L’enfant de février d’Alan Parks, Regardez-moi sombrer…

Au-delà d’un simple polar urbain ce second volume de la saga d’Alan Parks publié chez rivages est surtout le portrait d’un homme fracassé, au bord du gouffre. Un officier de police chargé de faire respecte la loi mais qui franchit la ligne rouge si souvent qu’il ne doit même plus la voir. Un homme qui est la proie d’un passé qui a planté ses serres et qui le comprime plus fort de jour en jour. Alors pour échapper à ce passé dont il ne veut plus se souvenir mais qui ne cesse de le hanter il s’engouffre dans un tunnel autodestructeur fait d’alcool et de paradis artificiels.

C’était déjà perceptible dans le premier volet, Janvier noir, mais cela prend une ampleur démesurée dans cette suite. L’inspecteur McCoy s’effondre sous les yeux du lecteur. Ce n’est pas que la carapace se fend, c’est qu’il y en a plus de carapace. Ce polar est avant tout la déchéance d’un homme qui en apparence à tout pour réussir alors même que son âme s’enfonce dans un marasme sans fond.

Le fait est que le contexte social ne se prête pas à ce que notre ”héros” s’épanche sur ses traumatismes. L’action se déroule toujours à Glasgow durant les années 70 et à l’époque on ne parlait pas de ça. On serrait les dents et on avançait parce qu’il fallait être un homme pas le choix, pas de place pour les sentiments. Glasgow est toujours aussi effroyable dans ce récit. Un royaume de béton et d’asphalte où l’alcool et la drogue règnent en maîtres. Préparez vous à faire la tournée des grand ducs, du misérable troquet poussiéreux jusqu’au splendide bar avec clientèle prestigieuse, l’auteur nous a concocté une visite touristique de Glasgow bien particulière.

Ce tableau sombre, glauque et désespérée aurait été parfait s’il avait été complété par une enquête plus palpitante et moins prévisible. Il ne faut pas se lancer dans cette saga en espérant découvrir des intrigues renversantes. Le propos de l’auteur est ailleurs et il faut dire que son portrait de l’inspecteur McCoy est suffisamment percutant pour faire oublier ce défaut.

Un polar âpre et violent dont il me tarde de découvrir le troisième volet.

Résumé : Deuxième opus d’une série mettant en scène l’inspecteur McCoy et son adjoint Wattie dans le Glasgow des années 1970, sur fond de musique, drogues et gangs, dans la lignée de William McIlvanney.

  • Éditeur ‏ : ‎ EDITIONS PAYOT & RIVAGES (5 février 2020)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 410 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2743649496
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2743649494
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 500 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 15.5 x 2.8 x 22.5 cm

Janvier noir d’Alan Parks, prêt à bouffer du bitume ?

Janvier noir et le premier tome d’une saga policière qui se veut noire, urbaine et dotée d’une atmosphère glauque et désespéré sans concession.

Le personnage principal, l’inspecteur McCoy, est l’atout principal de ce polar urbain. Un personnage nuancé par une teinte de gris tirant fortement vers le noir qui le rendent attachant. Une enfance traumatisante dans un orphelinat, une tendance à s’emporter, une passion préjudiciable pour des substances illicites et une accointance avec les milieux mafieux constituent un personnage de flic original et borderline. Un personnage qui avance constamment sur le fil du rasoir et regarde le gouffre qu’il traverse en rigolant à gorge déployée.

La ville de Glasgow finit de planter le décor de l’ouvrage. Les peintures utilisées par l’auteur pour dépeindre la ville renforcent l’atmosphère lourde et lugubre. Le noir de la fumée industrielle, le gris des trottoirs qui crachent leur misère et le rouge des victimes, beaucoup de rouge. Une palette de couleurs pas super diversifiée mais évocatrice. Le tableau final forme une toile qui sent le whisky et la fumée de cigarette.

Le seul bémol que je pourrais apporter à ma lecture concerne l’intrigue en elle-même, qui après une amorce originale retombe très vite vers le classique avec une fin convenue et grand public. Le noir tableau d’Alan Parks mérite sans doute une intrigue moins ambitieuse mais plus original, plus surprenante dans son dénouement. Mais cela n’enlève rien aux qualités de ce polar urbain qui frappe fort avec ce premier volume.

