Mort aux geais, capitale du nord tome 2 par Claire Duvivier

Mains rouges, cœur noir

Le premier volume de la saga Capitale du nord ne m’avait pas complètement convaincu, la faute à une narration un peu trop maniérée. Je suis donc ravie de vous annoncer qu’Amalia a perdu ses bonnes manières dans ce second volume beaucoup plus musclé.

Fini le roman d’apprentissage empreint d’idéalisme, de morale noble et de bons sentiments, place à un récit de vengeance sur fonds de manœuvres politiques où l’honneur sert à essuyer les verres au fond d’une taverne lugubre après un conciliabule lourd de menaces. Une manière radicale de faire progresser l’intrigue mais l’autrice a conscience que le navire doit avancer. Le poisson a été pêché, il est temps de passer à la découpe.

On suit toujours l’intrigue par les yeux d’Amalia. Un personnage qui va gagner en complexité. L’autrice est constamment sur la corde raide avec ce personnage mais parvient tout de même à nous captiver dans sa quête de justice qui se transforme en vengeance acharnée, tout en nous faisant comprendre, par petites touches, qu’Amalia n’est pas le personnage le plus sympathique du récit. Une écriture qui s’oppose à celle, plus altruiste, de Nox dans Capitale du sud.

Il est juste regrettable que cette narration à la première personne empêche le dénouement d’acquérir une véritable ampleur. En restant focus sur Amalia, certains événements dramatiques apparaissent insuffisamment développés. 

Mais cela n’enlève en rien la tension qui parcourt tout le récit. Amalia est un personnage déterminée, qui n’a pas peur de se salir les mains mais qui va voir ces certitudes mises à mal. Et le final promet le meilleur pour la suite de la saga.

Je vais conclure en rappelant le lien étroit qui lie ces deux sagas miroirs avec la nourriture, même si le récit est moins épicurien que celui de Chamanadjian, les amateurs de fruits de mer devraient y trouver leurs comptes.

Résumé : Après les terribles meurtres de la maison De Wautier, le monde d’Amalia Van Esqwill s’est écroulé. Considérés comme les principaux suspects, Yonas et elle trouvent refuge dans les tumultueux Faubourgs de la ville. Mais s’ils peuvent se cacher de la garde havenoise, qui les protégera de l’emprise de l’enchantement ? Pour survivre, Amalia devra surmonter sa douleur, dompter ses peurs, s’adapter à la clandestinité… et accepter de confier son destin au jeu de la tour de garde.

Éditeur ‎FORGES VULCAIN; Illustrated édition (7 octobre 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎432 pages
ISBN-10 ‎2373056593
ISBN-13 ‎978-2373056594

Le problème avec la paix, l’âge de la folie tome 2 de Joe Abercrombie

Il n’est pas toujours facile, pour les auteurs, de trouver le ton adéquat pour narrer les histoires qui leur trottent dans la tête. Tant a déjà été fait, qu’il peut paraître ardu de proposer quelque chose de neuf.

Joe Abercrombie a choisi lui. Ses saga déploient un ton caustique, acide et sarcastique qui dépoussière le genre. On pourrait lui reprocher d’avoir trouvé une formule qu’il réitère depuis sa première trilogie, La première loi. Mais lorsqu’on aime on est rarement rassasié.

Toute la force des récits d’Abercrombie repose sur le dynamisme des dialogues, à coups de sous-entendus grinçants, de menaces voilées, de répliques lapidaires. Pour qui aiment les échanges construits sous forme de ping pong narratif, les dialogues sont comme une boîte de bonbons acides, ça pique la langue mais on en redemande.

Des dialogues qui sont servis par des personnages à la psychologie travaillée. L’auteur met en scène une galerie de personnages névrosés, à la morale ambivalente, aux actions contradictoires. Le récit ne comporte pas vraiment de héros ni d’antagoniste clair, du moins pour les personnages principaux. De véritables paradoxes ambulants emportés par le fleuve de l’Histoire.

