L’été contraire (20 avril 2017) de Bichet,Yves

Une infirmière, un agent d’entretien, deux retraités, une simplette… Cinq petits héros du quotidien qui refusent de céder à la morosité alors que l’été arrive, qu’il fait de plus en plus chaud, que la canicule menace. Le pays se délite mais eux se découvrent, s’aiment et se confrontent à la manière batailleuse des timides. Loin de s’apitoyer sur leur sort, ils nous guident vers des chemins de traverse où le burlesque côtoie le drame et, peut-être, une nouvelle forme d’utopie.

Chronique : Ce roman est vraiment très beau. C’est aérant, libre, enthousiasmant et très bien écrit. Bichet est un auteur rare dans le paysage français avec un magnifique roman, qui nous plonge dans ce que pourrait être notre vie à tous, mêlant nos faiblesses, nos compulsions, osant nos sentiments, oubliant le sociétal, marchant, marchant toujours vers le fond du problème, le fond de nous-mêmes et du rapport aux autres, qui constitue l’Humain.
L’été contraire est un roman-théâtre au style vif, prenant, qui nous laisse d’innombrables empreintes d’images, de flashes émotionnels, et de fragments du code de la vie. Il nous fait changer.

Note : 9/10

  • Editeur : Folio (20 avril 2017)
  • Collection : Folio

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La clef sous la porte (20 avril 2017) de Gautier,Pascale

Ils sont solitaires, dociles, désabusés. Ils sont enseignant, retraité, cadre, employée. Tous sont ligotés à leur petite vie, à leur faux confort. Auguste, comme chaque fois qu’il retrouve ses parents, est pris en tenaille entre une mère tyrannique et un père plutôt faible. José, retraité endurci, vit devant la télé. Ferdinand subit une femme volage et une fille ado, véritable tête à claques. Agnès, toujours amoureuse d’hommes mariés, doit se rendre au chevet de sa mère qui agonise… Jusqu’au jour où, grains de folie aidant, ces quatre contre-héros vont rompre les amarres. Parents, métier, épouse, raison : tout finit par voler en éclats ! Après l’immense succès des Vieilles, Pascale Gautier poursuit son exploration des vies ordinaires et des travers de notre société. C’est caustique à souhait.

Chronique: Ce livre est d’une écriture franche, parfois cynique mais honnête sur le temps qui passe et les choix de vie qui nous laissent insatisfaits. Derrière des personnages attachants se dessinent des questionnements profonds sur les sens de la vie et leurs absences, sur ce désir secret de faire souffrir les autres plutôt que nous-mêmes, sur le sens aussi de la vengeance ou de la rupture comme un moyen de survie.
L’auteure nous fait une démonstration magistrale de son style si particulier où se mêlent le langage courant, quelques fois vulgaire, et des sentences dignes des maximes de Pascal que l’on a envie de retenir tant elles sont belles et justes. Un style où la routine devient théâtralisée, le temps long devient haletant et les personnages s’entrelacent sans se croiser permettant à chacun de se retrouver dans l’un des héros. C’est une belle réussite, un de ces précieux ouvrages qui appellent à une lecture d’une seule traite.

Note : 9/10

  • Poche: 224 pages
  • Editeur : Folio (20 avril 2017)
  • Collection : Folio

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Le Paris des Merveilles, III : Le Royaume Immobile (4 mai 2017) de Pevel,Pierre

Le tout-Paris des Merveilles bruisse d’une incroyable nouvelle : les prochaines élections du Parlement des Fées seront ouvertes à des représentants de la Terre. Griffont se voit, quant à lui, proposé d’être le représentant du Cercle Cyan. Il a, toutefois, bien d’autres chats (fussent-ils ailés) à fouetter. Son jeune ami François-Denis de Troisville lui a demandé d’être son témoin lors d’un duel face au redoutable Victor Dalmas, mage du Cercle Incarnat à la triste réputation. Mais celui-ci va mystérieusement disparaître, ravivant, s’il en était besoin, les tensions entre les Cyan et les Incarnat. Une fois de plus, Griffont et Isabel de Saint-Gil vont devoir mener l’enquête. Le Royaume Immobile clôt en beauté le cycle du Paris des Merveilles, une trilogie steampunk aussi drôle qu’érudite.

