Invasions domestiques raconte comment un personnage, Thomas, en perte de repère sombre lentement jusqu’à s’évanouir complètement.
En à peine deux cents pages, l’autrice dépeint un personnage, spectateur de sa propre vie, artiste dilettante et en manque d’assurance, qui voit défiler sur la scène de son appartement des acteurs aux caractères affirmés qui représentent tous une part de son mal-être, ses parents qui le méprisent, sa partenaire qui le domine et surtout Joël, l’irrévérencieux, le jovial Joël qui réussit là où Thomas échoue.
À mesure que Joël s’impose dans la vie de Thomas celui-ci va perdre pied. Le temps se fait fugitif, les relations se durcissent et une tension délicate s’installe. Ces personnages sont-ils réels ou ne sont-ils que l’incarnation de la dépression du jeune homme ? L’autrice entretient un doute malicieux qui enrobe son récit d’une atmosphère vaporeuse, entre vaudeville et théâtre de l’absurde
De sa plume acérée et teintée d’onirisme, l’autrice décortique l’esprit de son personnage principal jusqu’à ce qu’il ne lui reste rien et qu’il se rende compte qu’il lui reste tout. Derrière ces apparences de récit un brin absurde se cache une réflexion délicate sur la dépression et la perte de contrôle.
Résumé : Thomas Thomassin, téléopérateur quasi propriétaire à Paris, mène une vie solitaire et bien réglée jusqu’à sa rencontre avec Joël, un plombier lunatique. Après des débuts cocasses et chaotiques, une amitié naît entre eux, nourrie par une connivence artistique – Thomas a une passion secrète : le collage. Joël le pousse à travailler sans relâche pour proposer ses œuvres à une galerie. Au centre de celles-ci se trouve la figure énigmatique d’une femme au regard inquisiteur, inspirée de sa collègue Kim-Ly qui l’a toujours fasciné. Encouragé par son nouvel ami, Thomas entame une relation avec la jeune femme. Le trio ainsi formé libère le protagoniste de sa solitude et de sa morosité. Mais peu à peu les choses se grippent, et les intentions de Joël et de Kim-Ly apparaissent troubles…
Éditeur Rivages (4 mai 2022) Langue Français Broché 208 pages ISBN-10 2743656565 ISBN-13 978-2743656560
Voilà un ouvrage qui va vous faire voyager, vous faire ressentir tout un tas d’émotions contradictoires mais puissantes, mais aussi vous interpellez sur notre propension à généraliser. Le tout servi par l’une des plus magnifiques plumes qui m’ait été donné de lire.
La plume de John Boyne est véritablement ce qui m’a ravi durant cette lecture. Une écriture ronde, chaleureuse, une narration introspective mais ouverte sur le monde. À chaque paragraphe un sentiment de plénitude m’envahissait, la sensation d’être avec un personnage que je comprenais et que j’appréciais entièrement.
La temporalité du récit est parfaitement maîtrisée. Le prêtre Ordran évoque les épisodes les plus marquants de sa vie dans un ordre non chronologique sans que jamais l’on se sente perdu dans le récit. L’on parvient à saisir toutes les subtilités de l’intrigue, les non-dits des personnages secondaires et le contexte de chaque épisode en quelques lignes.
Enfin malgré la difficulté du sujet, le texte reste pudique et intime. Jamais le voyeurisme ne s’invite dans ce chemin de vie d’un personnage en pleine remise en question. C’est tout à l’honneur de l’auteur d’être parvenu à évoquer un sujet qui secoue encore l’Église catholique irlandaise sans jamais verser dans le scabreux.
La prouesse de John Boyne est d’être parvenue à traiter d’un sujet difficile à travers les yeux d’un personnage qui se verra forcer de remettre en question tout ce qu’il pensait acquis. Ce qui fait de cette lecture un pur moment de grâce.
Résumé : Propulsé dans la prêtrise par une tragédie familiale, Odran Yates est empli d’espoir et d’ambition. Lorsqu’il arrive au séminaire de Clonliffe dans les années 1970, les prêtres sont très respectés en Irlande, et Odran pense qu’il va consacrer sa vie au « bien ». Quarante ans plus tard, la dévotion d’Odran est rattrapée par des révélations qui ébranlent la foi du peuple irlandais. Il voit ses amis jugés, ses collègues emprisonnés, la vie de jeunes paroissiens détruite, et angoisse à l’idée de s’aventurer dehors par crainte des regards désapprobateurs et des insultes. Mais quand un drame rouvre les blessures de son passé, il est forcé d’affronter les démons qui ravagent l’Église, et d’interroger sa propre complicité.