Résumé: Premier opus d’une série mettant en scène l’inspecteur McCoy et son adjoint Wattie dans le Glasgow des années 1970, sur fond de musique, drogues et gangs, dans la lignée de William McIlvanney. Quand une jeune femme est abattue par un garçon de 18 ans en pleine rue à Glasgow non loin de la gare routière, l’inspecteur Harry McCoy y voit autre chose qu’un acte de violence isolé. Son enquête le met sur la piste d’un réseau de drogue et surtout l’amène à croiser la route de Teddy Dunlop, fils dégénéré d’une riche famille de Glasgow, qui fait la pluie et le beau temps dans la ville. 

  • Éditeur ‏ : ‎ EDITIONS PAYOT & RIVAGES (7 mars 2018)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 365 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2743643056
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2743643058
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 400 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 15.9 x 2.6 x 22.7 cm

Minuit à Atlanta de Thomas Mullen,

Les enjeux pour les droits civiques prennent de l’ampleur

Aussitôt la lecture de Temps noirs achevé je me suis précipité sur l’opus suivant de cette saga passionnante qui raconte la vie des premiers officiers de police noirs de la ville d’Atlanta dans les années 50. Au travers de leurs quotidiens précaires, de leurs rapports tendus avec le reste des forces de police et de leurs combats contre les préjugés Thomas Mullen nous raconte la longue lutte de la population noire américaine pour la reconnaissance de leurs droits civiques.

L’action de ce troisième volume de la saga se situe en 1956 six ans après le second volume. Tommy Smith, l’ancien coéquipier de Boogs, est devenu journaliste à l’Atlanta daily news, un quotidien réputé auprès de la population afro américaine. Son patron, le très respecté Arthur Bishop, est assassiné une nuit dans les locaux du journal alors qu’il travaillait tard. Smith ne le sait pas encore mais une sombre machination s’est mise en place et il risque bien d’être la prochaine victime.

Vous l’aurez constaté à la lecture de ce résumé on quitte le domaine de la fresque sociale pour se recentrer sur une véritable intrigue policière. La lutte pour l’égalité des droits civiques et l’abolition de la ségrégation sont ded sujets si vastes, cela englobe tellement de sujets de société, tellement d’enjeux financiers, politiques et même mondiaux que l’on ne peut reprocher à l’auteur d’avoir choisi un autre d’attaque pour en parler. Ainsi Minuit à Atlanta est sans doute le volet le plus politisé de la saga. Un thriller politique qui brasse peut-être trop de sujets pour son propre bien.

Il faut dire qu’il y a de quoi faire dans cette intrigue. Entre les opérations du FBI, les malversations d’un groupe de détectives privés, les différentes associations, telles que la NAACP, qui poursuivent un objectif commun mais avec des méthodes différentes le tout sur fond de guerre froide et de protestations contre la ségrégation dans les transports en commun. Sans oublier l’acharnement sur la famille de Martin Luther King et le procès d’un jeune noir accusé de viol sur une jeune fille blanche on peut dire que l’auteur a travaillé dur pour témoigner de cette époque trouble de la manière la plus complète possible. Le résultat est là on baigne dans une atmosphère de révolte larvée, de tensions raciales constantes et de suspicion face à la menace communiste.

Aussi passionnant soit cette projection de cette période il faut reconnaître que l’intrigue en elle-même pâtit quelque peu de cette surabondance de thèmes. Le milieu de l’ouvrage souffre d’un léger piétinement au niveau de l’enquête. Rien de bien grave mais étant donné que ma lecture des deux volumes est consécutive je ne peux m’empêcher de les comparer. Là où, dans Temps noirs, la densité de personnages et l’aspect social de l’intrigue maintenaient une tension constante, dans ce tome les différents aspects politiques de la lutte des droits civiques ont tendance à se superposer sans qu’il y en ait un qui se détache réellement des autres. Certains manquent également de pertinence.

À titre personnel certains personnages m’ont beaucoup manqué dans ce troisième récit. Lorsque j’ai compris que Boogs n’aurait qu’un rôle secondaire et que l’officier Rake serait complètement écarté du récit j’avoue avoir fait une petite moue de mécontentement. C’est dommage de voir ses personnages, que l’on a appris à apprécier aux cours des volumes précédents être plus au moins effacés. Cependant on peut espérer les revoir dans un éventuel quatrième volume.

