Fille du destin d’Isabel Allende, Emporté par l’histoire

Romance passionnée, chemin de vie tortueux et empli de douleurs, récit historique où se perd la nature humaine alors que sévit l’appât du gain. Cet ouvrage d’Isabel Allende est tout ceci à la fois. Le tout servi par une plume inégalable de conteuse.

Le récit est séparé en deux parties tellement disparates qu’elles apparaissent comme les enfants colériques d’une même famille. Dans la première partie, auréolé d’une atmosphère de douce innocence, l’autrice nous offre un portrait d’une famille noble chilienne dans une société policé où tout n’est que luxe, volupté et respect des bonnes manières. Une phase d’exposition qui pourrait paraître longue sans la plume adorable d’Allende qui oscille entre la chronique familiale et le conte sociétal.

Puis survint la rupture de ton de la seconde partie. Avec l’appel de l’aventure ressenti par Eliza surgit aussi la brutalité, la cupidité humaine, la sauvagerie et la mort. Plus intense, cette seconde partie garde une filiation avec sa petite sœur par son aspect conte historique et chronique des années de folie qui ont traversé l’ouest américain. On évoque le sort des femmes, traités comme des objets sexuels sans âme mais aussi la légende du bandit Joaquín Murieta. L’innocence s’éteint dans l’indifférence générale, étouffant dans son propre sang et la poussière.

De nos jours ce récit serait raconté de manière différente, les révélations seraient plus fracassantes, la temporalité serait malmenée, et les chapitres plus courts. Ce classique de la littérature reste pourtant indémodable et prouve que, peu importe la manière dont vous racontez votre histoire la plume vous sauvera toujours.

Résumé : Abandonnée sur le port de Valparaiso en 1832, adoptée par la famille Sommers, Eliza va mener une existence de petite fille modèle, jusqu’au jour de ses 16 ans où elle s’éprend de Joaquin, un jeune homme pauvre et entreprenant qui la quitte bientôt pour gagner la Californie. Enceinte, Eliza s’embarque clandestinement sur un voilier afin de le retrouver. En Californie, c’est le temps de la ruée vers l’or. La jeune femme va découvrir un univers sans foi ni loi, peuplé d’aventuriers, de prostituées, de bandits. Un jeune médecin chinois, Tao Chien, la prend sous sa protection. Autour d’eux, San Francisco grandit, le commerce entre les deux Amériques est intense, un nouveau pays naît, brutal, ambitieux, bien éloigné des traditions de la vieille Europe, tellement plus libre aussi.

Éditeur ‎Le Livre de Poche (1 mars 2002)
Langue ‎Français
Poche ‎445 pages
ISBN-10 ‎2253152455
ISBN-13 ‎978-2253152453

Mégapoles tome 1 Genèse de la cité de N.K. Jemisin, Super big apple

Mon premier est une ville mythique, Babylone moderne aux lumières éblouissantes, mon second est un univers, celui de N.K. Jemisin, foisonnant et dense. Mon tout forme un récit ambitieux tant dans son récit que dans le portrait de ses personnages.

Cette nouvelle saga s’abreuve à la source de deux genres très populaires sur divers médias de nos jours, les comics de super-héros d’un côté, avec ces êtres dotés de super-pouvoirs et le fantastique hérité d’un auteur reconnu par les amateurs du genre. L’autrice s’empare de ces genres pour les inscrire dans un récit qui, sous des faux airs de blockbuster à l’intrigue simple, cache de nombreuses interrogations métaphysiques et sociales en plus d’être une déclaration d’amour à la ville qui ne dort jamais.

New York prend vie sous la plume de Jemisin. Personnage à part entière du récit, nous allons faire connaissance avec les coins les plus reculés de son histoire mais aussi avec ses habitants, ses quartiers, véritables villes dans la ville. Rarement on aura autant eu l’impression d’être en plein milieu de ses gigantesques avenues.

Les protagonistes portent le récit sur leurs épaules et apportent une complexité psychologique qui fait tout l’intérêt du récit. Emportés par une destinée qu’ils n’ont pas choisie, ils vont devoir faire face à leurs contradictions, leurs doutes tout en tentant d’empêcher la destruction de leur ville. Leurs errements intérieurs sont minutieusement décrits, on plonge dans leur psyché comme dans un bassin sans fond. 

Toutes une série de thèmes sont portés par la voix des personnages. Des thèmes modernes qui secouent notre société actuelle avec tout un tas de mots en phobe mais l’autrice introduit aussi une réflexion sur notre place de l’univers, les conséquences de l’expansion de l’humanité et ce qui fait l’identité d’une ville, d’un quartier.