Éditeur JC Lattès (7 avril 2021) Langue Français Broché 380 pages ISBN-10 2709665395 ISBN-13 978-2709665391
Romance passionnée, chemin de vie tortueux et empli de douleurs, récit historique où se perd la nature humaine alors que sévit l’appât du gain. Cet ouvrage d’Isabel Allende est tout ceci à la fois. Le tout servi par une plume inégalable de conteuse.
Le récit est séparé en deux parties tellement disparates qu’elles apparaissent comme les enfants colériques d’une même famille. Dans la première partie, auréolé d’une atmosphère de douce innocence, l’autrice nous offre un portrait d’une famille noble chilienne dans une société policé où tout n’est que luxe, volupté et respect des bonnes manières. Une phase d’exposition qui pourrait paraître longue sans la plume adorable d’Allende qui oscille entre la chronique familiale et le conte sociétal.
Puis survint la rupture de ton de la seconde partie. Avec l’appel de l’aventure ressenti par Eliza surgit aussi la brutalité, la cupidité humaine, la sauvagerie et la mort. Plus intense, cette seconde partie garde une filiation avec sa petite sœur par son aspect conte historique et chronique des années de folie qui ont traversé l’ouest américain. On évoque le sort des femmes, traités comme des objets sexuels sans âme mais aussi la légende du bandit Joaquín Murieta. L’innocence s’éteint dans l’indifférence générale, étouffant dans son propre sang et la poussière.
De nos jours ce récit serait raconté de manière différente, les révélations seraient plus fracassantes, la temporalité serait malmenée, et les chapitres plus courts. Ce classique de la littérature reste pourtant indémodable et prouve que, peu importe la manière dont vous racontez votre histoire la plume vous sauvera toujours.
Résumé : Abandonnée sur le port de Valparaiso en 1832, adoptée par la famille Sommers, Eliza va mener une existence de petite fille modèle, jusqu’au jour de ses 16 ans où elle s’éprend de Joaquin, un jeune homme pauvre et entreprenant qui la quitte bientôt pour gagner la Californie. Enceinte, Eliza s’embarque clandestinement sur un voilier afin de le retrouver. En Californie, c’est le temps de la ruée vers l’or. La jeune femme va découvrir un univers sans foi ni loi, peuplé d’aventuriers, de prostituées, de bandits. Un jeune médecin chinois, Tao Chien, la prend sous sa protection. Autour d’eux, San Francisco grandit, le commerce entre les deux Amériques est intense, un nouveau pays naît, brutal, ambitieux, bien éloigné des traditions de la vieille Europe, tellement plus libre aussi.
Éditeur Le Livre de Poche (1 mars 2002) Langue Français Poche 445 pages ISBN-10 2253152455 ISBN-13 978-2253152453
J’aurais tant de choses à te dire sur le récit de ta vie. Un tourbillon d’émotions s’empare de moi au souvenir de tout ce que tu as dû traverser. Je doute de trouver la force d’exprimer tout ce que j’ai ressenti à la lecture de ton destin tragique.
Un ciel lourd barre ton avenir et assombrit ton quotidien. Il faut dire qu’il n’était pas bon de vivre du mauvais côté de la barrière sociale en 1980 dans l’Angleterre rigide de Margaret Thatcher. Tu vas subir de plein fouet la misère, la maltraitance, l’alcoolisme, la violence, le mépris, le harcèlement et la malnutrition, le tout sans jamais te départir de ton optimisme et de ton regard d’enfant désarmant de naïveté et d’innocence.
Le récit de ton enfance est aussi celui de ta mère, Agnes, ou plutôt de sa déchéance dans le puits sans fond d’une canette de special brew. Le récit parvient à se focaliser sur l’empathie envers le sort cruel que vous réserve le destin, à toi et à ta famille, sans jamais que l’on ressente un quelconque mépris envers le personnage complexe qu’est ta mère.
