La part du démon de Mathieu Lecerf, la part du vide…



Une narration fragmentée, originale mais pas non plus complètement inédite, a suffi à propulser ce roman sur le devant de la scène. Intrigué je me suis penché dessus, grand mal m’en a fait car la déception fût abyssale, au niveau de la qualité de ce polar français sans grande ambition.

On va commencer par le style. Je sais bien qu’une plume élaborée n’est pas forcément ce que l’on attend d’un polar mais le problème c’est que l’auteur a cru bon de vouloir étoffer ses personnages avec un style dépourvu d’emphase, purement factuel comme lorsqu’il tente de créer de l’empathie pour Christian, échouant lamentablement dans sa tentative d’épaissir son personnage par son manque flagrant de style. Quant au seul personnage féminin de l’intrigue il accumule tellement de poncif et de comportements incohérents que je vais éviter de m’attarder dessus.

Un style lourd, pataud, sans nuances aucune et qui n’oublie pas de souligner grassement les détails pour éviter que le lecteur étourdi ne passe à côté des énormes ficelles de l’intrigue. Une intrigue qui, en plus d’être une enquête bien pauvre, se révèle complètement incohérente et invraisemblable.

La part du démon c’est un peu le burger de fast food. Celui que vous avez achetez sur le pouce et qui dégage des senteurs appétissantes mais qui ne recèle au final qu’une fine tranche d’une mixture qui pourrait s’apparenter à de la viande de bœuf, un cornichon rabougri et un peu de ketchup. Pas de quoi vous rassasier.

Résumé : Une religieuse sauvagement assassinée et mutilée, à Paris, ça n’arrive jamais. Pourtant, c’est la première affaire du lieutenant Esperanza Doloria à son arrivée au 36, rue du Bastion.
Au couvent où enquêtent Esperanza et le capitaine Manuel de Almeida, la religieuse est décrite comme un ange. Et qui voudrait tuer un ange ? Mais un mystère plane autour d’elle. À l’orphelinat où elle enseignait, les enfants semblent terrorisés… Certains prétendent même subir de terrifiantes expériences médicales. Disent-ils la vérité ou sont-ils manipulés ?
Esperanza se jette corps et âme dans cette enquête. Manuel, lui, est persuadé que seuls le sang-froid et la raison permettront de la résoudre. Se trompe-t-il ? Le grand patron de la brigade criminelle en est convaincu. Et bientôt Esperanza se retrouvera seule face à un complot démoniaque que le diable lui-même renierait…

Éditeur‎Robert Laffont (4 mars 2021) Langue‎FrançaisBroché‎432 pages ISBN-10‎2221240537 ISBN-13‎978-2221240533

Coups de vieux de Dominique Forma, coups de com’

Les ancêtres retournent en enfance

Toujours à la recherche de lecture originale ce roman de Dominique Forma me paraissait correspondre tout à fait à ce que je cherchais. J’imaginais déjà une enquête épicé par le caractères outrancier des deux meilleurs ennemis roublard et fort en gueule. Las, encore une fois mes attentes de lecture se sont heurtés à la dure réalité.

Car les deux personnages mis en avant par la quatrième de couverture ne tiennent au final que des rôles secondaires dans ce roman qui est plus noir que policier. On a affaire à une intrigue chorale, où chaque personnage tente de tirer la couverture à lui avec des passages qui lui sont consacré en narration à la première personne. Difficile de déterminer quel personnage occupe le premier plan, peut-être aucun même s’il faut reconnaître que l’auteur développe nos chers ancêtres que sont Clovis et André un petit plus que les autres. Il leur tisse un passé tumultueux où les convictions politiques solides comme la roche se confrontent à l’érosion du temps. Leur franc-parler et leur obstination à se débattre dans un monde qu’ils ne comprennent plus est touchante, surtout en ce qui concerne Clovis, dont le regard acéré sur la société contemporaine aurait mérité plus de pages.