Là où d’autres auteurs vont déplacer leurs pions lentement sur leur échiquier, dévoiler progressivement les desseins des protagonistes, Abercrombie lui place le lecteur au coeur de l’échiquier. On assiste en direct aux trahisons, aux réunions secrètes des comploteurs, aux décisions unilatérales qui entraînent la mort de milliers d’innocents. L’impression d’être au cœur d’une trame tentaculaire où chaque pion dissimule une paire de poignards n’a jamais été aussi forte.

Puis, alors que chaque pièce est à sa place, voilà que l’auteur sonne l’alalie. Les armées s’entrechoquent et le sang commence à couler dans une sarabande mortelle où l’auteur convient le lecteur à assister à un massacre impitoyable à hauteur d’homme. Un passage obligé dans les récits d’Abercrombie et qui est toujours aussi jouissif.

Le verbe acide et la profondeur des personnages font de cette saga un incontournable de la fantasy. Des atouts qui font oublier la pauvreté des descriptions et l’absence de carte.

Résumé : Ancienne reine des affaires à Adua, Savine dan Glokta a tout perdu lors des émeutes de Valbeck. Sa fortune, son flair et sa réputation… Il ne lui reste plus que son ambition et une solide absence de scrupules.

Pour un héros de guerre comme Leo dan Brock, la paix est une source d’ennui et de frustration. Mais avant de repartir au combat, il lui faut forger des alliances… et la diplomatie n’est pas son fort. Pendant ce temps, son amie Rikke lutte pour maîtriser son don maudit – avant qu’il finisse par avoir sa peau.

Fraîchement couronné, Orso doit avant tout se garder des coups de poignard que lui réservent ses « partisans ». Sans pour autant négliger ses ennemis désireux de libérer le peuple de ses chaînes, les nobles, concentrés sur leurs intérêts privés, ou encore les créanciers qui l’attendent au tournant de la dette.

L’ancien temps est mort et ses monarques avec. Les nouveaux découvriront vite que rien n’est éternel. Ni les pactes, ni les allégeances… ni la paix.

ASIN ‎B09HJX6ZQ8
Éditeur ‎Bragelonne (5 janvier 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎624 pages
ISBN-13 ‎979-1028112202

Fils-des-brumes tome 2 le puits de l’ascension, La subtilité et la lourdeur sont dans un bateau…la subtilité tombe à l’eau

Le livre de poche a réussi à enlaidir encore plus la couverture originale

Dieu que c’était long. On ne va pas se mentir ce volume deux de la saga de Brandon Sanderson tire en longueur. Plus de 1000 pages pour une histoire qui souffre d’immobilisme. Détaillons tout cela ensemble.

Commençons par les aspects positifs du récit. Sanderson maîtrise à merveille la narration de ses scènes d’action. On a l’impression qu’une caméra suit Vin durant ses voltiges au-dessus des toits de Luthadel. Les pouvoirs de l’allomancie permettent des actions fantastiques et la plume dynamique de l’auteur retranscrit ses scènes avec une vitalité digne des meilleurs films d’action. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur un affrontement mémorable entre Vin et huit adversaires. Malheureusement cette scène d’ouverture sera aussi la meilleure de tout le récit.

Au niveau de l’intrigue ce n’est pas le même son de cloche. Stagnation est le mot qui représente le mieux ce second volume. En entamant la lecture je m’attendais à certaines longueurs, difficile d’y échapper sur un ouvrage aussi épais, mais pas à ce que l’auteur fasse autant traîner en longueur son intrigue. Parvenu à la seconde moitié du récit je me suis amusé à faire le bilan des différentes intrigues exposées en début d’ouvrages. Le siège de Luthadel ? Toujours en cours et les différentes forces en présence se regardent en chien de faïence sans qu’il ne se passe grand chose. La recherche des réserves d’atium ? Tout le monde s’en inquiète mais personne n’a le moindre début de piste. Le fameux puits de l’ascension dont il est question dans le titre? Deux érudits pencheront sur la question au cours de chapitre d’un ennui abyssal jusqu’à ce que Vin se décide à explorer le lieu qui paraît le plus évident. La menace nébuleuse qui promet d’être encore plus redoutable que les dangers déjà présents ? Et bien elle restera toujours aussi nébuleuse une fois parvenu, laborieusement, à la conclusion de ce tome qui ne m’a guère convaincu. Le personnage de Vin incarne à mon sens cette stagnation. Toujours plus puissante, toujours plus redoutable, mais niveau développement du personnage c’est le néant absolu. Vin achèvera l’ouvrage de la même manière qu’elle a débuté, surpuissante et amoureuse d’Elend.