Ce premier volume nécessite d’être apprivoisé tant il est parfois dense, pour un résultat qui résonne comme une ode à la grosse pomme en plus d’être un récit fantastique divertissant.

Résumé : En descendant du train à Penn Station, le jeune homme se rend compte qu’il a tout oublié : son nom, son passé, son visage… Une seule certitude : quoiqu’il n’ait jamais mis les pieds à Manhattan, il est ici chez lui. Rien d’anormal, donc, à ce qu’un vieux taxi jaune à damiers s’arrête devant lui au moment où il en a le plus besoin. Il doit impérativement se rendre sur FDR Drive ; il ignore pourquoi, mais cela a sans doute un rapport avec les tentacules qui sèment le trouble à chaque coin de rue. La ville, sa ville est en danger, et lui seul semble être en mesure de la défendre. Lui seul ? Non, ils sont cinq, un pour chaque arrondissement de New York…

Éditeur ‎J’ai lu (3 février 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎384 pages
ISBN-10 ‎2290232513
ISBN-13 ‎978-2290232514

Je suis le feu de Max Monnehay, une âme de cendres


Il y a des formules, des modèles de narration qui ont fait leurs preuves et qui continuent de fonctionner auprès du lectorat, l’un d’entre eux consiste à dresser le portrait d’un personnage meurtri par la vie, l’âme percluse de multiples traumatismes. L’autrice Max Monnehay l’a très bien compris et signe un agréable polar, second volume des enquêtes de Victor Carrene.

Le personnage du psychologue Victor Carrene soutient le récit tout entier. Il est la source à laquelle s’abreuve l’intrigue principale mais aussi toutes les sous-intrigues du récit, il est le baril de poudre qui vient se frotter à l’allumette. Sa caractérisation se devait d’être convaincante. C’est le cas. Ancré dans la tradition des détectives dur à cuire, aimant à ennuis et punching-ball à voyous, ce personnage entraîne le lecteur dans une escapade Rochelaise digne des meilleurs romans noirs.

Son portrait psychologique crédible et soigné tranche avec les personnages secondaires un peu plus caricaturaux. Ainsi son entourage professionnel paraît un peu plus fade et moins agréable à suivre. Cela n’enlève rien au plaisir que l’on prend à le suivre dans son périple à travers La Rochelle surtout grâce au rythme infernal que l’autrice impose à son récit. Les interactions avec sa famille sont beaucoup plus touchantes et pertinentes, à tel point que l’on prend à espérer une présence plus importante du cercle familial dans les prochaines enquêtes de ce psychologue atypique.

Les traditionnels passages consacrés à l’assassin font l’effort de ne pas être redondant et donnent du corps à cette série de crimes odieux. L’autrice est parvenue à décrire un monstre crédible, complexe sans trop s’appesantir non plus sur sa psyché. La traque reste la priorité du récit.

Alors que je voyais le récit se diriger vers une conclusion peu originale, l’autrice est encore parvenue à me surprendre à l’aide de quelques feintes narratives qui achèvent de me convaincre que l’on tient là une plume prometteuse même s’il faudrait creuser le portrait des personnages secondaires.

Résumé : La Rochelle, mois de juillet. Une femme est retrouvée égorgée chez elle face à son fils de dix ans ligoté, qu’un bandeau et un casque audio ont préservé de l’intolérable spectacle. C’est la deuxième en l’espace de quelques semaines et les flics n’ont pas la moindre piste. Le commissaire Baccaro va alors faire appel à Victor Caranne, psychologue carcéral et oreille préférée des criminels multirécidivistes de la prison de l’île de Ré. Mais le tueur est une ombre insaisissable qui va bientôt faire basculer la ville dans la psychose.

Éditeur ‎SEUIL (4 mars 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎400 pages
ISBN-10 ‎2021488136
ISBN-13 ‎978-2021488135

Autopsie pastorale de Frasse Mikardsson, quand les experts coupent les cheveux en quatre…

Sous le soleil de minuit

Encore un polar scandinave ? Et bien oui que voulez-vous, parfois le hasard vous enchaîne à un genre. Ce mois de janvier aura été marqué par le froid et les températures négatives aussi bien dans mes lectures que dans la réalité. Pourtant cet ouvrage possède un postulat plus original que le tout-venant de la littérature policière. Cela suffit-il à faire de lui une lecture recommandable ?

