L’inventeur de Miguel Bonnefoy

Rêve solaire et sombre destin.

Pour son nouveau roman, Miguel Bonnefoy s’est penché sur le triste destin d’Augustin Mouchot. Un scientifique qui a réellement existé et dont le projet d’énergie solaire aurait pu donner un autre visage à la France.

D’une plume espiègle et dynamique l’auteur dresse le portrait d’un homme qui ne sait faire que les mauvais choix. Un homme à l’esprit brillant mais à la posture gauche, la tête pleine de rêve mais qui se prend les pieds dans le tapis. Impossible de ne pas s’attacher à ce Candide, témoin d’une époque où la science était synonyme de merveilleux et d’espoir.

Le récit prend les allures d’un conte tragi-comique où le sort s’acharne sur ce pauvre Auguste. Rien ne lui sera épargné, ni la maladie, qui plane sur lui depuis sa naissance tel un vautour, ni la déchéance sociale, ni la cruauté humaine.

On suit le destin de ce brave Auguste, pavé de mésaventures et de déconvenues, avec un regard compatissant mais toujours avec un demi-sourire aux lèvres dû à la verve déployée par l’auteur.

Une plume qui fait tout le charme de ce roman qui met en lumière une figure méconnue de l’histoire scientifique française. Un destin qui aurait pu être tout autre si les hommes étaient capables d’anticiper un peu plus le futur.

Résumé : Voici l’extraordinaire destin d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui, au milieu du XIXe siècle, découvre l’énergie solaire.
La machine qu’il construit, surnommée Octave, finit par séduire Napoléon III. Présentée plus tard à l’Exposition universelle de Paris en 1878, elle parviendra pour la première fois, entre autres prodiges, à fabriquer un bloc de glace par la seule force du soleil.
Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine le projet de Mouchot que l’on juge trop coûteux. Dans un ultime élan, il tentera de faire revivre le feu de son invention en faisant « fleurir le désert » sous le soleil d’Algérie.

Éditeur ‎Rivages (17 août 2022)
Langue ‎Français
Broché ‎208 pages
ISBN-10 ‎2743657030
ISBN-13 ‎978-2743657031

Mamba point blues de Christophe Naigeon, il faut que ça swing baby !

Livre destin au thème foisonnant, récit porté par un rythme endiablé, Mamba point blues est une ritournelle qui vous embarque pour un voyage historique au coeur de l’Afrique, au cœur de ses personnages, un voyage qui vous marquera à jamais.

Dès les premières pages on entend résonner une note enjouée qui ne quittera jamais le récit. Quelles que soient les épreuves que les personnages devront endurer, toujours le ton restera dynamique et positif. L’auteur a décidé de tourner son récit vers l’espoir, vers l’avenir sans pour autant ignorer la malveillance humaine, ombre bruyante qui tente inlassablement de faire taire les âmes enjouées.

Ainsi les personnages se heurteront au racisme, à la cupidité, à l’arrogance des puissants mais sans jamais se départir de leur bonne humeur, de leur joie de vivre. Le récit, aussi historique soit-il, est avant tout une odyssée personnelle de personnages qui tente de trouver leur place à travers les remous de l’histoire.

La formidable partition qu’est l’ouvrage est composée par des personnages lumineux, attachants et qui se retrouvent confrontés à des questions qui secouent encore notre société actuelle. La question de la race, du racisme, de la soif de liberté et des conséquences qu’elle entraîne. Cependant, aussi passionnant soit l’auteur lorsqu’il évoque l’aspect historique de son œuvre, il m’a beaucoup plus convaincu lorsqu’il développe le destin personnel de ses personnages.

Le ton se fait parfois trop magistral et informatif lorsqu’on évoque l’histoire du Libéria par exemple ou bien lorsque l’espionnage se mêle à l’intrigue. Ce qui ternit quelque peu la folle sarambade entamée en début d’ouvrage mais pas d’inquiétude à avoir, on revient très vite aux personnages et à leurs destins hors normes.