Cette petite déception passée il faut reconnaître que le récit met en scène d’autres personnages de la saga que nous l’on connaît et apprécie déjà. L’ancien agent Smith se dévoile un peu plus. Lui qui avait tendance à être un peu en retrait dans les deux volumes précédents, dans l’ombre du charismatique Lucius Boogs, peut enfin laisser parler sa personnalité. Son changement de carrière est une bonne idée, la carte de presse lui va mieux que la matraque, on sent que ce personnage bouillonnant et rebelle a enfin trouvé sa place. Son ancien chef Joe McInnis occupe le second rôle principal, l’occasion de voir le portrait de ce flic intègre s’affiner et se développer. On savait déjà qu’il était attaché à son poste et aux agents de couleurs qu’il a sous ses ordres, on le découvre père de famille, ostracisé par ses pairs, qui doit se débattre face à la pression sociale. L’auteur lui offre un beau dialogue à cœur ouvert entre un père et son fils.

En trois ouvrages Thomas Mullen sera parvenue à plonger les lecteurs dans une époque trouble tout en exposant les enjeux de la lutte des droits civiques avec une maîtrise idéale. Ces portraits de personnages sont d’une grande finesse psychologique et rendent bien compte des affres que génèrent les troubles d’une société en pleine mutation. La capacité de l’auteur a décrire des personnages teintés de gris est l’une de ses plus grandes réussites

Les loups à leur porte de Jérémy Fel, un long cauchemar

Encore une quatrième de couverture mensongère ? Projet trop ambitieux ? Le fait que ce premier roman de Jérémy Fel est loin de tenir toutes ses promesses et nous allons voir pourquoi.

Cela commençait plutôt bien, l’auteur instaure dès les premières pages une ambiance glauque d’où suinte une angoisse sourde. Un premier chapitre qui fait office de prologue et pose l’ambiance de ce roman noir sans concessions. Avec sa plume franche et directe, l’auteur ne nous épargne rien sur les événements de son récit. Le sort frappe aussi bien les innocents que les coupables. Si d’aventure l’envie vous prend de vous lancer dans cette lecture soyez prévenu que certains chapitres sont insoutenables en matière d’ambiance sordide et de détails glauques, notamment celui consacré à l’infortuné Benjamin. Pour ceux que ce genre de récit n’effraie pas la lecture risque de vous rebuter mais pour d’autres raisons.

En effet l’éditeur nous un promis un puzzle narratif où les personnages se croisent et partagent un secret. Hors s’il y a bien de vague rapport entre les différents protagonistes ils sont parfois si ténus qu’il est difficile de saisir leur importance dans le récit. Leur arc narratif ne s’imbrique que rarement les uns aux autres à part pour quelques-uns d’entre eux, comme Walter et Mary Beth dont l’arc narratif bâtit sur la vengeance se font échos. Du grand puzzle narratif promis il ne reste qu’un récit à la narration assez linéaire où l’on suit des personnages des deux côtés de l’océan Atlantique en attendant vainement que leurs histoires se rejoignent. Ce manque de consistance dans la narration entraîne un effet pervers qui rend difficile la lecture de l’ouvrage au fur et à mesure que l’on avance dans le récit.

En effet la plupart des chapitres commençant par la présentation d’un personnage, j’ai eu l’impression de lire une nouvelle différente plutôt qu’un ouvrage cohérent. Mis à part ceux qui mettent en scène le triangle infernal Walter/ Mary Beth et Scott, chaque chapitre nous présente un nouveau personnage, pas forcément toujours très intéressant. Il faut donc se familiariser avec ce personnage, son entourage et son histoire sans que jamais une trame globale les reliant tous les uns aux autres n’apparaisse. Un processus qui se révèle lassant à la longue.

Enfin une dernière chose m’a quelque peu lassé lors de ma lecture. C’est l’accumulation de scène de cauchemar. Ce pauvre Damien en fait au moins trois dans le chapitre qui lui est consacré, pour autant que je m’en souvienne, et ne comptez pas sur moi pour aller vérifier. Ces scènes apparaissent plus comme un tic narratif destiné à remplir les pages du livre que comme un réel apport à une ambiance qui n’en avait de toute façon pas besoin.

En refermant l’ultime page de ce roman, j’ai eu peur d’être passé à côté du propos de l’auteur, d’avoir loupé la signification de son récit et puis je me suis rappelé que certains auteurs apprécient de complexifier leurs œuvres inutilement. C’est dommage d’autant plus que la plume de l’auteur n’est pas désagréable à suivre et l’atmosphère qui se dégage de son récit suffirait à écrire un ouvrage convaincant sans verser dans le trop plein intellectuel.

