Vous plaisantez monsieur Tanner de Jean-paul Dubois, Déboire zinc et marteau

Avec ce récit court, l’expert de l’ironie douce-amère nous conte la progression désastreuse d’un chantier domestique qui va exiger énormément à son propriétaire.

Inutile d’attendre une quelconque densité dans les personnages ou la narration, le propos de l’ouvrage est ailleurs. Les chapitres sont courts, les anecdotes tantôt hilarantes, tantôt sidérantes sonnent malheureusement de manière très réaliste.

Il faut plutôt voir l’ouvrage comme une bonbonnière dans laquelle chaque chapitre serait une friandise. Une bêtise de Cambray ou un calisson dont le raffinement artisanal dissimulerait toute une gamme de saveur qui vous fera passer du rire aux larmes en une tournure de phrase. C’est la marque de fabrique de cet auteur, une fois que l’on a accepté le partis pris de ne pas vraiment développer le narrateur comme un personnage à part entière on se régale avec cette confiserie.

L’auteur n’oublie pas pour autant que l’emballage compte autant que la sucrerie à l’intérieur. Ainsi sa plume offre de jolies énumérations, des réflexions sur le concept de propriété, des figures de style en pagaille qui seront autant de délices pour ceux qui se nourrissent de littérature. Sans oublier les portraits absolument exquis des différents artisans qui viendront pimenter le quotidien harassant de ce pauvre M.Tanner.

Et voilà qu’à peine entamé la réserve de sucrerie est déjà vide mais ainsi fonctionne l’auteur, ne pas gaver le lecteur au risque de frôler l’indigestion. Une recette satisfaisante qui pousse le lecteur gourmand à ingurgiter très vite un autre de ces récits aux mille saveurs.

Résumé : À la mort de son oncle, Paul Tanner hérite d’une immense maison qu’il entreprend de rénover accompagné de professionnels. Il ne présage pas l’orage qui menace : maçons déments, couvreurs délinquants, électriciens fous, tous semblent s’être donné le mot pour rendre la vie impossible à monsieur Tanner. Chronique d’un douloureux combat, galerie de portraits terriblement humains, une comédie noire orchestrée par des hommes de chantier.

Éditeur‎Points (14 décembre 2020) Langue‎Français Poche‎216 pages ISBN-10‎275788865X ISBN-13‎978-2757888650

Tout les hommes n’habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois, un style concis au service d’un destin tragique

Jean-Paul Dubois restait pour moi un auteur inconnu, j’avais entendu parler de certaines de ces oeuvres tel que Kennedy et moi, Vous plaisantez monsieur Tanner ou encore Une vie française mais sans jamais franchir le pas. Alors lorsque l’occasion s’est présentée je me suis dis que tant qu’à découvrir un auteur aussi prolifique autant commencer par son dernier ouvrage en date.

En refermant la dernière page l’impression qu’il m’en est resté est que l’auteur maîtrise sa narration à la perfection. Faire tenir les mémoires d’un homme en moins de 300 pages n’est pas donné à la première plume venue. Là où d’autres auteurs auraient eu besoin du double de page pour conter les malheurs de Paul Hansen, Jean-Paul Dubois parvient à tracer un chemin de vie en allant à l’essentiel.

Le récit se partage entre les souvenirs de Paul et sa vie actuelle au pénitencier de Bordeaux, dans la province de Montréal. Ses chroniques de prisonniers sont les plus accessibles car elles recèlent un humour burlesque incarné par son compagnon de cellule Horton, un Hell’s Angel accusé de meurtre qui a la phobie des rongeurs et des coiffeurs. Ses élucubrations apportent une respiration dans un récit qui possède par ailleurs une grande part de mélancolie.

Il faut dire qu’entre le couple improbable formé par ses parents, les déménagements, l’industrie minière et l’amiante ce pauvre Paul Hansen n’a pas eu une vie facile. Sa capacité à assimiler les drames de son existence et à les digérer est impressionnante. Une résilience qui fait de lui le témoin idéal d’une époque en plein changement.

Le style concis et précis de l’auteur lui permet d’intégrer de nombreux personnages secondaires sans surcharger son récit. On fait ainsi la connaissance de ses parents, de sa femme Winona, son voisin et ami Kieran Read ou encore l’ignoble Sedgwick. Sous sa plume c’est un destin tragiquement banal qui prend forme, celui d’un homme ballotté par la vie et qui atteint son point de rupture alors que la vie vient de lui infliger une nouvelle et tragique épreuve.

Cet ouvrage qui a remporté le prix Goncourt en 2019 est le premier mais sans doute pas le dernier signé par cet auteur dans lequel je me plongerais.

Résumé: Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal. Il y partage une cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre.
Retour en arrière: Hansen est superintendant a L’Excelsior, une résidence où il déploie ses talents de concierge, de gardien, de factotum, et – plus encore – de réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu’il n’est pas occupé à venir en aide aux habitants de L’Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne. Aux commandes de son aéroplane, elle l’emmène en plein ciel, au-dessus des nuages. Mais bientôt tout change. Un nouveau gérant arrive à L’Excelsior, des conflits éclatent. Et l’inévitable se produit.
Une église ensablée dans les dunes d’une plage, une mine d’amiante à ciel ouvert, les méandres d’un fleuve couleur argent, les ondes sonores d’un orgue composent les paysages variés où se déroule ce roman.
Histoire d’une vie, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon est l’un des plus beaux livres de Jean-Paul Dubois. On y découvre un écrivain qu’animent le sens aigu de la fraternité et un sentiment de révolte à l’égard de toutes les formes d’injustice.

  • Broché : 256 pages
  • Editeur : L’Olivier; Édition : 01 (14 août 2019)
  • Collection : Littérature Française
  • Langue : Français
  • ISBN-10 : 2823615164