Le rêve des chevaux brisés de William Bayer, dites moi tout

Voilà un polar comme on aimerait en lire plus souvent. Un récit dense qui met à l’honneur des personnages fouillés, une intrigue solide qui emprunte à la tragédie antique et à Shakespeare.

William Bayer est considéré, à raison, comme un maître du roman noir. Sa narration introspective est la meilleure manière de découvrir les mystères de la ville de Callista et les méandres du double meurtre non résolu du Flamingo hotel. Il tisse lentement, mais avec brio, une intrigue dense où chaque personnage verra son portrait être ciselé par une plume aguerrie.

À commencer par son personnage principal, David Weiss, en quête de réponse avant tout pour lui-même et dans l’espoir de trouver une forme de rédemption. Hanté par une culpabilité enfouie et miné par l’idée que son père a pu être impliqué dans cette sanglante affaire. C’est un plaisir que de le suivre durant sa plongée dans les plus noirs secrets de Callista.

On a également droit à un portrait saisissant de l’une des victimes. Rarement un personnage défunt aura eu droit à une psychologie aussi travaillée, aussi détaillée. Un régal de lecture qui passe par des passages un peu plus sec en matière de narration.

Car l’auteur a fait le choix de l’exhaustivité pour donner corps à son récit. Certains chapitres, en plus d’être long, peuvent paraître arrides à la lecture. David lit tout simplement des rapports d’enquête dans l’un et un troublant dossier de thérapie dans l’autre. Mais cela sert le récit, il faut donc se montrer patient  et consciencieux dans la lecture.

l’air de rien le récit soulève de nombreux thèmes fort intéressants, tel que la quête d’une image paternelle, la culpabilité  imprescriptible, la sexualité débridée, le traitement médiatique des affaires criminelles et tant d’autres encore.

Bien plus qu’un énième polar, le rêve des chevaux brisés est un formidable récit d’un fils en quête de réponse, d’un homme en quête de rédemption enrichi par un traitement psychologique fascinant des personnages.

Résumé : Dans une ville du Midwest, par un après-midi torride, un homme et une femme sont en train de faire l’amour dans une chambre de motel quand, soudain, la porte s’ouvre. Une silhouette se profile. Suit une double détonation… Les deux victimes sont Barbara Fulraine, égérie de la haute société, et son amant Tom Jessup, modeste professeur. Comment cette grande bourgeoise a-t-elle pu finir d’une façon aussi sordide ? Qui a tué les deux amants ? Vingt-six ans après les faits, le dessinateur judiciaire David Weiss revient dans cette ville où il a grandi, à l’occasion d’un procès. Il va tenter de trouver une réponse à ces questions qui n’ont cessé de le hanter. Une quête dont il ne sortira pas indemne.

Éditeur ‎EDITIONS PAYOT & RIVAGES (8 février 2017)
Langue ‎Français
Poche ‎496 pages
ISBN-10 ‎2743638737
ISBN-13 ‎978-2743638733

Mysterious skin de Scott Heim, enfance martyr, enfance volée

Il y a des ouvrages comme ça qui vous happe dès la première page et qui, au fil du récit, se faufile un chemin jusqu’à votre cœur et vous laisse pantois, l’âme éblouie par tant de beauté mélancolique et le visage en larmes. Mysterious skin est de ces ouvrages.

J’ai eu l’occasion de lire ce livre une première fois il y a une dizaine d’années et sa lecture m’a laissé un souvenir impérissable. Aujourd’hui une relecture attentive a confirmé le monument d’émotions brutes que représente ce roman. Un chef-d’œuvre intemporel qui m’a encore bouleversé lors de cette seconde lecture.

Le récit de l’Américain Scott Heim est un chemin de vie parallèle, un double parcour de vie fracassé. L’auteur nous invite à suivre Brian et Neil, deux jeunes garçons prisonniers de la société conformiste de l’Amérique rural du Kansas dans les années 80 jusqu’au début des années 90. Dix ans, dix ans que nous allons passer au cœur de deux vies éteintes par une étreinte démoniaque. Une décennie pour rallumer la flamme et oser braver les ténèbres qui se sont penchées sur leur destin.

Le récit nous offre une narration en miroir où l’on suit les deux personnages principaux alternativement. Le portrait de ces deux êtres marqués par un évènement traumatisant est d’une finesse psychologique rarement égalée. Brian est le gamin mal dans sa peau, introverti, coincé entre un père exigeant et une mère surprotectrice. Un enfant au cri silencieux que personne ne saura entendre. Lors de ma première lecture je me souviens avoir ressenti une certaine lassitude lors de la lecture des chapitres consacrés à Brian, il faut reconnaître que, de prime abord, ce personnage paraît un peu fade face à Neil le flamboyant. Pourtant au fil du récit son parcours va prendre une ampleur insoupçonnée et Brian sera faire preuve de courage pour trouver les réponses aux questions qui le hantent. Accompagner ce personnage durant cette décennie sera, pour le lecteur, comme assisté à la longue sortie de chrysalide d’un papillon qui aurait enterré ses émotions pour mieux les retrouver une fois sa mue terminée.

