Une vie comme les autres de Hanya Yanagihra

Mécanique du mélodrame

Avec ce retour en demi-teinte sur un roman qui a eu un tel retentissement, je ne vais pas m’attirer que des réactions amicales mais peu importe.

Une vie comme les autres n’a donc pas été le ravissement littéraire attendu. La faute tout d’abord à la plume de l’autrice qui m’a laissé complètement froid. J’ai trouvé son style mécanique, manquant de cette grâce et ce lyrisme nécessaire lorsqu’il s’agit de conter le destin de plusieurs personnages.

Les 500 premières pages furent ainsi le témoin de mon profond ennui. Je n’ai pu m’intéresser à aucun paragraphe du récit de cette bande d’amis, jeunes adultes qui vivent leurs meilleures années à New York. J’ai trouvé les personnages transparents, à part J.B. l’artiste égocentrique et Jude bien sûr. Le reste des personnages manquent de charisme et se démarquent uniquement par sa dévotion totale envers Jude.

Ah Jude, pauvre Jude. S’il faut bien reconnaître une qualité au style de Hayanamura c’est son côté méthodique qui permet de dresser un portrait psychologique extrêmement précis de ce personnage complexe.
Sa relation sentimentale, ses démons intérieurs, ses troubles psychologiques, tout cela est détaillé de manière à se rendre compte de la difficulté, voire de l’impossibilité, à guérir de son passé.

À partir du moment où il devient le personnage principal du récit, il est bien sûr impossible de ne pas ressentir d’empathie pour lui et toutes les horreurs qu’il a subies.

Mais c’est là aussi ce que je reproche à l’autrice. Cette surenchère dans le malheur a fini par me désolidariser du sort de Jude. J’avais l’impression que l’on cherchait par tous les moyens à me tirer une larme sur la vie tragique de Jude et ce genre de stratagème fonctionne rarement sur moi.

Pourtant j’aurais vraiment voulu ressentir de l’empathie pour cette bande d’amis dévoués, j’aurais aimé être anéanti à l’évocation du passé douloureux de Jude mais à trop vouloir en faire l’autrice a fini par me lasser sans jamais parvenir à me captiver complètement.

Résumé : Ils sont quatre amis de fac, et ils ont décidé de conquérir New-York : Willem, l’acteur à la beauté ravageuse ; JB, l’artiste peintre, aussi ambitieux et talentueux qu’il peut être cruel ;Malcolm, qui attend son heure dans un prestigieux cabinet d’architectes ; Jude, le plus mystérieux d’entre eux, celui qui, au fil des années, s’affirme comme le soleil noir de leur quatuor, celui autour duquel les relations s’approfondissent et se compliquent cependant que leurs vies professionnelles et sociales prennent de l’ampleur.

Éditeur ‎Le Livre de Poche (30 octobre 2019)
Langue ‎Français
Poche ‎1128 pages
ISBN-10 ‎2253100560
ISBN-13 ‎978-2253100560

Poussière dans le vent de Leonardo Padura

Nous ne sommes que poussière

L’auteur porte dans cet ouvrage une part d’histoire, d’humanité de tout un peuple, de toute une nation, sous nos yeux c’est toute l’histoire de l’île de Cuba qui prend vie.

Le récit nous emporte dans le récit d’un clan d’amis, soudés par des liens d’amitié que ni l’oppression étatique, ni la misère endémique, ni les années d’exils ne sauraient séparer. Tout les mystères entourant le groupe, le suicide troublant du peintre maudit Walter, la disparition d’Elisa, la question de la paternité d’Adela ne sont que des prétextes pour partir à la découverte de personnages tous plus attachants les uns que les autres.

Les portraits s’enchaînent et on ne cesse d’être émerveillé par le talent de l’auteur pour donner de la voix à des personnages si charismatiques, si attachants, tout en étant si différents. Qu’ils aient fait le choix de rester à Cuba en endurant les privations et la corruption où qu’ils soient partis pour des contrées plus bienveillantes, le charme opère à chaque fois.

L’auteur dissèque la mentalité cubaine, ses charmes indéniables mais aussi ses tares. Son récit ambitieux nous amène à découvrir des portraits variés de personnages qui ont tous leur manière de voir les choses et ceux sur plusieurs générations puisque l’on suit aussi les enfants du clan, eux-mêmes porteurs d’interrogations, d’envies, d’espoir et de colères.

