Serial bomber de Robert Pobi, boom boom boom et re-boom

Un polar explosif

Janvier 2020, j’abandonne deux lectures guère passionnantes pour me lancer dans City of windows de Robert Pobi. Un polar captivant qui finira dans le top de mes lectures de l’année. Une plume addictive, des thèmes qui pousse au débat et un personnage sans concessions, Lucas Page, que l’on retrouve dans cette nouvelle enquête. L’auteur parviendra-t-il à reproduire l’engouement que j’ai ressenti pour son précédent roman ? Réponse dans les lignes qui suivent.

L’ouvrage commence de manière tonitruante, une explosion ravage un musée lors d’un gala privé, plus de 700 morts sont dénombrés, des œuvres d’art inestimables sont perdus à jamais et la bombe laisse une nouvelle plaie béante dans la chair de la ville de New York. Rapidement le professeur en astrophysique Lucas Page est appelé à la rescousse par le FBI pour mener l’enquête alors que les attentats se suivent à une vitesse effrayante.

Pendant près de trois cents pages l’auteur est parvenu à maintenir l’illusion qu’il me racontait un bon polar d’enquête. C’est bien le seul aspect positif que je peux lui trouver, savoir maintenir l’intérêt du lecteur avec une intrigue aussi riche en péripéties redondantes et un récit dénué d’originalité est une prouesse. Moi qui aime lorsque l’intrigue se présente comme une pelote de mystère qu’il va s’agir de démêler jusqu’à trouver le fil conducteur je dois avouer que j’ai été particulièrement déçu avec cet ouvrage. Le schéma narratif se révèle répétitif, Page se traîne de site d’explosions en sites d’explosions sans que jamais ses capacités, qui relèvent de plus en plus du superpouvoir, ne permettent de faire avancer l’enquête.

Il faut dire que ladite enquête n’a rien de passionnant. Très vite une piste apparaît, plutôt un boulevard qu’une simple piste sans parler d’un personnage tellement suspect qu’il ne pourrait pas l’être plus s’il se baladait avec une pancarte marquée « JE SUIS COUPABLE « . Mais plutôt que d’approfondir ces pistes pour nous livrer une enquête dense et passionnante et, pourquoi pas, en profiter pour soulever à nouveau des sujets de société brûlants, l’auteur préfère enchaîner les scènes d’action et les répliques acerbes de Page, dont le caractère hautain et méprisant devient de plus en plus difficile à apprécier au fil des pages. Surtout que ce personnage que l’on nous présente comme hautement intelligent passe son temps à mettre sa vie en danger après avoir gambergé sur les motivations du coupable que n’importe quel lecteur habitué aux intrigues de polar aura deviné depuis longtemps.

En fil rouge l’auteur insère des interludes qui montre l’impact des événements du récit sur la population américaine. Autant d’occasions pour l’auteur de fustiger l’emprise des réseaux sociaux et de la technologie sur nos vies. Mais ces thèmes auraient mérité une approche plus subtile et un développement plus conséquent que le cliché de la stupidité rampante accentué par les réseaux sociaux. Ces courts interludes font plus office de parodie sinistre que de réelle réflexion sur l’état de notre monde.

Je vais passer sur les incohérences du récit, dont le rythme effréné permet de passer à côté, pour conclure que cette nouvelle aventure de Lucas Page est bien en deçà de la précédente. L’auteur reproduit le schéma de City of windows, jusqu’au dénouement, mais sans le charme ni la minutie de la précédente enquête. Une déception à la hauteur de mes attentes.

Résumé: soir d’octobre à New York. Privatisé à l’occasion d’un gala, le musée Guggenheim accueille 702 convives, la plupart membres des élites du pays. Une explosion les tue tous, sans discrimination.
Un attentat d’une telle précision ne saurait être le fruit du hasard et le FBI est immédiatement débordé par le nombre extravagant des victimes, des profils à comparer, des dossiers à recouper. Il fait appel à Lucas Page, un ancien agent pour l’heure astrophysicien et professeur d’université. Atteint d’une forme du syndrome d’Asperger, il est capable de  » lire  » la scène d’un crime comme s’il y avait assisté, de compulser des données d’un seul coup d’œil. Lui seul semble à même d’arrêter le serial bomber avant qu’il ne frappe encore.
Une nouvelle enquête de Lucas Page, le génial héros de Robert Pobi, qui a fait une irruption remarquée dans le monde du thriller avec City of windows.