J’ai été surpris je l’avoue de voir que l’on s’attardait autant sur le sort de ta génitrice, à tel point que je ne comprenais pas pourquoi le récit porte ton nom alors que l’on te voit si peu, avant de comprendre qu’il s’agit d’une chronique sociale intime et bouleversante et pas uniquement des mémoires d’un enfant de la classe ouvrière.
La description minutieuse de ton quotidien miséreux entre brimades de la part de tes camarades, violences psychologiques et lutte incessante pour conserver le peu de dignité qu’il reste à ta mère est poignante. Tu ne nous épargne rien de ce que tu as subi, et alors que l’on pensait qu’il ne pouvait plus rien t’arriver de pire, le sort s’acharne encore. Pourtant, seulement armé de ton courage et de ton abnégation, tu affrontes les démons qui la dévorent, déchiré par l’amour que tu portes à ta mère.
Voilà que j’arrive au bout du temps qu’il m’est imparti pour t’exprimer tout ce que j’ai ressenti à la lecture de ton récit Shuggie et j’ai l’impression de n’avoir qu’effleurer la surface des émotions que tu provoques en moi. Adieu Shuggie ton calvaire restera gravé dans ma mémoire.
Résumé : Glasgow, années 1980, sous le règne de fer de Margaret Thatcher. Agnes Bain rêvait d’une belle maison bien à elle, d’un jardin et d’un homme qui l’aime. A la place, son dernier mari la lâche dans un quartier délabré de la ville où règnent le chômage et la pauvreté. Pour fuir l’avenir bouché, les factures qui s’empilent, la vie quotidienne en vrac, Agnes va chercher du réconfort dans l’alcool, et, l’un après l’autre, parents, amants, grands enfants, tous les siens l’abandonnent pour se sauver eux-mêmes. Un seul s’est juré de rester, coûte que coûte, de toute la force d’âme de ses huit ans. C’est Shuggie, son dernier fils. Il lui a dit un jour : « Je t’aime, maman. Je ferai n’importe quoi pour toi ». Mais Shuggie peine d’autant plus à l’aider qu’il doit se battre sur un autre front : malgré ses efforts pour paraître normal, tout le monde a remarqué qu’il n’était pas « net ». Harcèlement, brimades, injures, rien ne lui est épargné par les brutes du voisinage. Agnes le protégerait si la bière n’avait pas le pouvoir d’effacer tous ceux qui vous entourent, même un fils adoré. Mais qu’est-ce qui pourrait décourager l’amour de Shuggie ?
Quatrième de couverture BOOKER PRIZE 2020 – Glasgow, années 1980, sous le règne de fer de Margaret Thatcher. Agnes Bain rêvait d’une belle maison bien à elle, d’un jardin et d’un homme qui l’aime. À la place, son dernier mari la lâche dans un quartier délabré de la ville où règnent le chômage et la pauvreté. Pour fuir l’avenir bouché, les factures qui s’empilent, la vie quotidienne en vrac, Agnes va chercher du réconfort dans l’alcool, et, l’un après l’autre, parents, amants, grands enfants, tous les siens l’abandonnent pour se sauver eux-mêmes. Un seul s’est juré de rester, coûte que coûte, de toute la force d’âme de ses huit ans. C’est Shuggie, son dernier fils. Il lui a dit un jour : « Je t’aime, maman. Je ferai n’importe quoi pour toi. » Mais Shuggie peine d’autant plus à l’aider qu’il doit se battre sur un autre front : malgré ses efforts pour paraître normal, tout le monde a remarqué qu’il n’était pas « net ». Harcèlement, brimades, injures, rien ne lui est épargné par les brutes du voisinage. Agnes le protégerait si la bière n’avait pas le pouvoir d’effacer tous ceux qui vous entourent, même un fils adoré. Mais qu’est-ce qui pourrait décourager l’amour de Shuggie ? Shuggie Bain est un premier roman fracassant qui signe la naissance d’un auteur. Douglas Stuart décrit sans détour la cruauté du monde et la lumière absolue.
Éditeur EDITEUR GLOBE (18 août 2021) Langue Français Broché 496 pages ISBN-10 2383610003 ISBN-13 978-2383610007
Certaines personnes portent en elles une histoire, un destin qu’elle s’efforce de partager avec un public de bien des manières. Isabel Allende porte en elle tout un pays, le Chili, terre natale qu’elle a dû fuir dans la tourmente. De par ses mots elle invoque le désert d’Atacama, la terre de feu, Santiago, la capitale tentaculaire. Une invitation au voyage immanquable.