Et si ce surplace narratif était au moins l’occasion pour Sanderson de développer des intrigues politiques subtiles et la psychologie de ses personnages cela aurait le mérite de consolider son univers. Mais il n’en est rien. Les intrigues politiques tournent essentiellement autour d’Elend et de la toute jeune république qu’il est parvenu à mettre en place en un an à peine. L’auteur met en place des complots, des tentatives d’assassinat et même un coup d’État pour au final que tout se résolve à l’aide de l’allomancie et d’une très grosse épée. C’était bien la peine de tenter d’être subtil pendant près 800 pages pour conclure tout ceci a la manière de Gemmel.

L’auteur s’est-il rendu compte de tout le potentiel gâché de son histoire à mesure qu’il amène une conclusion bourrine qui va à l’encontre de tout ce qu’il a pu développer durant les deux premiers tiers de son récit ? Le fait est que ses personnages n’en sortent pas grandi. Les nouveaux personnages introduits dans ce second opus sont les victimes collatérales de cette intrigue maladroite. Zane avait un potentiel certain dans le rôle de l’observateur ténébreux qui a toujours l’air d’en savoir plus que les autres mais il se révélera creux et ne servira qu’à ébranler, de manière superficielle, les convictions de Vin. Le personnage de Tindwyl apporte une fraîcheur bienvenue avec son franc-parler et son intransigeance, mais se retrouve mis de côté une fois que l’auteur saborde tout un pan de son intrigue. J’éviterais d’aborder le cas de Straff et de Cett qui ne servent qu’à faire du remplissage.

La principale victime se révèle être Elend. Ce tome sera l’occasion d’assister à la naissance d’un monarque. L’érudition et la diplomatie de ce jeune dirigeant sont les qualités, et aussi les armes, mises en avant durant les trois quarts du récit, donnant lieu à des passes d’armes qui manquent un peu de sel, la platitude des dialogues est aussi un des défauts de l’oeuvre, mais qui ont le mérite d’inscrire le personnage dans une ambiance de complots et de jeux politiques rarement vus dans le domaine de la Fantasy. Pourtant malgré tout le développement subtil accordé à ce personnage l’auteur va décider de l’écarter, littéralement, de la conclusion alors même qu’il s’agit de sa véritable prise de pouvoir du personnage qui, pour le coup, manque cruellement de panache et va à l’encontre des principes défendus par Elend. À la toute dernière page du livre Elend a gagner un statut qui le rend puissant sur le papier mais faible en matière de psychologie et de développement du personnage.

Ce tome donne la désagréable impression que l’auteur a suivi une voie durant une grande partie de son récit avant d’opérer une volte-face narrative expéditive qui sacrifie la subtilité au nom de l’action explosive. Une fracture d’autant plus dure à digérer qu’elle justifie mal l’épaisseur du récit et qui donne à l’ensemble de ce second volume une impression d’intrigue bâclée.

Résumé: En mettant fin au règne brutal et millénaire du tyran, ils ont réalisé l’impossible.
À présent, Vin la gamine des rues devenue Fille-des-Brumes, et Elend Venture, le jeune noble idéaliste, doivent construire un nouveau gouvernement sur les cendres de l’Empire. Mais trois armées menées par des factions hostiles, dont celle des monstrueux koloss, font le siège de Luthadel. Alors que l’étau se resserre, une légende évoquant le mystérieux Puits de l’Ascension leur offre une lueur d’espoir.
Et si tuer le Seigneur Maître avait été la partie la plus facile ?

  • Éditeur : Orbit (13 octobre 2010)
  • Langue : : Français
  • Taille du fichier : 4049 KB
  • Synthèse vocale : Activée
  • Composition améliorée : Activé