Je ne vais pas faire grand cas de mon avis je n’ai pas aimé ce polar et ce pour deux raisons spécifiques que je vais détailler plus bas. Parlons d’abord des aspects les plus réussis, l’auteur est parvenu à instaurer une narration dynamique malgré son intrigue linéaire et casanière. La majorité de l’intrigue se déroule en effet dans les locaux de l’institut médico-légal de l’hôpital universitaire de Karolinska en Suède. On comprend très vite que l’on est face à un polar scandinave atypique, l’auteur suit son propre rythme en se moquant éperdument des codes usuels du polar scandinave. Un constat qui se révèle également dans la plume, légère et empreinte d’un humour teinté d’ironie et de poésie. Une plume revigorante qui illumine les rares passages narratifs mais qui s’éteint complètement durant les longues phases d’échanges théoriques entre nos différents experts.

Tout l’intérêt du roman réside dans la question de savoir si oui ou non il y a eu meurtre ou pas. Les chapitres suivent le processus médico-légal qui entoure ce genre de cas, d’où le côté très linéaire, et l’on assiste aux réunions entre les membres de l’institut ou aux discussions entre Antal, le légiste en chef et Pierre, son élève. On a donc droit à des pages et des pages de dialogues scientifiques pointus où chacun des personnages confronte son point de vue. Des passages rébarbatifs qui se poursuivent jusqu’à la conclusion et que l’auteur ne parvient jamais à rendre attractif. Le tout assèche la narration, n’instaure aucune ambiance originale et enrobe le tout d’une aura de rapport officiel inintéressant.

Mais le point noir du roman réside surtout dans l’écriture des personnages. Si l’auteur parvient à donner un ton distinctif à la majorité des personnages secondaires, comme la brave Magdalena cheffe de service et féru de la couleur jaune, et s’en tire plutôt bien avec son portrait de celui que l’on pourrait considérer comme un personnage principal, à savoir le méticuleux Antal, il échoue par contre avec le second personnage principal, le fameux Pierre. Impossible de savoir quel été le but de l’auteur en dépeignant un personnage aussi antipathique dans les pages de son ouvrage mais si l’effet rechercher est de déclencher un sentiment de haine irrépressible c’est réussi. Tout est fait pour que l’on ressente une profonde aversion pour cet expatrié français qui condense tous les défauts que l’on reproche à mes concitoyens en temps normal, ce qui rend difficile la lecture de ce polar qui accorde déjà beaucoup d’importance à des considérations scientifiques qui finissent par lasser tant elles sont redondantes.

Original ce polar suédois l’est sans nul doute, mais sa propension à détailler tout le processus scientifique sans y instiller ni l’humour ni la poésie que l’on retrouve lors des passages narratifs épars le condamne à être réservé aux afficionados des techniques médico-légales.

Résumé: au presbytère de la petite ville suédoise de Sigtuna. Elle était malade de son cœur. La porte était fermée à clef. Un dossier apparemment simple. Le jeune interne Pierre Desprez va réaliser une autopsie de routine, supervisé par le médecin légiste Antal Bő. Pourtant, l’enquête va se transformer en un casse-tête au fur et à mesure de l’avancée des investigations. Il n’en faudra pas moins que l’intervention d’une pomologue à la retraite, d’un vieux professeur de médecine environnementale et de la femme de ménage du vicaire pour révéler une vérité insoupçonnée !

Détails sur le produit

  • Éditeur : Nouvelles éditions de l’Aube (21 janvier 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 336 pages
  • ISBN-10 : 2815939266
  • ISBN-13 : 978-2815939263
  • Poids de l’article : 380 g

L’interview de Serge Brussolo pour la sortie de ANATOMIK le 13/11/2019

Avec la parution du nouveau livre de Serge Brussolo aux Éditions Bragelonne voici une interview en 18 points avec le maitre français souvent comparé à Steven King.

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Site de Serge Brussolo : https://brussolo-serge.pagesperso-orange.fr/

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L’interview de Serge Brussolo

1 : Que diriez-vous pour convaincre que l’histoire que vous écrivez est intéressante, importante et utile ?

Cela fait quarante ans que je publie, j’ai mes lecteurs fidèles, je pense que je n’ai pas à les convaincre que ce que j’écris va les intéresser, ils me font confiance. C’est du moins ce qui ressort des réactions que je reçois. Ils aiment le style d’histoires que je raconte, ils savent à quoi s’attendre. J’écris pour eux. Je n’ai jamais cherché à m’attirer un public généraliste, ce qui m’obligerait à faire trop de concessions. Certains éditeurs m’y ont encouragé, certes, mais ça ne me convenait pas. Le réalisme n’est pas mon élément naturel.