Chronique : Ce tome 3 se passe en 1910, quelques mois après les événements du tome 2. L’intrigue est intéressante et le rythme est très bon ainsi que les péripéties où nous retrouvons nos personnages. L’escrime est ici au centre de l’action et de l’histoire, là encore dans la logique continuité du tome 2. Pierre Pevel démontre une fois de plus qu’ont peut être français et faire jeu égal avec les grands auteurs anglo-saxons de Fantasy. La langue est belle, les références stylistiques (Dumas/Leblanc/Leroux sont un peu partout…)amusantes pour l’amateur, l’histoire suffisamment prenante pour garantir un moment de vrai plaisir.Les personnages sont riches (sur le plan de leur psychologie), attachants et drôles (les dialogues sont parmi les plus savoureux qu’il m’ait été donné de lire). Griffont évoque une sorte de Sherlock Holmes moyennement doué pour l’enquête croisé avec un magicien d’une puissance et d’une expérience respectables (Gandalf, Pug, etc, chacun aura sa référence), le côté Gentleman parisien en plus. La baronne, elle, évoque irrésistiblement un Arsène Lupin au féminin croisé avec Catwoman et Mata Hari. Enfin, leur histoire commune, remontant à plusieurs siècles, évoque la série Highlander. Une fin de cycle avec un  roman mêlant la vie parisienne des années 1909 / 1910 telle qu’elle était et magie et merveilleux, superbement écrit (écriture fluide et colorée, dialogues savoureux, personnages riches et hautement attachants, ambiance et convenances de l’époque très bien rendues), à la couverture superbe, à l’histoire fort sympathique pour cette belle fin.

Note : 9,5/10

  • Editeur : Folio (4 mai 2017)
  • Collection : Folio SF
  • Langue : Français

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Les méduses ont-elles sommeil ? (13 avril 2017) de Louisiane C. Dor

«Mon destin ne pouvait pas être aussi simple que le leur. Aussi plat. Aussi rien. Je voulais devenir quelqu’un. Paris m’attendait, je le savais, que Paris m’attendait. J’ai alors quitté le gouffre dans lequel Dieu et ma mère m’avaient implantée, et ai fait de mon quotidien ce dont je n’avais jamais rêvé : un désastre.»

Chronique : Voici un roman au témoignage très poignant de la dérive d’une jeune provinciale à Paris. Il est bon de savoir ce qui arrive à des jeunes trop naïfs et trop influençables, dans ce roman on découvre Hélène qui à  18 ans et viens d’arrivée à Paris. Elle va entamer sa vie parisienne avec une naïveté confondante. La cocaïne, puis la MDMA arrivent dans son quotidien comme un élément tout à fait naturel, Hélène s’emploie à le rappeler souvent, insiste sur le fait qu’elle ne se drogue pas, pas vraiment, pas totalement. Ce live décrit ce monde de l’addiction avec le plus grand réalisme. Comment quelques jeunes peuvent basculer dans le monde des paradis artificiels, comment l’entrainement peut aussi être un des ressorts qui peut l’expliquer. Louisiane C. Dor nous montre aussi les conséquences sur le physique des jeunes drogués, sans parler de l’accoutumance, des effets du manque et des effets de la drogue sur le psychisme des jeunes. Et sur ce que les jeunes sont obligés de faire pour se procurer la drogue et cela sans aucun fart. Cru, vrai, toujours juste, ce livre possède une aptitude rare à décrire chaque ressenti. L’alternance de point de vue, proche du témoignage, fait de ce roman une peinture réaliste d’une génération perdue en manque de sensations fortes. Un fort roman qui se lit d’une traite

Note : 9,5/10

  • Poche: 96 pages
  • Editeur : Folio (13 avril 2017)
  • Collection : Folio

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Dispersez-vous, ralliez-vous ! (6 avril 2017) de Philippe Djian

Tout commence alors que Myriam est encore adolescente. Extrêmement introvertie, elle vit chez son père qui l’a élevée seul. La mort de leur voisine fait débarquer dans le quartier un homme d’une quarantaine d’années, Yann, qui très vite devient son premier amant.
Chronique d’une émancipation borderline, ce roman raconte une vie hors des codes, entièrement construite à la faveur de rencontres et de situations. On croit tout savoir de Myriam, mais peut-être nous a-t-on caché l’essentiel ?