Cet ouvrage fabuleux est tout autant une fresque familiale que le chant d’un peuple qui n’a cessé de subir le joug communiste tout en continuant à vivre, à boire, à manger et surtout à s’aimer.

Résumé : Ils ont vingt ans. Elle arrive de New York, il vient de Cuba, ils s’aiment. Il lui montre une photo de groupe prise en 1990 dans le jardin de sa mère. Intriguée, elle va chercher à en savoir plus sur ces jeunes gens.
Ils étaient huit amis soudés depuis la fin du lycée. Certains vont disparaître, certains vont rester, certains vont partir. Des personnages magnifiques, subtils et attachants, soumis au suspense permanent qu’est la vie à Cuba et aux péripéties universelles des amitiés, des amours et des trahisons.

Éditeur ‎POINTS (13 janvier 2023)
Langue ‎Français
Poche ‎744 pages
ISBN-10 ‎2757899821
ISBN-13 ‎978-2757899823

Un garçon ordinaire de Joseph d’Anvers

Souvenir d’un Fucked up kids

L’artiste Joseph d’Anvers joue la corde sensible dans ce tendre récit en forme de complainte pour une jeunesse révolue.

En partant d’un marqueur historique pour la jeunesse des 90’s, la mort de Kurt Cobain, l’auteur compose une mélodie douce-amère où la nostalgie des jeunes années se dispute à l’angoisse de l’avenir. D’une plume délicate et chargée d’empathie, il écrit la partition d’une jeunesse en quête de repères.

Le récit se concentre sur le jeune narrateur et sa bande de potes. Un narrateur empreint de mélancolie et d’une maturité bien grave pour son âge, comme s’il avait conscience de vivre ce qui sera déjà les meilleures années de sa vie. À travers les épisodes classiques de la vie d’un adolescent l’auteur parvient à évoquer le racisme, l’exclusion sociale, la peur de grandir et la fin de l’enfance. À travers les mots et les maux de son personnage principal, l’auteur porte un regard désabusé et mélancolique sur un monde aussi attirant qu’effrayant.

En quelque 200 pages, Joseph d’Anvers sera parvenu à ressusciter une époque dissoute dans la tornade numérique. Sous sa plume c’est une symphonie de souvenirs qui s’invite dans l’imagination du lecteur, que celui-ci est vécu cette époque ou pas.

Résumé : Chronique de fragments de vie et d’événements historiques, Un garçon ordinaire offre un instantané d’une époque insouciante et révolue, avant l’avènement des nouvelles technologies.
Avril 1994. La fin du second mandat de Mitterrand approche, la Coupe du monde de football aussi, le génocide rwandais va débuter et les combats reprennent à Kaboul. Tous ces événements impactent la vie de six lycéens, tandis que le Bac puis ses résultats arrivent à grands pas. Mais c’est le suicide de Kurt Cobain qui va le plus bouleverser le groupe d’amis. Passionnés de musique, le narrateur et ses acolytes comprennent que la société tout comme leur vie sont en pleine mutation, leur innocence adolescente sur le point de vaciller.

Éditeur ‎Rivages (5 avril 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎224 pages
ISBN-10 ‎2743659122
ISBN-13 ‎978-2743659127

Petit pays de Gaël Faye

Enfance massacrée

Il était temps que je lise ce roman qui a fait sensation lors de sa parution en 2016. Petit pays nous conte l’enfance de Gabriel au Burundi, un pays qui va être sévèrement frappé par les jeux sanglants des grandes personnes.

La narration nous invite à vivre l’intrigue par les yeux de Gabriel, son enfance dans un quartier aisé, sa famille qui se déchire lentement. C’est à sa hauteur d’enfant innocent que l’on va prendre conscience de la tension politique et ethnique qui secoue le pays. Aidé d’une plume dynamique, qui interpelle et accroche, les souvenirs de Gabriel prennent vie dans l’esprit de lecteur.

Hélas ce choix de narration entraîne aussi des ellipses dans la narration, certains aspects de l’intrigue demeurent inconnus ou flous comme la séparation des parents de Gabriel, d’autres manquent de développement, certains personnages ne sont jamais nommés, comme les jumeaux amis de Gabriel. Il en résulte un récit touchant par les souvenirs qu’il invoque mais qui manquent de consistance et de développement.

Malgré cet aspect le récit n’en demeure pas moins un puissant exercice de mémoire, certains passages restent en mémoire de par l’effroi qu’il provoque.