: À partir de quand le passé devient-il assez vieux pour être de l’histoire ? L’humain (dans le récit) pourquoi est-il un animal qui trébuche vingt fois sur le même caillou ?

La notion de passé est très relative. Quand j’évoque devant un jeune homme les événements de 1968 ça lui paraît aussi lointain que les Croisades ou la Guerre de Cent ans, or pour moi c’était hier. Einstein a écrit quelque chose à ce propos, je crois. L’homme ne tire jamais les leçons de l’expérience, il recommence perpétuellement les mêmes erreurs, c’est comme ça depuis la nuit des temps, et il en ira ainsi jusqu’à ce qu’il détruise la planète. Ce qui évolue, en revanche, ce sont les outils de destruction dont il dispose.

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3 : Comment démêler le vrai du faux dans les récits écrit pour un public qui dans son premier abord ne cherche pas un livre dit réaliste ?

Si l’on commence à se poser ce genre de question, on se gâche d’emblée le plaisir de la lecture ! Le lecteur doit jouer le jeu, se laisser prendre au piège du récit, s’abandonner au rêve, sinon ce n’est pas la peine d’ouvrir un roman, mieux vaut lire des traités de sociologie ou de mathématiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes détestent les romans et les jugent inutiles.

4 : Est-il nécessaire d’avoir des connaissances solides dans un sujet pour arriver à en faire un livre ? La confiance que le public accorde à vos récits est-elle dangereuse ?

C’est sûr qu’il est préférable de ne pas dire de conneries dans un contexte réaliste, mais ce n’est pas tellement le domaine dans lequel j’évolue. La Fantasy ne prête pas le flanc à ce genre de critique. Maintenant, si l’on écrit un roman historique, il est préférable de savoir de quoi on parle. Cela dit, je ne vois pas en quoi raconter comment était fabriquée une armure peut s’avérer dangereux… A moins que le lecteur ne s’improvise forgeron ! Mais là cela relève de la bêtise. Il y toujours des esprits faibles, si l’on se met à censurer les livres à cause d’eux, on n’écrit plus rien.

5 : Que pensez-vous  de la multiplication des romans dits best-sellers ces dernières années ?

Les best-sellers ont toujours existé, ça n’a rien d’un phénomène nouveau. C’est le public, les médias et la publicité qui les fabriquent. Ils correspondent à une attente du public à un moment donné. Ils obéissent à un effet de mode, ainsi qu’à un certain conformisme, ce qu’on surnomme « l’effet moutonnier ». Puis le temps passe, et la plupart d’entre eux sont oubliés.

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6 : Voyez-vous le livre dématérialisé comme l’avenir de l’éducation et de l’information, et devrait-il donner plus de visibilité aux jeunes lecteurs ?

Il ne faut pas se leurrer, en tant que grand défenseur (et utilisateur) du ebook, j’ai pu me rendre compte qu’on se heurtait à une terrible résistance du public. Aux USA, le livre dématérialisé fonctionne très bien, il représente le quart des ventes totales du pays. En France, hélas, ce support ne prend pas, on est à peine à 4%.  A l’heure actuelle il est impossible de prévoir si le ebook a la moindre chance de survivre. Il faudrait que le jeune public s’y mette sans tarder car sinon les éditeurs laisseront tomber. Certains n’y croient déjà plus et se montrent très pessimistes. En ce qui me concerne, les ventes dématérialisées représentent 10% des ventes totales.

7 : L’idéologie a-t-elle sa place dans le récit ?

Chaque auteur à ses convictions, l’empêcher de les exprimer relèverait de la censure. C’est d’ailleurs un peu ce qui se passe avec la généralisation du « politiquement correct », des choses ou des mots qu’il ne faut ni prononcer ni évoquer… Maintenant qu’on soit d’accord ou pas avec les idées de l’auteur relève d’un autre débat. Il convient de se méfier de la pensée unique.

8 : Que pensez-vous du travail de Stephen King qui vous est souvent comparé?

Je connais mal Stephen King, je n’ai lu que deux romans : Salem et Shining. Son fantastique n’est pas le mien, il est très ancré dans le réalisme, ce qui n’est pas mon cas. Je préfère le franc délire, les frontières qu’on repousse, voir jusqu’où on peu aller trop loin. 

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9 : Est-il conseillé de juger un roman en s’appuyant sur nos mœurs actuelles ? Peut-elle se transformer en propagande ? 