Chronique : Comme dans Oh, Philippe Djian parle au féminin dans Dispersez-vous, ralliez-vous ! L’affaire est un peu délicate, on a un peu de mal à imaginer l’auteur dans la peau d’une femme, de son adolescence à ses trente ans. Et puis on s’y fait. Son style évolue au fil des livres, sa façon de raconter les histoires, aussi. Le premier tend de plus en plus vers l’épure, on connait l’obsession du romancier pour trouver le mot et la phrase justes, sans scories. De ce point de vue là, Dispersez-vous … est plutôt réussi. L’intrigue, elle, n’est pas foncièrement neuve pour qui a suivi Djian depuis ses débuts. Drogue, sexe, maternité, mal de vivre et une indifférence au monde dont on ne sait d’où elle vient. Peut-être que celui-ci est sans intérêt, après tout. Moins vrai que celui du zoo où l’héroïne traîne un spleen carabiné. Le récit est morcelé, elliptique, ce n’est pas le problème de l’auteur, plus préoccupé de peindre un tableau qui tend de plus en plus vers l’abstraction malgré ses détails réalistes. Peut-être faudrait-il davantage d’humour pour emballer le tout, Djian semblant de plus en plus amer quant à la condition humaine à la manière d’un Philip Roth dont il est encore loin d’être l’égal. Ceux qui ont abandonné l’écrivain depuis longtemps seront sans doute surpris par cette tristesse diffuse mais surtout par la construction du livre qui semble comme une quête vers une sécheresse narrative qui décrit une existence flottante et irrésolue. Manifestement, Djian est toujours à la recherche d’une sorte de perfection dans les non dits et purgée de toute graisse inutile. Attention à l’exercice de style gratuit, quand même, les lecteurs ont aussi besoin de quelques branches auxquelles se raccrocher.

Note : 7/10

 

  • Poche: 224 pages
  • Editeur : Folio (6 avril 2017)
  • Collection : Folio

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Correspondance: (1946-1959) (23 mars 2017) de René Char et Albert Camus

«Je crois que notre fraternité – sur tous les plans – va encore plus loin que nous l’envisageons. De plus en plus, nous allons gêner la frivolité des exploiteurs, des fins diseurs de tous bords de notre époque. Tant mieux. Notre nouveau combat commence et notre raison d4exister. Du moins, j’en suis persuadé… Je le devine et je le sens.» René Char à Albert Camus, 3 novembre 1951. On savait René Char et Albert Camus frères en amitié. Mais ce qui donne tout son sens à cette correspondance est ce qui l’a peut-être initiée : la rencontre et la reconnaissance de deux œuvres en même temps que leur convergence dans une époque de démesure et de déraison. Une façon lumineuse, entre Ventoux et Luberon, de rejoindre l’intuition de Julien Gracq qui, avec l’éloignement du temps, voyait se «rapprocher aussi, dans la signification de leurs œuvres, deux amis dont les silhouettes pouvaient sembler différentes».

Chronique : Cette correspondance est très touchante. On suit au travers de ses lettres l’amitié naissante qui va se fortifier entre René Char et Albert Camus, deux créateurs, frères en résistance et en littérature. Chacun soutient l’autre dans son processus de création, fidèle sentinelle, jusqu’à la mort brutale de Camus en janvier 1960.  L’ouvrage vaut surtout par les lettres de Char, authentiques poèmes en prose, qui ne le cèdent pas en puissance à nombre de ses autres textes. Superbe correspondance de deux écrivains ancrés dans leur siècle.

Note : 9,5/10

  • Poche: 304 pages
  • Editeur : Folio (23 mars 2017)
  • Collection : Folio

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Cinéma: Scénarios inédits (16 mars 2017) de Prévert,Jacques

Textes présentés par Carole Aurouet

Chronique : Voici trois scénario  inédit de Prévert et c’est du grand cru pour le 40éme anniversaire de sa mort.Il y a Le grand matinal, jour de sorti et Au diable vert;  quand on lit les scénarios, on est frappé par les thèmes abordés qui sont le souci des petites gens l’amour et la liberté.
Sa plume est fondée sur un art populaire, avec des dialogues d’une richesse incroyable et au langage fleuri. Une partie de son univers poétique en découle surtout dans le texte de Au Diable vertty qui à comme lieu un café musée.
Son sens de la construction narrative n’est pas non plus étranger aux lecteurs. Un livre aux dialogues d’ une pure beauté : une merveille, un enchantement pour tous les amoureux du rêve et de l’ imaginaire.

Note : 9,5/10

  • Poche: 400 pages
  • Editeur : Folio (9 mars 2017)
  • Collection : Folio

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Une offrande à la tempête (16 mars 2017) de Dolores Redondo

Dans la vallée de Baztán, une petite fille décède étouffée dans son berceau. Alors que la police soupçonne le père d’être impliqué, la grand-mère attribue ce meurtre au génie maléfique Inguma, issu de la mythologie basque. Rapidement, cet étrange décès lève le voile sur une série de morts subites de nourrissons suspectes. L’inspectrice Amaia Salazar décide de se consacrer entièrement à cette nouvelle enquête, entre légendes mystiques et meurtres barbares, au risque de mettre de côté son rôle d’épouse et de mère.