Résumé: Une maison qui brûle à l’horizon ; un homme, Duane, qui se met en danger pour venir en aide à un petit garçon qu’il connaît à peine ; une femme, Mary Beth, serveuse dans un« diner» perdu en plein milieu de l’Indiana, forcée de faire à nouveau face à un passé qu’elle avait tenté de fuir ; et un couple, Paul et Martha, pourtant sans histoires, qui laisseront un soir de tempête, entrer chez eux un mal bien plus dévastateur. Qu’est-ce ce qui unit tous ces personnages ? Quel secret inavoué les lie ? Jérémy Fel nous livre ici un grand puzzle feuilletonesque à l’atmosphère énigmatique et troublante entre «Twin Peaks», Stephen King et Joyce Carol Oates. Un premier roman magistral qui mène, de rebondissement en rebondissement, à explorer le mal sous toutes ses facettes.

  • Éditeur : Rivages (5 octobre 2016)
  • Langue : : Français
  • Broché : 410 pages
  • ISBN-10 : 2743637897
  • ISBN-13 : 978-2743637897
  • Poids de l’article : 200 g
  • Dimensions : 11.1 x 2 x 16.9 cm

L’horizon qui nous manque de Pascal Dessaint, chroniques social tirant vers le brun

Une courte chronique pour un court roman 220 pages à peine, un roman vendu comme un roman noir mais qui se rapproche plus de la chronique social teintée de folie et de violence.

S’il faut ranger chaque roman dans la catégorie assez brumeuse de roman noir dès qu’un crime est commis ou que des policiers ou gendarmes interviennent dans l’intrigue cela me paraît un critère un peu facile. Ce récit, plaisant au demeurant, n’a que de fragile attache avec le roman noir.

L’auteur nous brosse le portrait de trois êtres échoués sur le rivage de la société moderne française. Pour diverses raisons, ces deux hommes et cette femme vont se créer un refuge où ils pourront échapper aux furies du monde moderne. Lucille sera le pivot autour duquel va s’articuler ce récit, trentenaire désabusée, trahie, en perte de repères. Ces chapitres seront l’occasion d’une contemplation mélancolique au milieu des dunes délaissées. Malgré l’inertie de l’intrigue durant ces passages, on prend plaisir à écouter la complainte de cette jeune femme paumée comme on réconforterait une amie autour d’un chocolat chaud.

Les deux autres personnages sont tout aussi finement décrits, Anatole, dont l’esprit fantasque n’est pas formaté pour vivre selon les codes de la société de consommation, endosse le rôle de vieil ermite bourru au cœur pas si dur, quoique ça dépend des saisons. Loïk est une boule de nerf constamment sur le fil du rasoir qui mène à la violence déchaînée, un guerrier qui n’a pas su trouver sa bataille et qui du coup se retourne vers tous ceux qu’il pense être ses ennemis.

L’aspect noir mis en avant par l’éditeur survient tard dans le récit et reste relativement subjectif, il manque peut-être un événement suffisamment puissant pour transcender le récit, souder véritablement le trio et transformer l’intrigue en roman noir proprement dit. En l’état l’auteur propose une élégante balade sur les rives de la Manche en compagnie d’un trio attachant mais dont les membres vivent leurs galères chacun de leurs côtés àpartàdeux ou trois événementsprès, teinté d’une poésie désenchantée et d’un humour à froid pour nous rappeler que la vie laisse peu de place aux esprits hors normes ou qui pensent à contre-courant.

 » quand je nous voyais, être sans vraiment l’être à nos petites affaires, je me disais que c’était aussi un drôle de hasard de nous retrouver ensemble sur terre, à cet endroit-là, pas à un autre, et pour espérer quoi ?

Peu à peu, je me suis aperçue – il s’agissait d’un sentiment irrationnel, comme une gêne prémonitoire – que nous vivions dans l’attente du pire.  »

Résumé: la jungle de Calais vient d’être démantelée et Lucille, qui avait plaqué son métier d’enseignante pour venir en aide aux migrants, se retrouve désemparée. Cherchant un « point de chute », elle arrive chez un vieux loup solitaire nommé Anatole. Ce dernier lui loue une caravane sur son terrain. Anatole est chasseur. Il passe des heures à bricoler des oiseaux en bois destinés à servir de leurre. Il n’attrape jamais grand chose, mais rêver lui suffit. Une étrange relation se noue entre la jeune femme et le chasseur solitaire. Leur modus vivendi est bientôt bouleversé par l’arrivée de Loïk. Un gars qui a fait de la prison. Un impulsif. Imprévisible.

