comprend qu’on est bien plus que son enveloppe terrestre : une énergie appelée la vie dont on est une émergence. Qu’on est connecté avec le tout et que nous créons jour après jour notre réalité. C’est la découverte de la spiritualité. De quelque chose d’indicible qui nous transcende et qui est amour pur.

  1. Pouvez-vous partager un moment particulièrement poignant ou révélateur que vous avez choisi de décrire dans votre récit, illustrant la fragilité de l’âme humaine et la nécessité de déconstruire pour reconstruire ?

Je suis parti en Inde pour trouver des réponses à la mort de Zoé, ma petite sœur. L’Univers m’a guidé vers Varanasi lors que ce n’était pas prévu. C’est dans cette ville sacrée, la plus ancienne au monde, qu’on brûle les morts le long du Gange. Mourir à Varanasi est une bénédiction pour les Hindous. C’est la garantie d’arrêter le cycle infernal des réincarnations. D’enfin trouver la paix. Voir ces cadavres brûler dans l’indifférence générale a été un électrochoc. Moi qui venait avec mes croyances occidentales, pensant que la mort était une fin et non le commencement d’autre chose. J’ai dû lâcher mes à-prioris et m’ouvrir à une autre vision de ce que pouvait être la vie et la mort. Comprendre que l’une fait partie de l’autre et que peut-être quelque chose de plus grand est à l’œuvre.

  1. Comment avez-vous navigué entre la révélation intime de vos propres expériences et la création d’un récit universellement accessible, capable de toucher les lecteurs dans leur quête de vérité et d’authenticité ?

Ma quête m’a amené à comprendre qu’elle était universelle et partagée par beaucoup depuis la nuit des temps. Mon récit est personnel mais j’ai l’espoir que le message qu’il porte touche des femmes et des hommes sur ce chemin de retour à soi. Me mettre à nu de cette façon était une manière de leur tendre la main pour que eux aussi aient le courage d’éclairer toutes leurs parts afin de mieux se retrouver. En toute humilité.

  1. En quoi votre ouvrage dépasse-t-il le cadre de l’autobiographie pour devenir une invitation à la réflexion et à l’éveil spirituel pour vos lecteurs ?

A l’heure où notre monde s’assombrit et se perd dans un individualisme de plus en plus forcené et des valeurs vides de sens, il y a paradoxalement de plus en plus de lumière même si elle n’est pas toujours visible, occultée même. Pourtant l’une ne peut pas exister sans l’autre. Nous assistons à un éveil de conscience massif. Et nous avons besoin de nous relier pour vibrer ensemble l’espoir d’une humanité nouvelle où l’amour, de soi, des autres et de tout ce qui porte la vie sera la règle. Mon livre n’est qu’une petite goutte mais porte les graines de l’espoir. Et plus les gouttes seront nombreuses, plus elles formeront un immense océan.

Interview de Charles Falque-Pierrotin pour « Les Chatvaliers contre les Ratons »

Et si les chevaliers de la Table ronde étaient des chats ?

Charles Falque-Pierrotin et Oriana Berthomieu on écrit : Les Chatvaliers aux éditions Grund. L’auteur Charles Falque-Pierrotin surnommé Choopa, suivi par près de 300 000 personnes sur Instagram, est l’un des membres de Lolywood (une chaîne YouTube aux 3.3 M d’abonnés). Les deux auteurs ont créé un album plein d’humour autour de l’univers de la Table ronde… peuplé par des chats

Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a inspiré à créer « Les Chatvaliers contre les Ratons Baveurs », un album qui marie l’univers de la Table ronde avec des personnages félins ?
L’idée des Chatvaliers m’est venue à force d’inventer des histoires de chevaliers pour mes neveux Louis et Henri, qui avaient 4 et 2 ans à l’époque. Un jour, alors que leur chat Newton me défiait du regard, le jeu de mot m’est apparu comme une évidence : les Chatvaliers. Et c’est de là qu’à découlé l’univers que nous avons imaginé ensemble avec Oriana Berthomieu, une ancienne collègue mais surtout une amie de longue date, dont j’ai toujours adoré les illustrations. 
On a sorti le tome 1 « Les Chatvaliers à la recherche du Grrraal » l’année dernière, avec la volonté de présenter l’ensemble des personnages autour d’une intrigue simple : qui a volé le Grrraal ?
Pour ce tome 2, on souhaitait amener du conflit dans le royaume de Grrretagne. C’est comme ça que nous est venue l’idée des Ratons Baveurs, qui souhaitent à tout prix récupérer Exchalibur, l’épée magique du roi Charthur.

Comment avez-vous abordé le défi de fusionner l’époque médiévale et l’univers de la Table ronde avec le monde félin pour créer un univers cohérent et amusant dans l’album ?

C’était un chacré défi ! D’autant plus qu’il s’agissait pour Oriana et moi de notre première histoire à destination des enfants.
Au moment de l’écriture du premier tome, je me suis inspiré de la légende arthurienne pour imaginer des personnages et une intrigue qui soient cohérents avec les aventures originelles des chevaliers de la table ronde. Oriana m’a aidé à préciser tout ça et à donner vie aux personnages grâce à son talent de dessinatrice. Et nous avons ensuite pu bénéficier du regard bienveillant et enthousiaste des équipes de Gründ (Coralie à l’édition et Karine à la maquette) pour rendre le tout pertinent pour les enfants de 4 ans et plus.