Des plaines désolées d’Alsace au côté du Libéria en passant par le sud profond des États-Unis, l’auteur déploie une histoire fantastique et remarquablement documenté. Le tout porté par une plume qui résonne comme le meilleur des jazz band de la grande époque.

Résumé : Des tranchées d’Argonne à Monrovia en passant par Dakar, New York et Paris, une fresque romanesque puissante qui court d’une guerre mondiale à l’autre, rythmée par les accents vibrants du jazz.

1918. Percussionniste virtuose à l’école des djembés de Gorée, Jules, interprète du régiment de Noirs américains sur le front de cette France ravagée qu’il ne connaît qu’à travers Maupassant, vit à l’aube de l’armistice un amour éphémère avec l’épouse d’une  » gueule cassée « . Ce souvenir indélébile l’accompagnera après la guerre dans son long périple à travers l’Amérique bouillonnante des Années folles, quand il rejoint le jazz-band de ses anciens compagnons de guerre, en tournée dans le Sud raciste, puis triomphe au célèbre Cotton Club de New York.

Sa vie croise celle de Joséphine Baker qui l’emmène, avec sa Revue nègre, à Paris où l’amitié qu’il scelle avec l’écrivain-espion Graham Greene les entraîne dans une périlleuse expédition en Afrique. Ils iront jusqu’à Monrovia, capitale du Liberia, sur les traces de Julius Washington, l’arrière-grand-père de Jules, premier grand reporter photographe noir américain. Alors que de nouveau une guerre s’annonce, Jules s’installe à Mamba Point, dans la maison de Julius, l’homme qui a tenté de révéler la véritable histoire de ce pays : celle de ces esclaves affranchis envoyés en Afrique pour bâtir une nation libre. Un rêve devenu cauchemar.

Éditeur ‎Presses de la Cité (26 août 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎544 pages
ISBN-10 ‎2258195454
ISBN-13 ‎978-2258195455

Lorsque le dernier arbre de Michael Christie, l’espoir gravé dans l’écorce

Cet ouvrage est bien plus qu’un énième récit post-apo brodant sur le thème éculé du déclin de l’humanité. C’est un ouvrage sur la notion de famille, sur la transmission de valeurs et aussi un formidable message d’espoir pour l’avenir.

Ce roman restera sans doute comme l’une de mes plus belles lectures de cette année. Tout simplement parce que l’auteur est parvenu à me faire changer d’avis sur ses choix de narration et sur mon ressenti concernant ses personnages, ce qui n’arrive que rarement.

En commençant l’ouvrage je me faisais la réflexion que le sujet était intéressant, la narration claire, le propos passionnant mais j’avais l’impression de regarder les personnages à travers une vitre, ce que je trouvais dommage pour une saga familiale où l’attachement aux personnages est primordial. Comme si l’intrigue se déroulait à travers un filtre et que l’auteur nous maintenait à distance de ses personnages. C’était pour mieux nous emmener à la seconde partie.

La première partie du récit, celle où la narration rebrousse le temps, sert à enraciner les thématiques de chaque personnage, à nouer le contexte dans lequel ils évoluent et à planter leurs personnalités. Puis la seconde partie déploie ses trésors d’émotions, la distance s’efface et laisse place à une intensité émotionnelle que j’ai rarement eu l’occasion de lire. Le tout avec pudeur et sobriété.

Une fois le livre refermé on ne peut s’empêcher de saluer l’ingéniosité de l’auteur qui parvient à mêler l’émotion tout en mettant en parallèle les situations vécues par les personnages à des décennies d’écarts. Il parvient à nous faire adopter le point de vue de chaque membre de cette famille atypique, on réussit à adopter leurs choix, même les plus extrêmes. Une famille où chaque branche s’ignore mais se complète, une famille qui ne sait pas communiquer mais qui se transmet pourtant des valeurs fondamentales.

Plus j’y réfléchis, plus je suis persuadé que ce livre est la meilleure lecture que j’ai pu faire cette année, non seulement pour l’émotion qu’il dégage mais aussi pour la résilience dont il fait preuve, un message d’espoir pour notre avenir. Aussi fragile et incertain soit-il.