Chronique : Dolores Redondo, née en 1969 à Saint-Sébastien, dans la province de Guipúzcoa, au Pays basque, est une romancière espagnole, auteur de romans historiques et policiers. Après des études de droit, elle travaille dans le commerce pendant plusieurs années avant de publier un premier roman en 2009. Mais sa renommée naissante elle la doit à sa trilogie, dite Trilogie de la vallée du Baztan qui comprend, Le Gardien invisible (2013), De chair et d’os (2015) et ce dernier volet qui paraît aujourd’hui, Une offrande à la tempête. Dans la fin de cette trilogie les rebondissements et les scènes d’action s’enchaînent à un rythme soutenu et le lecteur aura peu de temps pour réfléchir et mener sa propre enquête. Cette enquête sera d’autant plus compliquée pour le lecteur qu’il devra assimiler les nombreux protagonistes dans cette nouvelle affaire.Excellent dernier opus de la série,noirceur démoniaque et dépaysante. Le point négatif est que seuls les lecteurs de la première heure ayant lu L’homme invisible et de De chair et d’os pourront comprendre et suivre l’histoire et les conflits familiaux de l’inspectrice Amaia Salazar.

Note : 8/10

  • Broché: 592 pages
  • Editeur : Folio (16 mars 2017)
  • Collection : Folio Policier

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Folio Bilingue :Le rendez-vous et autres contes de Poe / Trois chevaux de De Luca 16 février 2017)

  • Cinq nouvelles « oubliées » par Baudelaire qui offrent une image différente de l’auteur des Histoires fantastiques. Ici, dans une langue aux termes et expressions méticuleusement choisis, se mêlent absurde et dérision, comique et tragicomique, parodie et détournement. Poe, fasciné par la mort, en dissèque le processus, plonge le lecteur au coeur de la noirceur absolue. Son imagination morbide le rapproche de la littérature gothique, mais à l’inverse des contes de terreur classique, ses textes introduisent des individus inquiétants dans le monde normal. Poe excelle dans l’art de la nouvelle introspective, une fois encore, dans le génie de communiquer l’angoisse en quelques pages seulement.
  • « Une vie d’homme dure autant que celle de trois chevaux ». Trois chevaux, trois vies. Le narrateur, émigré en Argentine par amour, fuit le pays après l’assassinat de sa femme par la dictature. Il retrouve sa terre natale où, jardinier solitaire et silencieux aux rituels sacrés, il rencontre Làila, dont il tombe amoureux. Dans un récit aussi dépouillé que vibrant, Erri De Luca livre, mêlant passé et présent, les choix existentiels d’un homme dont la vie s’articule autour de l’amour et de la mort : sans cesse il faut choisir entre partir et rester, tuer et laisser vivre, vivre et mourir. « Je ne crois pas aux écrivains, mais à leurs histoires ».

Chronique : Folio Bilingue nous offre deux grand : Poe et De Luca. C’est de l’excellente littérature et les lecteurs pourront lire en anglais et en italien. Mais le vocabulaire est tellement riche que cela rend les textes originaux très difficile à lire pour les débutants. Heureusement, on peut tricher en regardant la traduction. Finalement, on risque de ne lire que le français, ce qui donne déjà du plaisir car ce sont des récits de qualité.

Note : 10/10

 

  • Editeur : Folio (16 février 2017)
  • Collection : Folio bilingue

 

La Mouette: Pièce en quatre actes (19 janvier 2017) de Tchékhov,Anton et Grenier,Roger

«Il faut représenter la vie non pas telle qu’elle est, mais telle qu’on la voit en rêve.» C’est ce que proclame un des personnages de La Mouette. Et Tchékhov avoue que sa nouvelle pièce transgresse les lois du théâtre : «C’est une comédie : trois rôles de femmes, six rôles d’hommes, quatre actes, un paysage (vue sur un lac), beaucoup de conversations littéraires, peu d’action, cent kilos d’amour.» Pourtant, quand on parle de l’œuvre théâtrale de Tchékhov, on pense tout de suite à La Mouette. Et l’oiseau, ses ailes déployées, reste l’emblème du Théâtre d’Art de Moscou.

Chronique : Une très  belle réédition  de ce classique de Tchekhov, c’est toujours un grand moment. Et quand Tchekhov contemple et juge le monde qui se met en scène, cela donne une pièce à la fois joyeuse et grinçante avec cette histoire de théâtre dans le théâtre, d’imagination et d’amour tragique. Le style reste clair malgré les années et le fond de l’histoire est accessible à un lecteur du XXIeme siècle.Cette édition à droit à une superbe préface de Roger Grenier qui nous donne encore plus envie de relire ses classiques.

Note : 10/10

  • Poche: 176 pages
  • Editeur : Folio (19 janvier 2017)
  • Collection : Folio Théâtre

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