Encore une fois tout cela est très relatif. La notion d’admiration est toujours tributaire d’un moment historique. Au XIXe siècle on trouvait tel ou tel roman génial, aujourd’hui on estime que ces mêmes oeuvres sont des bouses et leurs auteurs de gros nuls… Il en ira de même pour notre période. Les « grands » auteurs d’aujourd’hui passeront probablement pour des has been dans trois ou quatre décennies… en admettant qu’on lise encore!

10 : Selon vous, est-ce que la science-fiction nous permet de réfléchir à un futur plus ou moins proche et d’éviter ainsi de potentiels dangers ? dixit votre nouveau roman « Anatomik »

C’était, à l’origine, le but de la SF, à travers une métaphore de faire la critique de nos sociétés. Tous les auteurs n’ont pas suivi cette voie, et le genre a peu à peu évolué vers la simple distraction. Dans les livres qui me passent entre les mains, je détecte souvent une idolâtrie excessive de la technique. Une vénération de la Science qui confine à la religion. Ce manque de recul critique me gêne un peu.

11 : Que pensez-vous du paysage de la littérature dite de genre actuel et de son évolution ?

Pas grand-chose car j’en lis très peu. Je suis gêné par le formatage des genres comme le thriller qui ne nous présente plus guère que des histoires de serial killer, et cela depuis plus de vingt ans! ça m’ennuie, et ça a grandement contribué à m’éloigner du genre.`

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12 : Existe-t-il une concurrence entre les auteurs ?

Concurrence je ne sais pas, mais une grosse jalousie, oui c’est sûr, en dépit des grandes claques dans le dos que s’envoient les écrivains. Dès qu’on a le moindre succès, on devient un concurrent, et c’est mal vu.

13: Sont-ils plus suivis pour leur personne que pour leur contenu ?

Non, les auteurs ne sont pas des stars de cinéma. L’écriture reste un métier obscur, qui n’a rien de glamour ni d’excitant aux yeux de la plupart.

14 : L’argent nuit-il au métier ?

Etant donné le faible pourcentage des droits que touchent la plupart des auteurs j’aurais plutôt tendance à reformuler la question en « Le MANQUE d’argent nuit-il au métier? » Rappelons que 90% des écrivains sont obligés d’exercer un autre métier pour survivre. Les médias ne cessent de mettre en avant les auteurs fortunés, mais ils oublient de préciser que ces rares privilégiés sont extrêmement peu nombreux.

15 : Combien de temps passez-vous à écrire et quel sont vos loisirs extérieurs ?  

 Ecrire est pour moi un plaisir, donc un loisir à temps complet. La durée d’écriture dépend du livre, de l’humeur, des événements extérieurs. Trouver les idées peut prendre plusieurs années, l’écriture du manuscrit deux ou trois mois pour le premier jet, viennent ensuite les corrections. Il n’existe pas de règles. J’ai écrit certains roman en dix jours (comme Simenon) d’autres en un an, voire davantage.

16 : Malheureusement le cinéma et vous ne vous êtes pas donné rendez-vous, mais êtes vous cinéphile ?  Quels sont les films et séries que vous aimez ?

Je ne considère pas le cinéma comme une promotion, donc le mot « malheureusement » est de trop. Je n’ai aucun regret, mais plutôt un certain soulagement. J’ai refusé beaucoup de propositions parce que je ne voulais pas voir mes romans massacrés. Les scénarios qu’on me présentait étaient le plus souvent absurdes ou sans aucun rapport avec le livre.

Je n’ai rien d’un cinéphile, je reste un homme du livre. Pour moi, le cinéma est une aimable distraction, rien de plus, ça ne me passionne pas. Si je « regarde » une série, c’est d’un œil distrait, la plupart du temps en faisant autre chose.

17 : Comment voyez-vous votre avenir dans les prochaines années ?

A mon âge il est conseillé de ne pas faire de projets, mais plutôt de profiter de l’instant présent.

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18 : Pouvez nous donnez des indices sur vos prochaines sorties et où en sont vos projets jeunesses comme Peggy Sue où Elodie ?  

Les prochaines sorties sont sur mon site perso, dans les mois qui viennent je compte me focaliser sur l’auto-édition numérique (gratuite) pour des raisons de liberté d’écriture. Les contraintes éditoriales me sont devenues insupportables.  Je n’écris plus d’ouvrages « jeunesse » depuis presque dix ans. Ce cycle était lié à un éditeur, Olivier Orban chez Plon, qui me laissait toute liberté d’écriture (qu’il en soit remercié!) Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui on me permettait d’écrire ce genre de texte, donc je préfère m’abstenir, je n’ai pas envie de batailler contre la censure, j’ai passé l’âge.

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