Le coup de grâce (12 janvier 2017) de Kessel,Joseph

Le Coup de grâce est le roman d’une amitié virile, d’abord passionnée, puis trahie, enfin restaurée dans sa pureté intransigeante. Pour le sergent Hippolyte, force de la nature dont l’armée coloniale n’a su faire qu’un baroudeur, Mehemet Pacha est un personnage revêtu d’un mystère et d’un prestige incomparables. Eminence grise des Etats de tout le Moyen-Orient, il règne dans l’ombre, au centre d’un réseau immense vers lequel convergent les renseignements et d’où émanent des ordres implacables et ponctuellement exécutés par une armée invisible.

Critique :  Un classique où l’écriture est simple, sans trop de fioritures, et on plonge dans cette histoire avec les mains moites, car elle est vraiment prenante. Une pièce de théâtre  où Kessel montre sa grande connaissance de l’âme des hommes confrontés à des milieux hostiles ou inconnus.Ce livre marque par sa façon magistrale dont il peint l’admiration du légionnaire pour son chef et la façon dont le dévouement finit par emporter tout entier un individu, avec sa violence sur les autres.

Note : 8/10

 

  • Poche: 224 pages
  • Editeur : Folio (12 janvier 2017)
  • Collection : Folio

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Un fils en or (19 janvier 2017) de Shilpi Somaya Gowda

Anil est un jeune Indien qui commence des études de médecine dans le Gujarat puis part faire son internat aux Etats-Unis. Sa redoutable mère rêve pour lui d’une union prestigieuse. Or, depuis qu’il est petit, elle le sait très proche de Leena, la fille d’un métayer pauvre. Quand celle-ci devient une très belle jeune fille, il faut l’éloigner, en la mariant au plus vite. Les destins croisés d’Anil et de Leena forment la trame de ce roman, lui en Amérique, qui est loin d’être le paradis dont il rêvait ; et elle en Inde, où sa vie sera celle de millions de femmes victimes de mariages arrangés. Ils se reverront un jour, chacun prêt à prendre sa vie en main. Mais auront-ils droit au bonheur ?

Critique : Roman passionnant qui ce se lit d’une seule traite. Il raconte les destins croisés de deux jeunes indiens Anil et Leena. Anil qui est le fils d’un riche propriétaire terrien. Plutôt que de succéder à son père il choisit d’être médecin et de faire ses études en Amérique à Dallas. Il voyait l’Amérique comme un eldorado. Mais il se heurtera, au Texas, au racisme le plus violent. Il découvrira une médecine « technique » utilisant un matériel moderne, scanners, IRM … En Inde la médecine est plus orientée vers le diagnostic par le dialogue. Leena reste en Inde où sa vie sera celle de millions de femmes victimes de traditions cruelles. L’épisode de son mariage est édifiant.Livre facile à lire ,et qui pourtant parle de thèmes essentiels comme le racisme,le déracinement,la condition féminine en Inde, la violence aux Etats-Unis, mais aussi la vie plus facile dans un pays développé qu’en Inde où même les gens de classe moyenne supérieure sont soumis à des contraintes sociales et culturelles oppressantes.Il parle aussi de la beauté ,de la poésie. Une belle découverte.

Note : 9/10

 

  • Poche: 544 pages
  • Editeur : Folio (19 janvier 2017)
  • Collection : Folio

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La cache (12 janvier 2017) de Boltanski,Christophe

« J’évolue à travers la Rue-de-Grenelle comme sur un plateau de Cluedo. A chaque tour, je découvre une nouvelle pièce. En guise d’indice, je dispose à ce stade d’une clé, d’un frigo à moitié vide, d’un samovar et d’une sonnette. Je ne suis pas en présence d’un meurtre, mais d’une disparition ». Que se passe-t-il quand un homme qui se pensait bien français doit se cacher des siens, chez lui, en plein Paris, dans un « entre-deux », comme un clandestin ? Quel est l’héritage de la peur, mais aussi de l’excentricité, du talent et de la liberté bohème ?