Les autres personnages qui en terme de présence dans l’intrigue égale celle de Clovis et André ne sont pas tous aussi attachants. Les Dallier père et fils sont proprement insupportables de veulerie et d’exubérance vaine. La libertine Alexe, dont la quatrième de couverture nous promettait qu’elle serait la collaboratrice de notre duo infatigable, possède au final un développement aussi épais que du papier à cigarettes. L’homme de main Rouchdi prend une place de nemesis implacable peu convaincant avant d’être éjecté manu militari. Seule la brave Anaïs Lylle brille de par son tempérament et sa rage de réussite. Finalement c’est peut-être elle le véritable personnage du livre au vu du final et surtout des flashbacks qui lui sont consacrés.

Une fois parvenu à la conclusion que, non, je ne suivrai pas deux activistes politiques sur le retour dans les milieux interlopes du Cap d’Agde, je me suis dit que cela n’était point grave une enquête policière reste une enquête. Qu’importe le flacon pourvu que l’on est l’ivresse et autres phrase toutes faites. Malheureusement là aussi l’auteur a su déjouer mes attentes. C’est bien simple il n’y a pas d’enquête. Les clés de l’intrigue sont délivré par les coupables eux-mêmes lors des dialogues. Les chapitres sont prétextes à un jeu du chat et de la souris entre la famille Dallier et ses ennemis sans que jamais on sente monter une certaine tension tandis que nos deux compères, qui sont censés élucider un crime, font la chasse au dealer. En fait d’enquête il faudra se contenter d’une conversation nocturne espionnée dans un parking et d’un règlement de comptes au milieu d’un lac.

Si encore le style de l’auteur permettait d’être emporté par le récit en faisant fi des défauts de la narration mais même pas. L’auteur a été scénariste et cela se ressent énormément à la lecture. Les dialogues ont une place prépondérante et leurs multitudes empêchent que certains d’entre eux se détachent de l’ensemble par des répliques piquantes. Le découpage est très cinématographique, ou feuilletonesque et si l’auteur parvient à accorder une voix à chacun de ses personnages il échoue à nous emporter dans les dunes du Cap d’Agde ou dans la ville de Béziers et encore moins au château de Garens. Une plume très graphique en somme mais superficielle dans sa manière de conter l’intrigue et le décor magnifique dans laquelle elle se déroule.

Des attentes de lecture déçues, un roman policier qui n’en ait pas un et enfin une plume qui ne correspond pas à ce que j’attends, le tout forme un ensemble inconsistant malgré les efforts de caractérisation des deux personnages qui auraient dû être principaux. Un ouvrage prometteur mais qui se révèle décevant.

Résumé: Ils ont passé l’âge… Si ce n’est de faire justice eux-mêmes. Clovis le facho et André le gaucho. Deux frères ennemis à la longue histoire de coups tordus.
Le soir tombe sur Le Cap d’Agde. André, la soixantaine, s’aventure dans les dunes des échangistes. Bientôt, il aperçoit l’objet de ses fantasmes : une belle femme nue allongée sur le sable. Il s’approche. Son désir s’éteint aussitôt : la belle est morte, assassinée.
Craignant de devenir le suspect n° 1, André appelle Clovis à la rescousse. Avec l’aide d’Alexe, une libertine craquante, le duo improbable Algérie française et Gauche prolétarienne débute une sulfureuse enquête parsemée de sang, de sexe et de sales magouilles…

  • Éditeur : Robert Laffont (22 août 2019)
  • Langue : : Français
  • Broché : 384 pages
  • ISBN-10 : 2221203232
  • ISBN-13 : 978-2221203231
  • Poids de l’article : 500 g
  • Dimensions : 14 x 3.2 x 23 cm

L’affaire Léon Sadorski de Romain Slocombe, sombre époque, sombre cœur

Voilà un roman noir qui remporte haut la main le prix de l’originalité. Pensez donc, prendre comme personnage principal un flic ripoux et collabo afin de revenir sur la période la plus honteuse de l’histoire française, à savoir l’occupation allemande durant la Seconde Guerre Mondiale. Une œuvre qui marche sur la corde raide tant le sujet est encore délicat à aborder de nos jours mais qui s’en tire plutôt bien.