L’ouvrage n’est pas un récit fictionnel, pas de personnage principal, hormis le Chili, qui verra sa géographie, son ethnographie et son histoire être minutieusement exposée. Les Chiliens, peuple d’immigrés et multiethniques, n’échappent pas à une étude de ses mœurs, de sa mentalité paradoxale empreinte d’un esprit de classe. Un portrait d’un pays détaillé qui vaut tous les cours d’histoire.
L’ouvrage n’en est pas moins pourvu d’une part fictionnelle. Afin de panser sa mémoire d’exilée, Isabel livre ses souvenirs doux-amers sur son enfance. Elle porte un regard malicieux sur son pays et ses concitoyens, une nostalgie se dégage de sa plume chaude lorsqu’elle évoque ce pays si cher à son cœur, si présent dans sa tête mais si loin de son regard. Terre de mystère meurtri par la folie des hommes.
L’histoire tragique récente du Chili et la manière dont Isabel et sa famille l’ont vécu occupent une place importante. Le récit se fait alors analyse politique, débarrassé de l’affect auquel elle pourrait prétendre l’autrice narre le tourbillon sanglant qui a marqué son pays au fer rouge.
Un récit à la croisée des genres, entre récit historique et autobiographique. Peut-être le point d’entrée idéal pour découvrir Isabel Allende et sa plume ronde de conteuse.
Résumé : Isabel Allende se confie : « Presque toute ma vie, j’ai été une étrangère, condition que j’accepte car je n’ai pas d’alternative. Plusieurs fois, je me suis vue obligée de partir en brisant des liens et en laissant tout derrière moi, pour recommencer ma vie ailleurs. » Ayant choisi l’exil après le coup d’Etat du 11 septembre 1973 au Chili, Isabel Allende s’est engagée sur le chemin de la littérature. Aujourd’hui, sur un ton léger et émouvant, elle nous livre son Chili mythique, imaginé dans l’exil, territoire de sa nostalgie, seul pays où elle ne se sente pas une étrangère. Ce portrait contrasté du Chili, où sont évoquées sa géographie, son histoire, sa culture ou ses mentalités, est entremêlé de souvenirs et de pensées personnelles qui retracent tout le chemin d’une vie. La famille extravagante, l’enfance, les rencontres, les voyages. Isabel Allende dévoile les origines et donne les clés des personnages et des lieux qui sont la matière de son œuvre romanesque.
Éditeur Le Livre de Poche (1 juin 2005) Langue Français Poche 288 pages ISBN-10 2253113557 ISBN-13 978-2253113553
L’attrapeur d’oiseaux. Ce titre trompeur vous égarera peut-être sur ce dont l’auteur veut parler dans ce court récit qui oscille entre le récit anthropologue et le conte philosophique. Embarquez sur la pirogue de Baitogogo et tâchons d’y voir plus clair.
Le récit est avant tout une immersion dans une région humide, qui transpire les caresses sans fin d’un soleil impitoyable. La plume immersive de l’auteur permet de ressentir la moiteur de la jungle amazonienne mais aussi toute sa beauté indomptable.
Véritable passeur de savoir, le narrateur récolte les légendes locales comme d’autres les informations. Légendes qui achèvent de donner au récit une couleur et une bonhomie qui tranche avec la réalité sociale livrée aux affres du capitalisme.
Bien qu’empreint d’un certain onirisme, le récit n’en reste pas moins un tableau saisissant des conditions de vie des minorités ethniques dans un Brésil qui a renié ses valeurs humanitaires. La violence sociale est omniprésente, tout comme le racisme envers ses populations qui refuse le conformisme occidental. Par les yeux du narrateur c’est une peinture bien sombre qui nous est dépeinte.
Un tableau que le narrateur allège par son optimisme affable et sa volonté impassible, rendant ce voyage moins âpre. Une légèreté qui se retrouve dans sa manière de s’intégrer aux tribus locales, à adopter leurs us et coutumes, à s’imprégner de leur mentalité à coups de mésaventures et de déconvenues. Son amour pour cette région et ses habitants transparaît à chaque page.
