1. Comment est née la série Ninn ?
L’idée vient d’une fascination que j’ai toujours eue pour le métro parisien. Enfant, j’étais impressionné par ces tunnels qui semblent ne jamais finir, par ces trains qui filent dans l’obscurité comme des serpents de lumière. Avec Johan Pilet, nous voulions créer une héroïne qui explore cet univers souterrain, à la fois familier et mystique. Ninn est née de ce mélange : la réalité du métro et l’imaginaire qui s’y cache.
2. Le tome 7 marque déjà un long chemin parcouru. Comment avez-vous vu évoluer votre héroïne depuis ses débuts ?
Au départ, Ninn était une fillette curieuse, un peu perdue entre le monde réel et celui des souvenirs. Aujourd’hui, elle a grandi. Elle comprend mieux d’où elle vient, mais aussi ce qu’elle représente. C’est une héroïne plus consciente, plus forte, mais qui garde son regard d’enfant. J’aime cette ambivalence : elle avance, mais ne perd jamais son émerveillement.
3. Comment s’organise votre travail avec Johan Pilet ?
Nous fonctionnons comme deux musiciens. Je pose la mélodie, Johan crée l’orchestration. Nous discutons longuement avant de commencer un album : l’ambiance, les émotions, les thèmes. Une fois le scénario écrit, Johan fait ses recherches graphiques et ajoute ses propres idées visuelles. Il m’arrive souvent d’adapter une scène en fonction d’un croquis. C’est un vrai dialogue artistique, très vivant, où l’un nourrit toujours l’autre.
4. Le monde de Ninn semble sans cesse s’enrichir. Comment parvenez-vous à maintenir la cohérence de cet univers ?
Nous avons très tôt établi une sorte de carte mentale, une mythologie interne. Tout doit s’y rattacher, même les éléments fantastiques les plus lointains. Chaque nouveau tome explore une facette cachée de ce monde, mais sans jamais le trahir. Nous voulons que le lecteur ait l’impression que tout cela existait déjà, quelque part sous Paris, bien avant que Ninn ne le découvre.
5. Quels thèmes ou émotions dominent ce septième tome ?
Le tome 7 parle de mémoire et de transmission. C’est une histoire sur le lien invisible qui unit les générations: comment on hérite, presque malgré nous, de l’histoire, mais aussi des erreurs de ceux qui nous précèdent. Ninn y apprend que certaines réponses ne se trouvent pas dans les livres ni dans les tunnels, mais dans le cœur des gens qu’elle aime. Il y a aussi la question du passage : comment grandir sans perdre ce qui fait notre innocence ?
6. Comment trouvez-vous l’équilibre entre aventure, mystère et émotion ?
Je commence toujours par l’émotion. Si elle sonne juste, le reste s’organise autour. L’aventure et le mystère ne sont que des supports à ce que Ninn ressent : la peur, la tendresse, la nostalgie, la colère parfois. L’objectif, c’est que le lecteur vive ces émotions avec elle. Le fantastique, pour moi, n’est qu’un miroir de l’intime.
7. Le style de Johan Pilet est très expressif et cinématographique. Comment le dessin influence-t-il votre écriture ?
Johan a une sensibilité rare. Il parvient à rendre la lumière d’un tunnel, la douceur d’un regard, la tension d’un silence. Quand j’écris, je pense déjà à son trait. Parfois, je réduis mes dialogues, car un dessin dit tout. Le plus beau compliment qu’on puisse faire à un scénariste de BD, c’est de dire que ses mots disparaissent dans l’image. Avec Johan, c’est souvent le cas.
8. Vous avez un lectorat très fidèle. Est-ce que les retours des lecteurs influencent vos choix narratifs ?
Leur enthousiasme nous touche profondément. Certains lecteurs ont grandi avec Ninn : ils l’ont découverte enfants, ils la suivent encore adolescents ou adultes. C’est très émouvant. Cela dit, nous restons fidèles à notre vision. On ne peut pas écrire pour plaire ; il faut écrire juste. Mais quand un lecteur nous confie que Ninn l’accompagne depuis toutes ces années, c’est la plus belle des récompenses.
9. Comment percevez-vous l’évolution de la BD jeunesse aujourd’hui ?
C’est un moment passionnant. Le public jeune lit beaucoup, mais autrement : il veut de la sincérité, de la diversité, du sens. Les auteurs n’ont plus peur d’aborder des thèmes profonds. La BD jeunesse n’est plus un “genre mineur”, c’est un laboratoire d’émotions et d’idées. Et c’est très réjouissant de pouvoir y contribuer.
10. Enfin, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos projets à venir ?
Nous travaillons déjà sur le tome 8 de Ninn, qui viendra achever ce diptyque entamé avec le tome 7. Mais j’ai aussi d’autres projets d’écriture, à la fois dans et en dehors de la bande dessinée — des récits personnels, liant la mémoire, l’histoire et le fantastique. J’avance lentement, mais avec passion. Ninn m’accompagne encore, et tant qu’elle aura quelque chose à dire, je serai là pour l’écouter.