Résumé : « Le temps ne va pas dans une direction donnée. Il s’accumule, c’est tout – dans le corps, dans le monde -, comme le bois. Couche après couche. Claire, puis sombre. Chacune reposant sur la précédente, impossible sans celle d’avant. Chaque triomphe, chaque désastre inscrit pour toujours dans sa structure. »

D’un futur proche aux années 1930, Michael Christie bâtit, à la manière d’un architecte, la généalogie d’une famille au destin assombri par les secrets et intimement lié à celui des forêts.
2038. Les vagues épidémiques du Grand Dépérissement ont décimé tous les arbres et transformé la planète en désert de poussière. L’un des derniers refuges est une île boisée au large de la Colombie-Britannique, qui accueille des touristes fortunés venus admirer l’ultime forêt primaire. Jacinda y travaille comme de guide, sans véritable espoir d’un avenir meilleur. Jusqu’au jour où un ami lui apprend qu’elle serait la descendante de Harris Greenwood, un magnat du bois à la réputation sulfureuse. Commence alors un récit foisonnant et protéiforme dont les ramifications insoupçonnées font écho aux événements, aux drames et aux bouleversements qui ont façonné notre monde. Que nous restera-t-il lorsque le dernier arbre aura été abattu ?

Éditeur ‎Albin Michel (18 août 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎608 pages
ISBN-10 ‎222644100X
ISBN-13 ‎978-2226441003

L’île du docteur Faust de Stéphanie Janicot, Miroir, mon beau miroir…

C’est à un séjour onirique, rempli de symbolisme et de paraboles, que nous convie Stéphanie Janicot avec son roman. Un voyage envoûtant, une réflexion intense sur les notions de choix et de désirs.

L’auteure dépeint les portraits diversifiés de femmes ternis dans leur chair et leurs esprits, des femmes qui ont dû s’exposer à une galerie composée d’hommes, des femmes qui ont du renoncé à la couleur du désir, de l’ambition, de la création pour se complaire aux désidératas de la société patriarcal qui était leur quotidien et qui n’en ont retiré qu’une palette de sentiments faite d’aigreur et de regrets. Un constat amer, qui reflète les propres errances de la narratrice, cependant, rapidement, l’auteure transcende ce triste postulat.

Engluées dans leurs desseins flétris, ces femmes se retrouvent très vite à reproduire les mêmes erreurs qui les ont conduites sur cette île. Le désir d’une seconde jeunesse, d’une ultime chance de réaliser son potentiel ne fait que mettre en lumière la vacuité de leurs ambitions et permet à la narratrice de faire la revue de sa propre collection de regrets et de remords afin de percer les mystères du docteur Faust et de parvenir, peut-être, à une sérénité inespérée.

Encadré par un liseré de légendes bretonnes et de mythologie grecque, le récit foisonne de références qui sont autant d’avertissement inaudibles. L’auteure expose tous ces symboles, qui donnent du corps à son récit, de manière trop évidente. Un peu de mystère, de part d’ombre, aurait été bienvenue. De même les dialogues manquent de malice, de sous-entendus équivoque, et se résument souvent à une exposition frontale de la mentalité des personnages, sans artifice.

Alors que le séjour sur l’île s’achève et que l’illusion se dissipe, les interrogations soulevées par le récit demeurent dans les regards de ces femmes, tel un miroir dont on refuserait d’apercevoir le reflet : Serai-je à la hauteur de mes espérances ?

Résumé : Tandis que la nuit tombe, neuf femmes attendent l’arrivée d’un passeur qui doit les mener sur une île au large de la Bretagne. Toutes ont payé le prix pour suivre un programme leur promettant de retrouver leurs vingt ans. Seule l’une d’entre elles, invitée, s’est juré de résister à la tentation.Mais le séjour et le mystère grandissant qui l’entoure, tout autant que le trouble suscité par le docteur Faust, vont lui révéler la difficulté de refuser ce pacte diabolique.