Petit pays est un récit touchant sur la mort de l’enfance en temps de guerre mais qui, par ses choix de narration, n’approfondit pas suffisamment son sujet.

Résumé : En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

Éditeur ‎Grasset; 1er édition (24 août 2016)
Langue ‎Français
Broché ‎224 pages
ISBN-10 ‎2246857333
ISBN-13 ‎978-2246857334

La femme qui en savait trop de Marie Benedict

Toutes les guerrières ne portent pas l’uniforme

Hedy Lamarr, un nom qui a brillé sur les affiches de films Hollywoodien pendant 20 ans, mais qui m’était encore complètement inconnu jusqu’à tout récemment. Une femme au destin exceptionnel qui nous est conté dans cette biographie romancée. 

Véritable héroïne de son histoire, Hedy nous est présentée sous son meilleur jour, le récit occulte les épisodes les plus honteux de sa vie. Dans un style simple, sans fioritures, qui le rend très accessible, l’autrice revient sur les moments les plus marquants de la vie d’Hedy, ceux qui ont forgé sa légende. 

À travers des chapitres aux ellipses savamment dosées, l’autrice brosse le portrait d’une femme qui ne laissera ni les hommes, ni la société, ni le contexte historique et encore moins le fascisme lui dicter sa conduite. Son aura magnétique, sa vive intelligence et sa détermination sans failles révèle une femme prête à relever tous les défis. Un modèle de féminité assumée qui prend vie au fil des pages.

Sujet central de l’ouvrage, Hedy est de toutes les pages, de toutes les scènes. Sa psychologie est parfaitement décrite par l’autrice, on comprend les raisons qui la poussent à agir ainsi, ses états d’âme, son désarroi face à la cruauté de la guerre. Sa volonté d’apporter sa pierre à l’édifice à l’effort de guerre avec cette invention révolutionnaire qui finira par changer nos vies. 

Ce récit offre une entrée en matière idéale pour qui voudrait partir à la découverte de l’une des figures les plus fascinantes du cinéma. Une mise en bouche que je vais m’empresser de compléter avec son autobiographie afin d’avoir un aperçu complet de la vie de cette grande dame.

Résumé : En 1933, à 19 ans, Hedy Kiesler, séduisante actrice viennoise d’origine juive, épouse Friedrich Mandl, un riche marchand d’armes proche de Mussolini. Conscients de la menace qui vient d’Allemagne, ses parents cherchent, par ce mariage, à la protéger, quitte à accepter pour cela une conversion au catholicisme. Malheureusement, Mandl s’avère être un homme possessif et opportuniste. D’abord opposé à l’Anschluss, il finit par retourner sa veste et obtient les faveurs de Hitler. Horrifiée, Hedy décide de s’enfuir.
Installée aux États-Unis, elle rencontre le directeur de la MGM et devient sous ses mains Hedy Lamarr, superstar hollywoodienne. Malgré le faste et les mondanités, elle ne peut cependant oublier l’Europe et décide de contribuer à sa façon à l’effort de guerre. Grâce à son intelligence et avec l’aide d’un musicien, elle conçoit un système de codage des transmissions révolutionnaire – technologie qui sera à l’origine, entre autres, du Wifi et de nos téléphones portables. Mais comment accorder le moindre crédit scientifique à la plus belle femme du monde, d’origine autrichienne de surcroît ?
Dans ce récit à la première personne, Marie Benedict redonne vie à une femme hors du commun, dont le plus grand rôle fut oublié, voire ignoré, durant des décennies…

Éditeur ‎10 X 18 (7 octobre 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎336 pages
ISBN-10 ‎2264078138
ISBN-13 ‎978-2264078131

La dernière ville sur terre de Thomas Mullen

Guerre, grippe et grève

La dernière ville sur terre permet à Thomas Mullen de mettre en scène une période de l’histoire américaine très agité et dense. Un premier roman qui a fait l’objet d’un travail de documentation historique impressionnant de la part de l’auteur.

D’une plume appliquée et rigoureuse l’auteur dresse le portrait de personnages dotés d’un lourd passé ou de convictions inébranlables. Des figures résistantes qui ont façonné l’histoire des États-Unis. Rebecca, la militante infatigable, Graham, l’ouvrier qui porte en lui le deuil de son premier amour et une rage irrépressible, Philip, l’orphelin qui souhaite faire ses preuves auprès de la communauté mais ne mesure pas le prix à payer.

