De force de Karine Giebel

Elle ne m’aimait pas. Pourtant, je suis là aujourd’hui. Debout face au cercueil premier prix sur lequel j’ai posé une couronne de fleurs commandée sur internet. Car moi, j’ai voulu l’aimer. De toutes mes forces. De force. Mais on n’aime pas ainsi. Que m’a-t-elle donné ? Un prénom, un toit et deux repas par jour. Je ne garderai rien, c’est décidé. A part le livret de famille qui me rappelle que j’ai vu le jour un 15 mai. De mère indigne. Et de père inconnu. Lorsque j’arrive devant la porte de mon ancienne chambre, ma main hésite à tourner la poignée. Je respire longuement avant d’entrer. En allumant la lumière, je reste bouche bée. Pièce vide, tout a disparu. Il ne reste qu’un tabouret au centre de la pièce. J’essuie mes larmes, je m’approche. Sur le tabouret, une enveloppe. Sur l’enveloppe, mon prénom écrit en lettres capitales. Deux feuilles. Ecrites il y a trois mois. Son testament, ses dernières volontés. Je voulais savoir. Maintenant, je sais. Et ma douleur n’a plus aucune limite. La haine. Voilà l’héritage qu’elle me laisse.

Critique : Karine Giébel fait partie des gros auteurs au sein du thriller français. De force est un roman bute et psychologique qui entraine le lecteur dans un torrent de haine au sein d’une histoire familiale.
Le début commence avec une mort  où l’auteur va sonder implacablement la vie d’un homme qui découvre que la réalité peut toujours être pire que ce qu’on imaginait. Le dévoilement progressif des origines d’une souffrance née d’une enfance malheureuse va déclencher une succession de conséquences sanglantes où le désespoir semble être le seul à pouvoir gagner toutes les batailles.
Giébel reconstitue une tragédie grecque à partir d’un acte qui résonne comme une insulte aux Dieux et déclenche irrémédiablement leur colère. À partir de là chaque circonstance est un pas de plus vers l’irrémédiable. C’est sans doute cette dimension inexorable qui fait la force de ce thriller où chacun doit payer sa dette même les innocents. La haine est un puits auquel on peut ne jamais toucher le fond. C’est ce que démontre ce roman qui ne laisse guère de place à la pitié ou peut être simplement quand tout est fini . Karine Giebel réussit une fois de plus à faire vivre de façon angoissante et palpitante un univers clos dans lequel se meuvent des personnages dissemblables mais qui ont tous en commun de traîner secrets et souffrances. Quels liens unissent ces personnages ? Quel danger plane sur eux ? Qu’est-ce qui les rapproche ? Qu’est-ce qui les oppose ? Les différents protagonistes de ce drame sont en permanence sur le fil du rasoir. Qui est avec qui ? Qui est contre qui ? La vérité ne surviendra que dans les dernières pages au terme d’innombrables péripéties et d’un suspense savamment construit comme Karine Giebel sait si bien le faire. Le dénouement ne faillit pas à la règle.

Note :9/10

 

  • Broché: 528 pages
  • Editeur : Belfond (3 mars 2016)
  • Langue : Français

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