Comment maîtriser le temps ? Accomplir nos rêves les plus sacrés, l’amour, la création ? Comme elle s’est plu à se jouer des mythes et des légendes dans ses précédents livres, Stéphanie Janicot interroge dans ce roman envoûtant le fantasme de la jeunesse éternelle et de la toute-puissance, l’illusion, la féminité et la force du désir.

Éditeur ‎Albin Michel (18 août 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎304 pages
ISBN-10 ‎2226465278
ISBN-13 ‎978-2226465276

Bangkok déluge de Pitchaya Sudbanthad, le flot tumultueux du destin

Un ville, un peuple et le cours inexorable du destin.

Ce primo-roman thaïlandais disponible chez @editionsrivages n’est rien d’autre qu’une invitation à une traversée à travers le temps, avec Bangkok, la ville aux milles visages, en arrière plan. Une lecture dépaysante qui, pour peu que l’on sache larguer les amarres, nous emporte sur des flots d’une écriture doté d’une force tranquille qui saura apaisé les pauvres lecteurs occidentaux que nous sommes, habitués à lire des récits beaucoup plus balisés en termes de narration.

Ici pas de personnage central mais une galerie d’habitants de Bangkok avec qui on va faire connaissance tout au long du récit. Tous auront un rapport complexe avec leurs pays tel Sammy, l’expatrié qui cherche désespérément à se réconcilier avec son enfance et son pays ou encore Nee, l’étudiante qui subit la répression militaire des années 70. On aura aussi l’occasion de voir le combat quotidien de sa soeur Nok pour maintenir ouvert son restaurant thaï au Japon alors même que l’histoire de son pays la rattrape bien malgré elle.

Comme dans tout récit choral qui entrecroise les destins, l’auteur n’échappe pas à l’écueil du développement inégal des personnages. La partie consacré à la junte militaire est tellement intéressante que le reste du récit en pâtit quelque peu. C’est le cas notamment du médecin américain Stevens dont l’épopée est conté de manière trop disparate pour que l’on puisse vraiment se prendre d’affection pour lui. L’auteur est mieux parvenu à mener sa barque qui regroupe les personnages Thaïlandais affrontant le tumulte de la vie que celle de ces personnages éclairs qui auraient mérité tout autant d’attention.

La dernière partie représente un défi supplémentaire puisqu’elle se déroule dans le futur alors que les eaux furieuses ont submergés la ville. En plus de nouveaux personnages, il faut également s’habituer à de nouvelles technologies dans un décor qui a changé à jamais. Une partie du récit qui met en valeur la résilience des citoyens de cette nouvelle Venise.

En plus de cet équipage hétéroclite, l’auteur à tenu à intégré des chapitres courts qui mettent la faune en vedette afin de montrer qu’une ville n’es pas uniquement constituée de bipèdes inconscients des ravagés qu’ils provoquent. Un excellente idée qui permet au texte de respirer et de prendre une hauteur inattendue.

Pitchaya Sudbanthad aura donc su me guider tranquillement tout au long de son récit grâce à sa plume calme, à la puissance narratrice maîtrisée. Une lecture qui m’a fait sortir de ma zone de confort pour mon plus grand plaisir. Une lecture qui fait rimer dépaysement et enchantement.

Résumé: Roman-monde pour une ville-monstre, «Bangkok Déluge »regarde Bangkok changer à travers le destin kaléidoscopique d’une dizaine de personnages plus attachants les uns que les autres. Du XIXe siècle des grandes découvertes à l’avenir des tempêtes climatiques qui guettent, autour d’une même maison hantée qui lui donne son axe, la ville se fait tour à tour piège et refuge, se réinventant en permanence sous les assauts de la modernité comme du ciel. Tentaculaire et limpide, porté par un souffle et une force motrice rares, le premier roman de Pitchaya Sundbanthad est un voyage, une expérience d’immersion totale.

  • Éditeur ‏ : ‎ EDITIONS PAYOT & RIVAGES (25 août 2021)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 432 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 274365368X
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2743653682
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 450 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 14 x 2.9 x 20.5 cm