Des portraits saisissants qui nous emportent dans une période de l’histoire que l’on étudie peu à l’école mais qui aurait pu être encore plus immersive si l’auteur avait su alléger sa plume. Soucieux de dresser le portrait psychologique le plus détaillé possible, l’auteur n’échappe pas aux digressions et aux passages oniriques qui alourdissent le texte.

Hormis cette rigidité dans le style, qui reste agréable, l’auteur met en avant une quantité non négligeable d’éléments historiques intéressants. Le traitement ignoble des objecteurs de conscience, la lutte sanglante des syndicats de la scierie pour de meilleures conditions de travail, la propagande gouvernementale pour la mobilisation dans l’armée et bien sûr l’épidémie de grippe espagnole. Tous ces éléments disparates sont réunis par l’auteur avec virtuosité, formant un arrière-plan historique des plus passionnants.

Il est regrettable que l’auteur ne soit pas parvenu à enrober ce tableau historique très détaillé avec une plume plus romanesque et moins didactique mais en l’état ce roman demeure une lecture passionnante par moments et offre un point de vue inédit sur la première guerre mondiale.

Résumé : Durant l’épidémie de grippe espagnole, une petite ville industrielle située au cœur des forêts brumeuses du Nord-Ouest Pacifique décide de se mettre en quarantaine, mais l’arrivée d’un soldat affamé et malade aura des répercussions terribles sur la communauté.

Éditeur ‎Rivages (4 janvier 2023)
Langue ‎Français
Broché ‎560 pages
ISBN-10 ‎2743658444
ISBN-13 ‎978-2743658441

Querelle de Kevin Lambert

Tabernacle, ça envoie du bois

Une scierie en grève, des ouvriers déterminés, un patron au mépris de classe caractérisé, rien que de très banal de nos jours me direz-vous. Et pourtant, à partir de ce postulat de base, l’auteur Kevin Lambert tisse un récit dont les scènes vont se graver dans la rétine du lecteur.

Dès le prologue le ton est donné. Le récit sera trivial, décomplexé, outrancier mais sans jamais se départir d’une plume fouillée, teintée d’une poésie désabusée, même dans les moments les plus scabreux. Un style sans concessions qui interpelle, qui remue, qui vibre de passion et de colère mais qui, forcément, ne pourra pas plaire à tout le monde.

Car Querelle porte bien son nom. C’est un récit qui parle de lutte sous toutes ses formes. Lutte sociale oui mais aussi existentielle, avec Jezabel qui tente de se trouver une place dans un monde qui la révulse. Lutte d’affirmation, avec Querelle, le personnage-titre charismatique qui va bouleverser la tranquillité virile de la petite ville de Roberval. Lutte passéiste avec Jacques, le leader syndical qui assiste, impuissant, au délitement du monde qu’il a connu.

Le récit s’assemble autour de ces différents portraits de personnages, tous dépeints avec justesse, pour finir par s’apparenter une marmite bouillonnante d’une rage qui ne peut plus être contenue. Et lorsque la marmite déborde, il est trop tard, la fureur se déchaîne.

Il est dommage que l’auteur est préféré enchaîner les scènes violentes et dérangeantes plutôt que de tenter de narrer la révolte de manière crédible. Le dernier tiers du récit comporte un lot de scènes difficilement supportables qui extirpe toute crédibilité au récit. Celui-ci prend alors des allures de conte macabre qui atténue un peu le propos initial.

Malgré sa fin qui accumule les scènes choquantes sans véritable fond, Querelle reste une rencontre littéraire merveilleuse qui tantôt, ravie par ses portraits d’ouvriers en lutte, tantôt choque par ses scènes triviales qui en appel aux plus bas instincts.

Éditeur ‎NOUVEL ATTILA (23 août 2019)
Langue ‎Français
Broché ‎256 pages
ISBN-10 ‎2371000817
ISBN-13 ‎978-2371000810

Le chien du forgeron de Camille Leboulanger

Fin de race

Versez-vous une bonne bière dans une immense chope et laissez-vous porter par l’histoire que va vous conter Camille Leboulanger. Une histoire qui prend des airs de légende brumeuse où résonnent la fureur guerrière, la sueur des hommes et les pleurs silencieux des femmes.