En tant que membre influent de Lolywood et suivi par une large audience sur Instagram, comment votre expérience dans le monde du divertissement en ligne a-t-elle influencé votre approche de la création de cet album pour enfants ?

Quand bien même il s’agissait de la première fois que j’écrivais une histoire sous forme d’album illustré, j’ai senti que mon expérience d’auteur de sketches sur Lolywood m’aura aidé à structurer le récit et surtout à amener de la comédie dans l’histoire. Ce qui était nouveau en revanche, c’était d’écrire en tant que narrateur une histoire qui sera lue pour des enfants, là où j’ai l’habitude d’écrire surtout des scènes comiques qui seront diffusés en vidéo et à destination des adultes.

Les chats chevaliers dans l’album ont chacun leurs propres personnalités uniques. Comment avez-vous développé ces personnages et leurs traits distinctifs tout en restant fidèle aux archétypes de la légende arthurienne ?

Pour développer les caractères des personnages, je me suis inspiré des archétypes existants dans les sitcom américaines (Friends, How I Met Your Mother, The Office…). J’ai ainsi pu proposer à Oriana des personnalités bien distinctes pour chaque chat (la courageuse, le prétentieux, le simplet, le déluré etc…), en s’appuyant sur des qualités et des défauts variants d’un personnage à l’autre. A partir de là, on a réfléchi à ce que ça rendrait visuellement, en s’inspirant d’illustrations existantes dans les bandes dessinées et dessins animés de notre enfance. 

Le titre « Les Chatvaliers contre les Ratons Baveurs » évoque déjà une dose d’humour. Comment avez-vous abordé le mélange de l’humour et de l’aventure tout en respectant l’essence de l’histoire de la Table ronde ?

Pour écrire ces deux albums des Chatvaliers, on a d’abord réfléchi à la structure de l’histoire : quel est l’enjeu ? quels sont les rebondissements ? quel est le dénouement ? quels personnages sont impliqués ? On s’est évidemment appuyé sur les éléments de l’univers  de la table ronde (les personnages, les objets, le lieu…) pour construire le récit. Puis, pour finir, on trouve les blagues qui iront bien avec les situations, aussi bien dans le texte que dans les illustrations.

Les illustrations jouent un rôle essentiel dans la narration de l’album. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre collaboration avec Oriana Berthomieu et comment ses illustrations ont enrichi l’univers que vous avez créé ?

Oriana et moi, nous nous sommes rencontrés à l’époque où nous travaillons tous les deux en marketing en 2012 dans une grande entreprise. Et à côté de notre travail, on avait chacun un hobbie : le dessin pour elle et l’écriture pour mois. On s’est perdu de vue quand on a quitté notre boîte. Par chance, on s’est retrouvé en 2021 autour de cette envie commune d’écrire une histoire pour les enfants.
Sur les Chatvaliers, on fonctionne vraiment comme un binôme. On réfléchit à deux à l’histoire, je rédige, je lui fais lire, elle me fait des retours. Idem sur les illustrations où elle me partage son travail, je lui fais des retours et on envoie le tout à notre éditrice. C’est un vrai travail d’équipe. 
Ce qui est formidable avec Oriana, c’est qu’on est sur la même longueur d’onde. On a des références communes, on partage le même humour et on travaille du coup dans une atmosphère très positive 🙂 A chaque nouvelle illustration qu’elle me partage, je retrouve mon regard d’enfant et je suis son premier fan ! En plus de très bien dessiner, elle rajoute plein de blagues visuelles dans ses illustrations qui me font souvent beaucoup rire. Et apparemment, les parents de nos lecteurs aussi !

Quels messages ou valeurs souhaitez-vous transmettre aux jeunes lecteurs à travers « Les Chatvaliers contre les Ratons Baveurs » ?

On souhaite avant tout transmettre du rire aux enfants et à leur parents. Il n’y a rien qui nous fait plus plaisir à Oriana et moi que de savoir qu’un jeu de mot ou une illustration a fait rigoler quelqu’un. On essaie aussi de véhiculer des valeurs bienveillantes à travers le comportement des personnages les uns envers les autres, comme la politesse, le pardon, la gentillesse ou encore la générosité.

De nombreuses personnes connaissent votre travail grâce à Lolywood et Instagram. Comment gérez-vous le passage de la création de contenu en ligne à l’écriture d’un livre pour enfants ?

Le passage de la création de vidéos pour Internet à l’écriture d’un livre pour enfant s’est fait assez naturellement pour moi dans la mesure où il s’agit de la même démarche : faire rire les gens. Ce n’est pas le même support ni la même cible, mais l’objectif premier c’est d’apporter du divertissement et du sourire aux personnes qui nous regardent ou qui nous lisent.

Pour conclure, qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent de leur expérience de lecture de « Les Chatvaliers contre les Ratons Baveurs » ?

Si on a réussi à faire rire les parents et leurs enfants, on aura le sentiment du travail bien fait ! Et si ça leur a plu, on espère qu’ils pourront en parler autour d’eux pour d’autres familles découvrent les aventures des Chatvaliers 🙂 En espérant un tome 3 !

Podcast : Alexandre Astier : Je suis compositeur, utilisant prétextes pour créer films et musique

Alexandre Astier revient sur sa collaboration avec l’Orchestre national de Lyon et en particulier avec le chef Frank Strobel, qui est un habitué de la musique de films.