Critique : Étonnante cette façon de présenter son histoire familiale, déroutant le moyen utilisé pour narrer le lourd passé des Boltanski. On s y perd, on s y retrouve…dans tous les cas on s attache à cette poignée de gens qui ont traversé les époques les plus sanglantes du siècle dernier. Encore une histoire douloureuse sur la Shoah mais cette fois ci contée sans aucune mièvrerie, juste un soupçon de tendresse et un respect pour ses aïeux courageux qui ont fait du narrateur ce qu il est devenu. Les membres de la famille sont très finement présentés. On les suit, un à un au fil du livre, parfois en début de siècle dernier, puis aujourd’hui, en passant par les 2 différentes guerres, vues « de la famille », dans et hors de la maison. Et quelle diversité d’histoires dans cette famille !
C’est un ouvrage assez original dans sa forme, parfois dur et toujours extrêmement agréable.

Note : 9,5/10

 

  • Poche: 336 pages
  • Editeur : Folio (12 janvier 2017)
  • Collection : Folio

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Hammerklavier (03 Janvier 2017) de Yasmina Reza

« N’est-il pas temps, au seuil de la mort, d’en finir avec ces simagrées humaines que sont l’art et la culture ? » Hammerklavier n’a rien de la douce confession qu’on aurait pu attendre d’un recueil de souvenirs ou d’une petite « étude » autobiographique. L’auteur préfère asséner à son clavier des petites notes sèches et courtes, cruelles et cyniques.

Critique : De très courts petits textes, 20 ou 30 lignes. Sur une grande variété de sujets. Superbement écrits, avec rythme, élégance. Certains, très profonds. À relire plusieurs fois, à voix haute. Mériterait une lecture en public. Beaucoup de récits ont une touche autobiographique. Deux textes, en particulier, sont superbes: « Trente secondes de silence », temps respecté par un public de théâtre avant d’applaudir à la fin d’une pièce magnifique ; et « Horreur de la patience », sorte d’éloge indirect du dynamisme et de la joie de vivre. Cet ouvrage doit être lu comme un recueil de poèmes en prose, comme l’indique la quatrième de couverture. Yasmina Reza apparaît comme une femme brillante, parfois dure, exigeante et d’un grand sens de la poésie.

Note : 9/10

 

  • Broché: 144 pages
  • Editeur : Folio (3 janvier 2017)
  • Collection : FOLIO

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«Art» (3 janvier 2017 de Reza,Yasmina

MARC Comment peux-tu dire, devant moi, que ces couleurs te touchent ? YVAN Parce que c’est la vérité. MARC La vérité ? Ces couleurs te touchent ? YVAN Oui. Ces couleurs me touchent. MARC Ces couleurs te touchent, Yvan ?! SERGE Ces couleurs le touchent ! Il a le droit ! MARC Non, il n’a pas le droit. SERGE Comment, il n’a pas le droit ?

Critique : « Art » est une pièce de théâtre courte, intense et soutenue, qui voit trois amis se questionner sur leurs relations amicales autour d’un tableau blanc sur fond blanc, qui est une évocation des bleus de Klein, ou des tableaux de Malévitch.
Cette pièce demande au spectateur et lecteur quelle est la place de l’amitié entre deux personnes, est-ce qu’on est ami avec quelqu’un pour lui-même ou pour soi-même, pour l’image réelle qu’il nous renvoie ou pour l’image que l’on se fait de lui et qui doit toujours être celle-ci. Peut-on accepter l’excentricité d’un ami ? Peut-on accepter ce que nous considérerions comme un gâchis, de vie, ou d’argent ? Peut-on accepter les critiques acerbes d’un ami en restant lié à lui, ou peut-on critiquer un ami en lui témoignant toujours cette amitié ?
Le tableau est un personnage en lui-même, autour de lui gravitent Serge, Marc et Yvan, et le flux et le reflux de ces amitiés tendues et distendues.
Une pièce qui nous fait passer un très bon moment, entre rire et ahurissement. Une belle observation de la psychologie humaine de la part de Yasmina Reza.

Note : 10/10

 

  • Poche: 128 pages
  • Editeur : Folio (3 janvier 2017)
  • Collection : Folio

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Pastorale américaine de Philip Roth

Après trente-six ans, Zuckerman l’écrivain retrouve Seymour Levov dit «le Suédois», l’athlète fétiche de son lycée de Newark. Toujours aussi splendide, Levov l’invincible, le généreux, l’idole des années de guerre, le petit-fils d’immigrés juifs devenu un Américain plus vrai que nature.
Le Suédois a réussi sa vie, faisant prospérer la ganterie paternelle, épousant la très irlandaise Miss New Jersey 1949, régnant loin de la ville sur une vieille demeure de pierre encadrée d’érables centenaires : la pastorale américaine.
Mais la photo est incomplète, car, hors champ, il y a Merry, la fille rebelle. Et avec elle surgit dans cet enclos idyllique le spectre d’une autre Amérique, en pleine convulsion, celle des années soixante, de sainte Angela Davis, des rues de Newark à feu et à sang…
Passant de l’imprécation au lyrisme, du détail au panorama sans jamais se départir d’un fond de dérision, ce roman de Philip Roth est une somme qui, dans son ambiguïté vertigineuse, restitue l’épaisseur de la vie et les cicatrices intimes de l’Histoire.