Le peuple Celte utilisait plus volontiers la tradition orale que l’écrit, raison pour laquelle peu de choses les concernant nous sont parvenus. La légende de Cuchulainn, ou chien du forgeron, est sans doute la plus connue. Véritable héros de légende, la figure mythique de ce guerrier se voit réinventé par l’auteur au cours d’un récit inventif, brutal où la légende se voit sérieusement écornée.

Comme tout bon conte, celui-ci nous est narré par un conteur qui ne nous dit que ceux qu’il a envie, dissimulant certains faits qui pourraient éclairer l’intrigue de manière éblouissante. Mais l’intérêt du récit n’est pas de faire toute la lumière sur la lignée de Sualtam mais bien de conter la destinée d’un guerrier né.

Et quel guerrier, personnage central de l’histoire, Setanta, bientôt renommé le chien, sera aussi le plus détestable. Et pour cause : Orgueilleux, fier, impulsif, doté d’un caractère ombrageux qui le pousse à frapper d’abord et à ne pas questionner ensuite, Setanta est l’archétype du guerrier sûr de lui qui n’hésite pas à asservir les plus faibles que lui de la manière qui l’arrange le mieux. Féministe, passez votre chemin, ce récit sublime tout ce que vous combattez.

Pourtant en creux ce conte terrible narre les errances d’un homme qui ne se définit que par ses prouesses guerrières et interroge le lecteur sur son rapport à la virilité et la masculinité. L’ascension fulgurante du chien parmi le peuple Celte entraîne par la suite une série de tragédies personnelles qui finissent par creuser en lui un puits insondable de tristesse et de culpabilité. Jusqu’à la fin inexorable.

Le chien du forgeron allie trois atouts non négligeables, une narration malicieuse, une intrigue palpitante et une réflexion sur un sujet d’actualité. Trois bonnes raisons de prêter l’oreille à ce conte sorti des tréfonds des légendes.

Résumé : Approchez, approchez ! Alors que tombe la nuit froide, laissez-moi vous divertir avec l’histoire de Cuchulainn, celui que l’on nomme le Chien du Forgeron ; celui qui s’est rendu dans l’Autre Monde plus de fois qu’on ne peut le compter sur les doigts d’une main, celui qui a repoussé à lui seul l’armée du Connacht et accompli trop d’exploits pour qu’on les dénombre tous.
Certains pensent sans doute déjà tout connaître du Chien, mais l’histoire que je m’apprête à vous narrer n’est pas celle que chantent les bardes. Elle n’est pas celle que l’on se raconte l’hiver au coin du feu. J’en vois parmi vous qui chuchotent, qui hésitent, qui pensent que je cherche à écorner l’image d’un grand homme. Pourtant, vous entendrez ce soir la véritable histoire du Chien. L’histoire derrière la légende. L’homme derrière le mythe.
Approchez, approchez ! Venez écouter le dernier récit d’un homme qui parle trop

Éditeur ‎Argyll éditions (19 août 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎246 pages
ISBN-10 ‎249240319X
ISBN-13 ‎978-2492403194

L’enfant qui voulait disparaître de Jason Mott

Courir après sois-même

Ce roman au ton volontairement burlesque nous entraîne à la poursuite d’un narrateur, l’auteur lui-même peut-être, dans une fuite en avant qui s’apparente à une quête désespérée pour se réconcilier avec soi-même.

On fait connaissance avec notre héros, en pleine promotion de son ouvrage, L’enfant qui voulait disparaître, alors qu’il échappe aux poings d’un mari jaloux, à peine s’il a le temps de s’engouffrer dans l’ascenseur. Accessoirement il est aussi nu comme un ver. 

Le ton est donné. Il sera haut en couleur. D’un jaune solaire comme les rayons d’humour, souvent grinçant et ironique, qui illuminent l’ouvrage. D’un vert cynique lorsqu’il s’agit de dépeindre le milieu de la promotion. D’un rouge écarlate lorsque la violence du monde s’invite dans l’univers bariolé du narrateur. Et puis il y a le noir, couleur charbon, que l’on tente d’ensevelir sous la futilité d’une vie frénétique. 

Car sous les couleurs chatoyantes se cache la souillure d’une enfance brisée par le harcèlement et le racisme. Jusqu’au drame fatal, celui qui creuse un trou béant dans la poitrine d’un jeune homme qui est peut-être le narrateur, ou pas. Un trou qui avalera toutes les couleurs pour ne laisser qu’un blanc infini de douleur.

