Chanson de la Terre mourante (Tome 1 :2 mai 2013) de Gardner Dozois et George R-R Martin

A l’autre bout du temps, un soleil rouge et obèse jette sur la Terre mourante sa lumière de fin du monde. Ceux qui arpentent cette terre agonisante sont les derniers héros de l’humanité. Ils s’appellent Cugel ou Rhialto, T’saïs ou Pandelume, ils sont mages ou voleurs, bretteurs ou escrocs, mais ils sont toujours flamboyants, car ils sont nés il y a de cela soixante ans, sous la plume de Jack Vance.

Critique : L’objectif est atteint : il est possible de faire revivre l’univers ancien, et plus précisément la terre mourante. Ces textes sélectionnés atteignent à leur butQue vous connaissiez sur le bout du doigt l’intégralité de l’œuvre de l’auteur ou que vous n’aillez pas encore sauté le pas, voilà un ouvrage qui vous donnera en tous les cas enviez de vous (re)plonger dans les romans qui sont à l’origine de cette brillante idée qui consiste à écrire de la science-fiction qui se déroulerait dans un futur tellement lointain qu’on pourrait la lire comme de la fantaisie. La Terre mourant c’est donc un monde merveilleux où la magie a remplacé la technique et par conséquent peuplé de sorciers, créatures surnaturelles plus improbables les unes que les autres, objets enchantés…, mais aussi un monde sur le déclin, avançant lentement mais inexorablement vers sa fin. Ne vous étonnez donc pas d’y croiser des sorciers astucieux mais d’une affligeante nullité ou encore des poètes et nécromants mélancoliques ou dépressifs, le tout parsemé de compétitions de sorts, de quêtes insolites, de combats de magie.…                                                                                          Chaque auteur possède bien évidemment un style et une façon de faire qui lui est propre, mais l’ensemble se lit avec une grande fluidité sans que jamais l’ennui ou la répétition ne s’installe. Trois auteurs tirent cela dit, à mon sens, leur épingle du jeu dans ce premier volume : Byron Tetrick, qui met en scène dans « L’université de magie » un jeune homme en quête de son père; G. R. R. Martin, qui nous offre comme à son habitude avec « Une Nuit au chalet du Lac » une nouvelle pleine de surprises et habilement construite ; et enfin Jeff VanderMeer, qui nous embarque avec « La dernière Quête du mage Sarnod » dans les terrifiants royaumes de l’En Dessous aux côtés de personnages attachants et tourmentés tour à tour drôles, touchants, surprenants ou envoûtants, chacun des textes présents au sommaire ne manquera en tout cas pas de séduire les amoureux de fantaisie. Outre la qualité des nouvelles, on peut également saluer la présence au sein de l’ouvrage de postfaces à la fin de chaque texte dans lesquelles les auteurs reviennent tous sur leur première découverte des œuvres et sur l’influence que cela a pu avoir dans leurs écrits. Instructif.
Qu’il s’agisse de rendre hommage à ce grand écrivain ou tout simplement d’amener de nouveaux lecteurs à découvrir l’univers de la Terre mourante, dans les deux cas le pari est parfaitement réussi
Une anthologie qui vaut le détour

Note : 9,5/10

 

  • Broché: 386 pages
  • Editeur : ActuSF (2 mai 2013)
  • Collection : Perles d’épice

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Au fil du temps de George R-R Martin

« Dire que Martin est brillant relève du pur euphémisme. » Jean-Pierre Lion, Bifrost 74
Une forteresse imprenable, dont la reddition pourrait bien signer la fin du monde. Des zones de guerre converties en séjours touristiques. Un vaisseau spatial chargé de la protection de l’humanité. Un joueur d’échecs capable de voyager dans le temps. Le destin des États-Unis suspendu à la visée d’un sniper. En sept nouvelles, George R. R. Martin nous invite à un voyage au fil du temps, mélange de science-fiction et d’uchronie.
Mondialement connu pour sa série du Trône de fer, adaptée en série télévisée par HBO sous le titre Game of Thrones, George R. R. Martin fut un brillant novelliste avant d’être un romancier acclamé. Se jouant de tous les genres avec une facilité déconcertante, il déploie ses qualités de conteur sur la forme courte avec virtuosité, créant des ambiances et des personnages incomparables. C’est tout un pan insoupçonné de la carrière de l’un des auteurs majeurs du XXe siècle qu’Au fil du temps vous invite à découvrir.