Critique : C’est l’histoire d’un brave type  bien sous tout rapports, positif, arrangeant, dynamique,leader carismatique de son lycée et sportif adulé dans sa jeunesse, GI respecté pendant son armée puis industriel besogneux, respectable et accompli dans sa maturité, marié avec Miss New Jersey  dans sa maison dorée de la province de Newark… bref, l’icône américain par excellence propre sur lui d’une infaillible droiture et « sans histoires ».
Une fois les présentations effectuées Roth commence à creuser les failles de ce type là, et à lézarder impitoyablement tout ce bel édifice bien lisse en surface…
En second rideau, c’est encore une fois le système de valeurs américain qui est écorné à cette période de transition importante qu’a été la fin des années 60 et les 70′, avec les mouvements pour les droits sociaux, les rebellions de toute une jeunesse conte un système qui s’embourbait au Vietnam ..
Il faut louer le sens du récit de Roth, qui vous gobe littéralement et il est très dur de lâcher ce livre.
C’est un supplice que d’accompagner ce brave homme dans sa déchéance et sa détresse impuissante. Le roman atteint des paroxysmes de douleur que l’on à rarement ressenti en tant que lecteur, on en est tout retourné… l’angoisse du père vis à vis de l’enfant insurgé est définitivement insoutenable …
Un bel aperçu du monde américain à travers les yeux d’un amoureux des Etats-Unis, ce qui est rare de savourer de nos jours.

Note: 9,5/10

  • Poche: 580 pages
  • Editeur : Gallimard
  • Collection : Folio

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Le monde n’a pas de fin (5 décembre 2016) de Bilal Tanweer

Le monde n’a pas de fin est une ode à Karachi, l’hommage d’un « écrivain dans la ville » qui ne veut pas qu’elle soit réduite à sa violence. Il en rassemble les fragments pour voir au-delà des apparences et faire surgir le monde fascinant d’avant l’islamisation forcenée, d’avant les bombes. Dans le bus qui mène du centre ville à la mer, se croisent ainsi trois générations de personnages qui racontent leur histoire : le père magicien, l’écolier repenti, le Camarade poète Sukhanza, le caïd amoureux, le diseur de mauvaise aventure…
« Quand on raconte une histoire à quelqu’un, nous sommes dans le même monde », écrit Bilal Tanweer et, avec lui, on aime cette ville bruyante et vivante en toutes circonstances.

Critique : Karachi, capitale économique et financière du Pakistan, est une mégalopole de 20 millions d’habitants. C’est aussi un port et la mer joue un rôle important dans la vie de ses habitants comme le rappelle Bilal Tanweer le monde n’a pas de fin. A première vue, on serait plutôt tenté de l’appeler recueil de nouvelles puisqu’il est constitué d’une suite d’histoires mais celles-ci sont interconnectées autour d’un événement tragique : l’explosion d’une bombe. Roman choral avec des styles de narration très différents selon les récits, élément perturbant pour le lecteur qui ne reste cependant pas perdu très longtemps. Tanweer réussit à capter les pulsations de la ville en dessinant subtilement des portraits de personnages attachants dont la vie est peu ou prou influencée par la violence endémique de Karachi. La mosaïque qu’il compose est marqué par la relation qu’entretiennent les résidents avec cette atmosphère de danger permanent. La violence se transforme en une longue et poétique méditation sur la mort qui fit son entrée dans cette ville de Karachi, capitale animée à tous moments, bruyante, foisonnante de vie et de couleurs. Une ville animée et fascinante dans sa joie. Avant. Et puis l’islamisation radicale est apparue et avec elle la folie de tuer.