Nu dans le premier chapitre, le narrateur prend forme sous nos yeux. À mesure que son univers s’étiole sous les coups de massue de la réalité, son esprit et son corps prennent forme. Son regard s’affûte, sa conscience s’éveille. Le récit nous offre une résurrection littéraire tout en s’emparant d’un sujet qui secoue les USA. 

C’est là toute la force du récit, derrière les pirouettes narratives et les bons mots, il aborde un thème complexe qui prend peu à peu l’ascendant sur le burlesque pour livrer une tirade finale bouleversante, qui résonne comme un constat amer mais aussi une victoire personnelle.

En équilibre constant entre la satire sociale et le récit introspectif, ce roman, malicieux et espiègle, offre une réflexion bouleversante sur la difficulté à se réconcilier avec son passé pour mieux faire face au présent.  

Résumé : u cours d’une tournée promotionnelle pour son dernier roman, un écrivain noir américain fait la connaissance d’un enfant à la peau si sombre qu’on le surnomme Charbon. D’abord rencontré dans la salle à manger d’un grand hôtel, le gamin d’une dizaine d’années réapparaît à chaque étape de la tournée et raconte sa vie, ses parents et leur idée folle : le pousser à devenir invisible pour ne pas avoir à subir le destin que sa couleur de peau lui réserve.L’enfant existe-t-il vraiment ? Affecté d’un étrange mal qui l’empêche de distinguer la réalité du produit de son imagination, l’écrivain serait bien incapable de le dire. Mais réelle ou fantasmée, cette rencontre va remettre en question son rapport à sa propre histoire, à sa condition et lui faire admettre une cruelle évidence : être noir aux États-Unis signifie vivre sous une menace constante.Comédie féroce, tragédie déchirante, manifeste contre la peur, l’oppression et les violences policières, L’Enfant qui voulait disparaître est tout cela à la fois

Éditeur ‎AUTREMENT (5 janvier 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎432 pages
ISBN-10 ‎2746763001
ISBN-13 ‎978-2746763005

Mille soleils splendides de Khaled Hosseini

l’Afghanistan à visage humain

Loin des clichés véhiculés par les médias occidentaux, Khaled Hosseini nous convie à un voyage dans un pays martyr. Une épopée dont on ne ressort pas indemne.

Le récit offre le portrait de deux femmes dans un pays saigné à blanc. Deux enfants qui vont devoir grandir trop vite, deux filles dont les parents, trop accaparés par leurs soucis d’adultes n’aiment pas suffisamment ou ne parviennent pas à protéger. Deux mères désemparées face à la cruauté du monde dans lequel elles doivent élever leurs enfants. Deux portraits poignants qui font résonner l’ouvrage d’empathie et soutiennent tout le récit.

Le récit est aussi un portrait contrasté de l’Afghanistan et de la ville de Kaboul, l’auteur n’hésite pas à mettre en avant les beautés de ce pays, l’ingérence extérieure qui entrave le développement et le patriarcat omniprésent. On découvre le quotidien des habitants dans un pays en guerre sans jamais que le récit ne s’éloigne de ses personnages.

L’auteur nous livre une épopée tragique, parfois un peu naïve mais qui touche au cœur. Le tout porté par une plume délicate et attentionnée.

Résumé : Forcée d’épouser un homme de trente ans son aîné, exécrable islamiste aux allures de Barbe Bleue, Mariam subit la colère de son époux devant son incapacité à lui donner un fils. Après dix-huit ans de soumissions à cet homme brutal, elle doit endurer une nouvelle épreuve : l’arrivée de Laila sous son propre foyer une petite voisine de 14 ans, que Rachid décide d’épouser en secondes noces. Les années passent, longues comme des veillées funèbres. Massoud assassiné. Les Talibans installés. De rivales, Mariam et Laila deviennent alliées, soeurs de malheur face au despotisme des pères, des maris et de leur cortège de lois inhumaines. Dans la prison de leur exil intérieur, elles unissent leur courage pour tenter de fuir l’Afghanistan et sa folie meurtrière, et partir au Pakistan. Mais parviendront-elles jamais à quitter cette terre dévastée, et leur ville, Kaboul, où « les soleils splendides » du passé sont aujourd’hui noyés dans des bains de sang ?

Éditeur ‎10 X 18 (8 janvier 2009)
Langue ‎Français
Poche ‎416 pages
ISBN-10 ‎2264049065
ISBN-13 ‎978-2264049063