Critique: « Au fil du temps »,  est paru en novembre 2013 chez ActuSF est un recueil qui rassemble sept courtes histoires.                                                                                                            -« La Mort est mon héritage », un ancien espion atteint d’un cancer va chercher à partir sur un dernier baroud : l’assassinat du prophète, un sénateur au discours populistes prônant le fascisme. Si le personnage principal semble ne rien avoir d’honorable, son but semble l’être un peu plus puisqu’il veut empêcher le pire de se reproduire. La nouvelle qui devait mettre en scène un ersatz de James Bond se révèle bien vite sombre et pessimiste.
– « Week-end en zone de guerre » où un américain moyen va aller participer à un jeu de combats avec balles réelles et où l’on tue donc pour de vrai. Plutôt effrayé au départ, ce participant n’a qu’une envie : s’enfuir, mais le mépris de ses collaborateurs va le faire changer d’avis. Ce texte est violent et cynique, utilisant ce « sport » pour démontrer la violence américaine, mais pas celle des armes, plutôt celle que la société engendre et produit. Au final, on a une véritable charge contre les Etats-Unis.
– « affaire périphérique » et « Vaisseau de guerre », on aborde donc le space-opéra avec pour la première l’histoire d’un vaisseau porté disparu, risquant de déclencher une guerre, tandis que la seconde nouvelle met en scène le dernier survivant d’un vaisseau décimé par un virus d’origine inconnue. La première est au final une nouvelle ludique, plutôt fun et proposant un moment de divertissement très sympathique. La seconde est une histoire courte et plus sombre, une nouvelle à la chute plutôt réussie. George Martin aborde ici le même genre, mais de deux manières différentes, passant d’une sorte de polar avec l’espace en guise de décor à un huis-clos effrayant.
-« Variante douteuse », il sera aussi question de Huis-clos, mais également d’une autre des passions de George RR Martin : les échecs ! Un auteur raté et son épouse avec qui il ne s’entend plus se rend à un week-end organisé par l’un des membres de son ancien club d’échec, celui qui leur avait fait perdre le tournoi le plus important de leur vie. Une fois sur place, il se rend que leur hôte semble avoir une idée derrière la tête, en rapport avec la partie perdue. Ce texte, le plus long du recueil, est donc un thriller basé sur les échecs et où il sera question de voyage dans le temps ! Si ce récit est angoissant, ça ne l’empêche pas d’aborder d’autres thèmes comme la nostalgie ou les regrets, le tout via une revanche qui semble n’avoir aucune limite. Entre un méchant aussi retors que pathétique et l’écrivain raté, George RR Martin nous décrit un duel de geek stressant.
-« La Forteresse » et « Assiégé » qui ont pour particularité de se dérouler à Sveaborg, une forteresse supposée protégée la Finlande et la Suède de la Russie en 1808, alors que son commandant a rendu les armes, malgré une supériorité numérique et militaire de la place. Le premier est la version historique de cette histoire, tandis que la seconde l’utilise dans le cadre de la SF. Dans les deux cas, on y suit un colonel récalcitrant à l’idée de reddition, par nationalisme dans la première et à cause d’un visiteur du futur dans la seconde.
Du même événement, l’auteur tire donc deux histoires différentes et si la version historique est intéressante, ne serait ce que pour imaginer ses événements, sa présence dans ce recueil prend tous son sens grâce à la deuxième, un pur récit de sf ! L’auteur va ici jouer avec des mutants, du post-apo, des voyages dans le temps et même des univers parallèles. Cette nouvelle qui clôt donc le recueil est un excellent morceau de SF, surprenant à souhait et sachant jouer autant avec ses personnages qu’avec l’histoire.

Au final, ce recueil est un excellent moment de lecture, permettant de découvrir aussi bien les différentes possibilités de son auteur que son évolution en tant qu’écrivain, de se rappeler qu’il est autant capable de créer des univers désenchantés qu’un brin optimiste, de faire de la politique que d’offrir un divertissement sympathique. Une occasion donc de découvrir la partie immergée de l’iceberg à ceux qui ne l’ont pas encore aperçus.

Note : 8/10

  • Poche: 328 pages
  • Editeur : ACTUSF (4 février 2016)
  • Collection : Hélios

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