  • Broché : 219 pages
  • ISBN-10 : 2743648449
  • ISBN-13 : 978-2743648442
  • Dimensions du produit : 15.5 x 2 x 22.5 cm
  • Éditeur : EDITIONS PAYOT & RIVAGES (18 septembre 2019)
  • Langue : : Français

Darktown de Thomas Mullen

Résumé : Atlanta, 1948. Sous le mandat présidentiel de Harry S. Truman, le département de police de la ville est contraint de recruter ses premiers officiers noirs. Parmi eux, les vétérans de guerre Lucius Boggs et Tommy Smith. Mais dans l’Amérique de Jim Crow, un flic noir n’a le droit ni d’arrêter un suspect, ni de conduire une voiture, ni de mettre les pieds dans les locaux de la vraie police. Quand le cadavre d’une femme métisse est retrouvé dans un dépotoir, Boggs et Smith décident de mener une enquête officieuse.
Alors que leur tête est mise à prix, il leur faudra dénouer un écheveau d’intrigues mêlant trafic d’alcool, prostitution, Ku Klux Klan et corruption.

Chronique : Ô toi, courageux lecteur, qui s’apprête à tourner les pages de ce polar attend toi à serrer les dents, à trembler de rage et à perdre tes dernières illusions sur l’humanité.

Ce premier tome de cette saga policière plante parfaitement le décor. La ville d’Atlanta suffoque mais difficile de dire si c’est à cause du soleil écrasant ou de la corruption rampante et du racisme assumé qui règnent dans les rangs de ses forces de police.

Ce roman entretient une part historique importante. Il permet de rappeler combien fût long et ardu le combat du peuple noir pour gagner leurs libertés dans une société qui les rejettent massivement. Le récit égraine donc des anecdotes tragiques sur le sort de citoyens de couleurs qui ont eu le malheur de croiser le chemin d’homme blancs gorgés de haine. La lecture en devient parfois difficile, non pas à cause du style de l’auteur, qui ne démérite pas, mais à cause de cette haine crasse qui cimente une grande partie de la société américaine à cette époque. Certains chapitres accordent leurs voix à des personnages qui n’hésitent pas à prononcer l’horrible mot en N à de multiples reprises. Le contexte historique et géographique justifie l’emploie d’un tel mot mais il n’empêche que j’ai eu parfois besoin de reposer le livre pour respirer un peu.

Pourtant que l’on ne s’y trompe pas ce roman est un excellent polar, l’intrigue est solide et rondement mené par un trio d’enquêteurs que rien n’arrête, ni les guet-apens de shérif sudistes, ni les anciens flics déchus. L’auteur possède un style journalistique qui permet de s’immerger dans une époque charnière mais oublié de l’histoire du peuple noir américain mais également du sud profond aussi difficile que ce soit à accepter pour certains.

L’auteur parvient également à nous attacher à ses personnages, notamment Boggs et Smith, aux caractères opposés mais complémentaires. Le personnage de l’inspecteur Rakestraw est plus classique mais il incarne une lueur d’espoir par rapport aux autres personnages masculins blancs qui sont de piètres représentants de l’espèce humaine. À noter que l’auteur fait de ce personnage le porte-parole d’un discours qui porte en lui les germes du communautarisme qui gangrène nos sociétés occidentales modernes. Les autres personnages du roman brosse un portrait peu élogieux de la société sudiste de l’époque et nous offre différents portraits d’hommes et de femmes qui composent, chacun à leurs manières, avec ce racisme ambiant qui imprègne la ville d’Atlanta à l’époque.

Le seul échec du livre ,selon moi, est le personnage de l’agent Dunlow. Vieux roublard alcoolique,engoncé dans sa haine. En voulant lui donner plus d’épaisseur par le biais d’une anecdote maladroite qui ne justifie en rien son comportement, l’auteur ne fait que le rendre encore plus misérable et méprisable.

Un roman important, tant il démontre que les luttes d’hier résonnent encore aujourd’hui dans le bruit des tirs qui fauchent encore des vies innocentes. Un roman qui rappelle que le chemin vers l’égalité est fait de sacrifices et d’injustices.

Note : 8/10

Éditeur EDITIONS PAYOT & RIVAGES
Date de publication 3 octobre 2018
Langue Français
Longueur du livre 432
ISBN-10 2743644958