En face l’auteur met en scène Neil, un personnage magnétique, immédiatement charismatique. Un enfant qui a grandi trop vite et qui ne cesse de se débattre pour échapper au carcans imposés par la société conformiste américaine. Un phénix qui illumine son entourage de sa prestance, de son sens de la provocation, qui consume le cœur de ses proches sans même sans rendre compte, qui se persuade qu’il contrôle sa vie alors qu’il n’en ait rien comme l’auteur va nous le montrer au cours du chemin de vie qui est le sien. Je me souviens que je trouvais ce personnage fascinant lors de ma première lecture, aujourd’hui je comprends que l’auteur a voulu montrer comment un traumatisme peut marquer une vie et influencer les choix d’une personne. Là où Brian apparaît comme une chenille qui doit entamé sa mue, Neil serait plus un éphémère qui brûle sa vie de tous côtés dans un tunnel de drogues, de sexe et de prostitution. Jusqu’au point de non-retour.

« Il portait un T-shirt de dragster, un blouson en vrai cuir avec des fermetures éclair semblables à des rangés de dents, et des bottes assorties. Des animaux ont été tués pour fabriquer ces vêtements, ais-je pensé. Il serait avec un couteau à cran d’arrêt dans une main, et moi dans l’autre. » Wendy Peterson décrivant sa rencontre avec celui qui finira par devenir son meilleur ami.

Pour développer ces deux personnages, aussi chargés en émotions l’un que l’autre, l’auteur a opté pour une plume différente selon qui l’on va suivre. Ainsi les chapitres consacrés à Brian font montre d’une plume contemplative, où l’introspection prend une part importante alors qu’une mélancolie diffuse imprègne toute l’atmosphère. C’est une plume plus ronde alors que les chapitres consacrés à Neil sont écrits dans un style plus acéré, plus mordants. Il faut noter que le parcours de Neil, en véritable acteur principal de sa propre tragédie, nous sont souvent contés par la vision de personnages secondaires tout aussi délicieux et attachants. Leurs points de vue sur le parcours de Neil témoignent de l’impuissance que l’on ressent parfois envers un proche qui refuse notre aide. Des chapitres poignants parcourus par des fulgurances poétiques qui illustrent la détresse psychologique des personnages.

Un récit d’une grande finesse et il n’en fallait pas moins étant donné les sujets délicats qu’il aborde. Les thèmes de la pédophilie, la sexualité précoce et la prostitution sont abordés de manière frontale mais jamais gratuite. Une finesse que l’on retrouve lors d’un final que certains jugeront abrupt mais ce serait oublié que l’auteur ne nous a jamais promis une fin heureuse, juste le chemin qui mène à celle-ci.

Résumé: Récit bouleversant de deux quêtes douloureuses, de deux destins meurtris que rien ne semble pouvoir apaiser, Mysterious skin explore, sans complaisance, sensationnalisme ni faux-semblants, la question de la pédophilie, la complexité de l’éveil sexuel et le passage à l’âge adulte. Tracé d’une plume sobre, empreint de poésie et de délicatesse, un magnifique portrait de l’enfance, dans la violence de relations troubles et traumatisantes.

  • Éditeur ‏ : ‎ Au Diable Vauvert (6 octobre 2005)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 407 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2846260907
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2846260909
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 422 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 13.1 x 2.7 x 19.8 cm

Après la vague (16 mars 2017) de Orianne Charpentier

Il fait beau, ce jour-là, à la terrasse de l’hôtel. la famille est attablée. On discute d’un temple à visiter. Mais avec cette mer turquoise… Maxime n’a aucune envie de bouger. Il va rester ici, tranquille, à profiter de la plage avec Jade, sa soeur jumelle. Quelques minutes plus tard, une vague apparaît. Une vague qui n’en finit pas de grossir. Une vague qui engloutit tout. Dans leur course folle, Jade lâche la main de son frère. Pour Max, il n’y a plus de mots. Plus de larmes. Plus de présent. Plus d’avenir. Pourra-t-il survivre à ce drame ? Le cheminement vers la reconstruction d’un adolescent frappé par le tsunami dévastateur de 2004. Un récit d’une sensibilité exemplaire où l’émotion prend à la gorge.

Chronique : Avant « Rage » il y avait « Après la vague  » de Orianne Charpentier un récit sensible sur la reconstruction d’un adolescent frappé par le tsunami de 2004. C’est un livre avec beaucoup d’émotions dans ce court récit qui raconte l’histoire de Maxime est dévasté après la perte de sa soeur jumelle lors du tristement célèbre Tsunami de 2004.
Orianne Charpentier nous plonge dans le ressenti de ce jeune garçon qui voit sa vie voler en éclat après le drame. Le reste de la famille tente aussi de survivre, de trouver du sens à sa vie, de reconstruire là-bas, en Asie, de se reconstruire …
Voyage, rencontres, quête de soi … Max va beaucoup mûrir, partir hors des sentiers battus, pour se chercher, se trouver. Au début de l’histoire, on pressent la catastrophe et au moment où cela se produit c’est un déchirement ! Tout le long du livre, l’émotion nous prend à la gorge. L’auteure se glisse avec finesse et compréhension dans le mal-vivre de cet adolescent bouleversé par une catastrophe naturelle imprévisible. Oeuvre fictive inspiré d’une catastrophe naturelle mais tellement réaliste. On se met à la place de ces gens ce fameux jour de 2004 et c’est terrible
Les mots sont justes et l’atmosphère pas pesante malgré le sujet difficile.
Un beau roman à découvrir ou re découvrir

Note : 9,5/10

  • Poche: 148 pages
  • Editeur : Gallimard Jeunesse (16 mars 2017)
  • Collection : Pôle fiction

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