L’attrapeur d’oiseaux combine donc habilement le récit d’aventures et la critique sociale, le tout mâtiné de légendes exotiques. Un voyage en terre inconnue qui laisse un souvenir impérissable.
Résumé : Après avoir essuyé plusieurs échecs sur son terrain de recherche, un anthropologue désenchanté se lance une fois de trop au cœur de « l’enfer vert » amazonien, dans le vague espoir d’enfin recueillir le récit du mystérieux mythe de l’attrapeur d’oiseaux, qui l’obsède. Quadra célibataire et mélancolique, c’est presque à contrecœur qu’il retourne auprès de sa famille amérindienne adoptive, où rien ne se passe comme prévu. De faux pas en impairs, il va faire l’expérience fatidique des limites du langage et de l’impossible communion des narrations du monde.
Éditeur Editions Payot & Rivages (2 mars 2022) Langue Français Broché 160 pages ISBN-10 274365578X ISBN-13 978-2743655785
Installez-vous confortablement à côté d’Ira, de sa mère Géraldine, de son oncle Archie pour parcourir avec eux l’album photo de leur vie, qui se trouve être aussi celui d’une page de l’Amérique qui s’enterre dans l’indifférence générale. Celui d’un quartier, le Brewster Douglass Project, qui a cristallisé toutes les attentes et le désespoir de la ville de Detroit.
Un album photo mis en scène par l’autrice de manière judicieuse, à l’aide d’une double temporalité qui permet de se rendre compte de ce qui a été perdu au fil des décennies où la déshérence sociale a remplacé le new deal de Roosevelt. On parcourt les années de ce quartier, symbole d’espoir pour la population noire américaine, de sa création à son imminente destruction. Entre les deux époques ? Une longue agonie sociale.
« Elle allume la radio . Sur WDET, même rengaine que le matin. bankruptcy. Detroit est en faillite. Quel scoop! Ricane Sarah pour elle-même. Allez demander aux corps que personne n’enterre, à Doug diplômé d’histoire qui n’a pas trouvé d’autre boulot que de travailler à la morgue, aux bâtiments condamnés,au paysage, ou même à ce mome assassiné au pied des tours vides, allez leur demander quand la faillite est arrivée ! C’est quoi cette façon de déclencher le plan épidémie quand tout le monde est mort ? »
Un album découpé en quatre saisons où les personnages vous invitent à partager leur souvenir où se mêle la tendre nostalgie du temps passé, la colère face à la morgue capitaliste actuelle, l’amertume due à la déliquescence du quartier, les regrets devant leur impuissance à empêcher l’inévitable, et la triste résignation qui s’installe.
Mais cet album est aussi l’occasion de partager la joie de vivre de ses habitants malgré la misère et les rudes conditions de travail. De voir émerger toute une culture, avec notamment l’évocation du célèbre label de la Motown et du girls band The Supremes. C’est tout un monde qui prend vie sous nos yeux avec son lot d’amour, de joie, de tristesse et de rage.
Avec douceur et mélancolie, Judith Perrignon invoque le passé flamboyant d’un quartier à son Zénith alors que le crépuscule menace aussi bien les tours de béton que les cœurs. Ténèbres et lumière se mêlent pour former un récit émouvant qui laisse un goût amer dans la bouche.
Résumé :
Detroit, 2013. Ira, flic d’élite, contemple les ruines du Brewster Douglass Project où s’est déroulée son enfance. Tant d’espoirs et de talents avaient germé entre ces murs qu’on démolit. Tout n’est plus que silence sous un ciel où planent les rapaces. Il y a quelques jours, on y a découvert un corps – un de plus.
Pour trouver les coupables, on peut traverser la rue ou remonter le cours de l’Histoire. Quand a débuté le démantèlement de la ville, l’abandon de ses habitants ?
Éditeur Editions Payot & Rivages (12 janvier 2022) Langue Français Poche 368 pages ISBN-10 2743655151 ISBN-13 978-2743655150
Nous ne venons jamais de nulle part, nous ne sommes jamais issus du néant. Les origines se perdent souvent dans les brumes de l’histoire mais les tourments d’aujourd’hui s’enracinent dans la terre du passé. L’ouvrage d’Éric Garandeau est là pour nous le rappeler.