Note : 9/10

  • Poche: 240 pages
  • Editeur : Folio (5 décembre 2016)
  • Collection : Folio

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Londres après minuit (5 décembre 2016) de Augusto Cruz

McKenzie, ancien homme de confiance de John Edgar Hoover, est contacté par Forrest J. Ackerman, un collectionneur passionné de cinéma. Une pièce de choix lui manque : une copie de Londres après minuit, film muet réalisé par Tod Browning en 1927. Tout laisse penser que ce film a disparu dans un incendie en 1967. Mais des rumeurs courent sur l’existence d’une pellicule rescapée. Ne pouvant concevoir de mourir sans avoir revu ce film, Ackerman missionne McKenzie pour le retrouver. Faisant fi de la malédiction qui frappe ceux qui ont tenté de s’approcher du film, l’ex-agent se plonge dans l’un des plus grands mystères de l’histoire du cinéma.

Critique : Le thème de départ de ce roman est la quête d’un vieux film muet perdu est une excellente idée. « Londres après minuit », de Tod Browning, avec Lon Chaney, « l’homme aux mille visages », est un joyau perdu du cinéma de genre ; cette œuvre apparaissait, avant lecture, comme un MacGuffin (Hitchcock) idéal pour mener tambour battant une enquête dans les archives cinématographiques du monde entier. L’enquête conduira le personnage de McKenzie sur les traces des stars du muet déchues par l’arrivée d’un film parlant. Et le parcours de ce détective à la recherche de stars vieillissantes et oubliées se transforme au fil des pages en clin d’oeil au magnifique Boulevard du Crépuscule. Entre découragements, séquences périlleuses et rencontres improbables, McKenzie sillonnera le continent américain jusqu’au Mexique pour réaliser le dernier rêve d’un passionné trahi par sa mémoire et son âge.
L’écriture est d’une modernité époustouflante. Augusto Cruz y déploie un univers à la fois poétique et foisonnant, notamment dans la seconde partie, mexicaine, de l’intrigue.

Note : 9/10

  • Poche: 448 pages
  • Editeur : Folio (5 décembre 2016)
  • Collection : Folio

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Paroles (4 novembre 2016) de Jacques Prévert

Critique : « Paroles » est un recueil qui rassemble des poèmes écrits entre 1930 et la fin de la deuxième guerre.
Le grand classique des écoles primaires reste bien sur « Le cancre » qui finit par dessiner le bonheur avec des craies de couleur : c’est une belle image qui symbolise la revanche de l’élève médiocre sur la vie.
Deux thèmes récurrents et parfois mêlés : l’amour et la guerre qui reviennent dans nombre de poèmes de cette série. Notamment dans « Barbara », hymne à l’amour, nostalgique à souhait, Prévert exprime sa colère contre la « betise » de guerre qui sépare ceux qui s’aiment.
Quant à cette citation extraite de « Evénements », elle résume assez bien la révolte de l’auteur contre la bêtise humaine.
« c’est fou ce que l’homme invente pour abîmer l’homme »
Prévert sait non seulement être acide, ironique, mélancolique mais aussi drôle. C’est dans cette catégorie que je classe « L’accent grave » qui est un dialogue entre un professeur et son élève rêveur – Hamlet ( ça ne s’invente pas) – qui finit par poser la seule véritable question « être où ne pas être » après une succession de jeux de mots subtiles.
Personnellement, c’est « Inventaire » que j’apprécie le plus. Sans doute parce que cette liste est un peu délirante, elle s’apparente pour moi aux promesses électorales qui ont plu en cette période de municipales…

Note : 10/10

 

  • Editeur : Editions Gallimard (4 novembre 2016)
  • Collection : Folio

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Charlotte (4 novembre 2016) de David Foenkinos et Charlotte Salomon

Avec des gouaches de Charlotte Salomon

Critique :  Superbe texte sur une artiste à part. Charlotte Salomon a laissé quelques centaines de gouaches dont elle disait : c’est toute ma vie. C’est plein de talent et de mélancolie, car Charlotte a dû porter un atavisme lourd (suicides en série dans sa famille, sur plusieurs générations). Mais c’est tout de même un hymne à la vie.
David Foenkinos a réussi a rendre cette vie criante de présence et de vérité, sous une forme aussi particulière que les gouaches; avec beaucoup de poésie, à force de phrases courtes et sobres, une par ligne comme un long poème en prose. Il a inséré quelques dizaines d’œuvres judicieusement choisies, en rapport avec les évènements qui ont jalonné la vie trop courte de Charlotte Salomon, au temps de l’Allemagne nazie. L’ouvrage est merveilleux, le texte qui accompagne les tableaux très enrichissant.

Note : 9,5/10

  • Broché: 256 pages
  • Editeur : Folio (4 novembre 2016)
  • Collection : Folio

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