Le récit est donc avant tout le portrait d’un homme, un anti-héros comme on en fait peu. Tout le génie de l’auteur est d’être parvenu à dresser le portrait d’un homme de son époque tout en apportant quelques nuances salvatrices pour le lecteur, histoire de se dire que l’on n’est pas en train de suivre les enquêtes d’un parfait salopard, même si on en ait pas loin. L’inspecteur Sadorski est donc un homme de son époque, traumatisé par un épisode sanglant de la drôle de guerre, misogyne, raciste et fervent patriote. Un antisémitisme convaincu finit de brosser le portrait de ce français fier de collaborer avec l’Allemagne. Au niveau professionnel ce n’est guère plus reluisant, Sadorski empoche régulièrement des pots-de-vin, applique à la lettre les consignes de l’occupant, voue un culte au maréchal Pétain, capable des pires manipulations pour parvenir à ces fins et n’a rien contre la torture lors des interrogatoires. Un homme charmant donc, qui malgré son dévouement à la cause nazie aura l’occasion de découvrir les prisons douillettes de Berlin ainsi que les pratiques d’incarcération qui n’ont rien à envier aux prisons françaises. Ce sera l’une des seules occasions de voir se fendiller le masque mesquin de l’inspecteur et d’y déceler une trace d’humanité. Un personnage détestable donc mais que l’on prend plaisir à voir se débattre entre patriotisme mal placé et servilité infâme. Il y a juste une scène vers le dénouement qui m’a un peu surpris par son voyeurisme. Une scène qui tranche avec l’élan d’empathie dont il a pu faire preuve quelques pages en amont mais c’est un détail, globalement l’auteur dresse un portrait convaincant d’un homme complexe.

En ce qui concerne l’intrigue celle-ci ne commence qu’après cet intermède douloureux sur les terres d’Hitler. En fait d’enquête durant l’occupation l’auteur a surtout voulu retranscrire le quotidien d’un policier durant cette période trouble. On suit donc ce cher Sadorski durant des rafles, des contrôles publics, des interrogatoires musclés et lors de promenades bucoliques avec des officiers allemands. L’enquête passe quelque peu au second plan sans pour autant que le rythme s’en retrouve alourdi. La description du travail auquel s’applique l’inspecteur est suffisamment glaçant pour nous maintenir en haleine.

Par contre il faut souligner que l’auteur n’est pas vraiment parvenu à décrire Paris et l’atmosphère de cette France pétainiste. La faute a un style technique qui déroule tout l’organigramme des services de police français et ceux de la Gestapo mais oublie d’insuffler un peu de caractère aux rues de Paris. Le roman s’attache beaucoup à la psychologie de son personnage principal, qui est une réussite, mais ne parvient pas à nous faire respirer l’air de cette époque si particulière dans les lignes de son récit.

Un roman courageux, qui a le mérite de regarder en face un passé que beaucoup préfèrent oublier. Un roman original mettant en scène un personnage à la psychologie fine, un monstre persuadé de servir une cause juste mais avec tout de même un certain sens de la justice. Un récit qui ne peut laisser indifférent, un témoignage nécessaire sur une sombre époque hanté par de sombres coeurs.

Résumé: Avril 1942. Au sortir d’un hiver rigoureux, Paris prend des airs de fête malgré les tracas de l’Occupation. Pétainiste et antisémite, l’inspecteur Léon Sadorski est un flic modèle doublé d’un mari attentionné. Il fait très correctement son travail à la 3e section des Renseignements généraux, contrôle et arrête les Juifs pour les expédier à Drancy. De temps en temps, il lui arrive de donner un coup de main aux Brigades spéciales, d’intervenir contre les  » terroristes « .
Mais Sadorski est brusquement arrêté par la Gestapo et transféré à Berlin, où on le jette en prison. Le but des Allemands est d’en faire leur informateur au sein de la préfecture de police… De retour à Paris, il reçoit l’ordre de retrouver son ancienne maîtresse, Thérèse Gerst, mystérieuse agent double que la Gestapo soupçonne d’appartenir à un réseau antinazi.

  • Poids de l’article : 499 g
  • Broché : 512 pages
  • ISBN-10 : 2221187776
  • ISBN-13 : 978-2221187777
  • Dimensions : 14.2 x 3.6 x 22.6 cm
  • Éditeur : Robert Laffont (25 août 2016)
  • Langue : : Français