Le récit possède un rythme élevé. C’est que l’intrigue à développé est dense, s’étale sur plusieurs siècles et prend place dans trois endroits différents. Pourtant nul besoin d’être effrayé par cette intrigue ambitieuse.
L’auteur a la bonne idée de nous embarquer dans son périple entre le Nigeria, Paris et Venise à hauteur d’homme. On suit donc l’inspecteur Thaumas dans ses tribulations pour éclaircir la mort suspecte du dernier grand chef d’entreprise Français. On découvre l’effervescence de la ville de Lagos, on se perd avec lui dans les non-dits familiaux, on tente d’y voir plus clair dans les méandres historiques.
L’auteur a eu la bonne idée d’agrémenter son texte de références culturelles de toutes sortes, littéraires, poétiques, historiques, philosophiques tout en développant un argumentaire sur la finance mondiale, le tout de manière claire et dynamique. La narration est un véritable enchantement, un jeu de piste sur fond de patchwork culturel.
Mais l’auteur a fait le choix de produire un ouvrage à la pagination resserrée. Certains choix ont donc été faits, certains personnages auraient mérité un développement plus conséquent, notamment la pétillante Anya ou la troublante Angélique. On peut regretter aussi que le brave enquêteur Gabriel ne dépasse pas le postulat de départ qui le place en dindon d’une farce qui aurait pu être plus consistante.
Cette galerie des glaces réserve beaucoup de surprises à ceux qui l’arpenteront même si la fin du parcours s’essouffle un peu et perd de son aura et de son effervescence narrative.
Résumé : Trois femmes et trois hommes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Trois villes qui n’auraient jamais dû exister et dessinent, du XVIIe à l’aube du XXIe siècle, le nouveau triangle des Bermudes. De Venise à Lagos en passant par Versailles, entre malédiction, magie noire, sociétés secrètes et jeux de pouvoir, la terre est une étuve et des lagunes filandreuses ramènent le passé à la surface. On se perd pour mieux se retrouver dans une galerie aux 360 glaces où retentit l’écho du Magnificat de Monteverdi.
Galerie des Glaces est un roman contemporain dont l’Histoire est l’héroïne, un kaléidoscope qui explore la mondialisation en remontant à sa source : Venise ou l’invention du commerce, Versailles ou l’invention industrielle, Lagos ou la ville-monde
Éditeur Albin Michel (18 août 2021) Langue Français Broché 320 pages ISBN-10 2226464212 ISBN-13 978-2226464217
Livre destin au thème foisonnant, récit porté par un rythme endiablé, Mamba point blues est une ritournelle qui vous embarque pour un voyage historique au coeur de l’Afrique, au cœur de ses personnages, un voyage qui vous marquera à jamais.
Dès les premières pages on entend résonner une note enjouée qui ne quittera jamais le récit. Quelles que soient les épreuves que les personnages devront endurer, toujours le ton restera dynamique et positif. L’auteur a décidé de tourner son récit vers l’espoir, vers l’avenir sans pour autant ignorer la malveillance humaine, ombre bruyante qui tente inlassablement de faire taire les âmes enjouées.
Ainsi les personnages se heurteront au racisme, à la cupidité, à l’arrogance des puissants mais sans jamais se départir de leur bonne humeur, de leur joie de vivre. Le récit, aussi historique soit-il, est avant tout une odyssée personnelle de personnages qui tente de trouver leur place à travers les remous de l’histoire.
La formidable partition qu’est l’ouvrage est composée par des personnages lumineux, attachants et qui se retrouvent confrontés à des questions qui secouent encore notre société actuelle. La question de la race, du racisme, de la soif de liberté et des conséquences qu’elle entraîne. Cependant, aussi passionnant soit l’auteur lorsqu’il évoque l’aspect historique de son œuvre, il m’a beaucoup plus convaincu lorsqu’il développe le destin personnel de ses personnages.
Le ton se fait parfois trop magistral et informatif lorsqu’on évoque l’histoire du Libéria par exemple ou bien lorsque l’espionnage se mêle à l’intrigue. Ce qui ternit quelque peu la folle sarambade entamée en début d’ouvrage mais pas d’inquiétude à avoir, on revient très vite aux personnages et à leurs destins hors normes.
Des plaines désolées d’Alsace au côté du Libéria en passant par le sud profond des États-Unis, l’auteur déploie une histoire fantastique et remarquablement documenté. Le tout porté par une plume qui résonne comme le meilleur des jazz band de la grande époque.