  • ASIN : B08R7BRYS5
  • Éditeur : Les Arènes (1 avril 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 531 pages
  • ISBN-13 : 979-1037502933
  • Poids de l’article : 662 g

City of Windows de Robert Pobi (8 janvier 2020)

Tempête de neige à New York : un agent du FBI est tué par un sniper. Incapables de comprendre d’où le tir est parti, les enquêteurs se tournent vers le seul homme qui puisse résoudre l’énigme, Lucas Page. Ce professeur d’astrophysique, Asperger de haut niveau, a quitté le FBI dix ans plus tôt, gravement blessé. Mais son talent surnaturel pour décrypter les scènes de crime est intact. Il se lance dans l’enquête alors que le serial sniper frappe et frappe encore.

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Chronique : Tout écrivain est également un citoyen de son pays, spectateur des troubles contemporains qui secouent la société dans laquelle il vit, mais là où un citoyen lambda va réagir un postant des commentaires sous le lien d’un article en ligne ou d’une vidéo YouTube, l’auteur lui va user de sa plume pour livrer son opinion au reste du monde.

C’est l’entreprise à laquelle s’est attaqué Robert Pobi, un auteur qui a déjà livré deux thrillers solides mais où la critique sociale n’était pas aussi présente. Avec son nouveau polar, plutôt un thriller d’action avec la présence du FBI, l’auteur égratigne sévèrement la société américaine et son culte de la violence. Au point parfois de négliger le déroulement de son enquête.

Mais commençons par les personnages. Le héros s’appelle Lucas Page et c’est lui, avec son ton acerbe et son mépris affiché pour ses compatriotes, qui va endosser le rôle de porte-parole du camps de la raison. Il est toujours agréable de suivre un enquêteur au ton acide et qui porte un regard désabusé sur le monde qui l’entoure même s’il faut reconnaître que dans la réalité ce professeur d’université, dont l’auteur ne clarifie jamais s’il est vraiment autiste ou simplement pétri d’orgueil, ferait un piètre défenseur des lois contre le port d’armes. Cela étant ses interventions et sa diatribe contre le port d’armes sont toujours plaisantes à lire. Signalons aussi que l’auteur a le souci de mettre en place une intrigue non manichéenne où les torts sont partagés même si l’on comprend très vite dans quel camp vont ses affinités politiques.

À côté de cela son personnage est le seul suffisamment développé avec une enfance difficile, un background intéressant mais qui fonctionne comme une pièce rapportée et n’apporte pas grand chose à l’œuvre. La famille recomposée du héros servira de faire-valoir émotionnel sans que beaucoup de profondeur ne lui soit apporté. Les autres personnages sont développés au minimum, mention spéciale à l’agent Grover Graves qui ne semble pas avoir d’autre but que de servir de tête de turc à notre génie misanthrope. Seul l’agent Whitaker tire son épingle du jeu et parvient à créer un lien avec Page.

Comme annoncé en introduction le discours social de l’auteur prend progressivement de plus en plus de place dans l’intrigue jusqu’à ce qu’il soit impossible de distinguer l’un et l’autre au détriment d’une intrigue policière qui perd en efficacité ce qu’elle gagne en discours social. Le tout reste fluide et très rythmé mais, sans doute débordé par l’ampleur du sujet, l’auteur se voit obligé de raccrocher les wagons de l’enquête pour que le tout tienne en place et c’est un peu dommage. Si l’auteur était parvenue à équilibrer son enquête et son discours social on aurait là un polar parfait pour ce début d’année.

Cependant inutile de bouder son plaisir, ce thriller se dévore sans même que l’on s’en rendent compte et confirme Robert Pobi dans le rang des grands auteurs de polars.

Note : 8/10

 

  • Broché : 512 pages
  • Editeur : Les Arènes (8 janvier 2020)
  • Collection : AR.HORS COLLECT
  • Langue : Français
  • ISBN-13 : 979-1037500571