Résumé : Des tranchées d’Argonne à Monrovia en passant par Dakar, New York et Paris, une fresque romanesque puissante qui court d’une guerre mondiale à l’autre, rythmée par les accents vibrants du jazz.
1918. Percussionniste virtuose à l’école des djembés de Gorée, Jules, interprète du régiment de Noirs américains sur le front de cette France ravagée qu’il ne connaît qu’à travers Maupassant, vit à l’aube de l’armistice un amour éphémère avec l’épouse d’une » gueule cassée « . Ce souvenir indélébile l’accompagnera après la guerre dans son long périple à travers l’Amérique bouillonnante des Années folles, quand il rejoint le jazz-band de ses anciens compagnons de guerre, en tournée dans le Sud raciste, puis triomphe au célèbre Cotton Club de New York.
Sa vie croise celle de Joséphine Baker qui l’emmène, avec sa Revue nègre, à Paris où l’amitié qu’il scelle avec l’écrivain-espion Graham Greene les entraîne dans une périlleuse expédition en Afrique. Ils iront jusqu’à Monrovia, capitale du Liberia, sur les traces de Julius Washington, l’arrière-grand-père de Jules, premier grand reporter photographe noir américain. Alors que de nouveau une guerre s’annonce, Jules s’installe à Mamba Point, dans la maison de Julius, l’homme qui a tenté de révéler la véritable histoire de ce pays : celle de ces esclaves affranchis envoyés en Afrique pour bâtir une nation libre. Un rêve devenu cauchemar.
Éditeur Presses de la Cité (26 août 2021) Langue Français Broché 544 pages ISBN-10 2258195454 ISBN-13 978-2258195455
Une planète sur laquelle s’agite sept milliards d’êtres humains et une « petite » comète de huit kilomètres de diamètre. Devinez laquelle de ces boules dérivantes dans l’espace va remporter la partie ?
La comète est un roman surprenant à bien des égards. Introspectif mais assez en retrait dans l’émotion, la plume de l’autrice dégage une certaine froideur qui demande à être apprivoisé. La psychologie des personnages est finement reproduite au cours du récit mais toujours de manière clinique. On a parfois l’impression d’assister à une dissection psychologique à laquelle se livrerait l’auteur sur ces personnages. C’est précis mais ça manque d’empathie.
Il faut accepter aussi le parti pris de l’autrice de nous présenter certains personnages puis de les faire disparaitre aussitôt ou après quelques chapitres. Des personnages « météores » en quelque sorte, introduit pour mettre en avant une certaine situation, parfois insoutenable, avant de disparaitre. Il faut comprendre la volonté de l’autrice de raconter une destinée commune et non pas des destins en particulier.
Reste ces passages sur l’écroulement d’une société, sans doute les chapitres où on appréciera le plus le style clinique et en retrait de l’autrice. L’imagination suffit amplement à susciter l’effroi et à glacer le sang.
Sans doute l’un des seuls roman lus en 2021 que je serais incapable de classer dans mes bonnes ou mauvaises lectures. Typiquement le genre de lecture dans laquelle il faut se lancer pour savoir si elle va vous plaire.
Résumé : Jaillie de l’ombre du Soleil, la comète noire UD3 se dirige droit vers la Terre. Une collision semble inévitable, ce qui provoquerait l’apocalypse. Un jeune spécialiste de l’aéronautique, Ben Schwartz, est nommé à la tête d’une équipe internationale censée trouver le moyen de faire dévier la trajectoire de l’énorme bolide céleste. Réunis sur la base de Kourou en Guyane, coupés de leurs proches, des hommes et des femmes de tous horizons rivalisent d’ingéniosité pour affronter ce défi sans précédent. Mais contre toute attente, ce n’est pas l’exploit technologique qui se révèle le plus difficile ; en temps de crise, les passions humaines s’exacerbent, comme sur ce bateau brise-glace en route vers l’Arctique où un photographe baroudeur se rapproche d’une biologiste solitaire. Alors que le temps vient à manquer, chacun se montre sous son vrai jour.
Éditeur GALLMEISTER (6 mai 2021) Langue Français Broché 512 pages ISBN-10 2351782313 ISBN-13 978-2351782316