L’homme aux murmures d’Alex North, qui a peur du grand méchant loup ?

Je trouve de moins en moins satisfaction dans la lecture de ces thrillers grand public formatés pour plaire aux plus grands nombres, qui jouent sur les codes du fantastique et du polar sans rien proposer de nouveau. La lecture de l’homme aux murmures me conforte dans cet avis.

Le style déjà, j’en n’en attendais rien de particulier mais là j’ai eu l’impression que la plume sortait tout juste d’un atelier d’écriture. C’est propre, c’est net mais c’est aussi lisse et impersonnel qu’une chanson de Calogero. C’est très efficace par contre, l’immersion est aisée mais on m’aurait dit que c’était un robot qui l’aurait écrit je n’en aurais pas été surpris.

L’histoire est sympathique sans plus. Pendant ma lecture, je n’arrêtais pas de me dire que j’étais devant un téléfilm policier formaté. Ce n’est pas mauvais mais c’est complètement oubliable. La partie enquête semble prometteuse mais retombe comme un soufflé passé le milieu du récit. Quant à la partie suspens mâtinée de fantastique qui met en scène Tom et son fils, elle est dispensable et joue sur le thème soft-fantastic qui devient un effet de mode assez horripilant, sans que cela amène quoi que ce soit à l’intrigue.

Quant à la fin, elle est ratée. Autant je veux bien reconnaître une certaine efficacité au reste du récit autant la fin est brouillonne, expédiée et inutilement nébuleuse.

Pour mon bien-être, et celui des gens qui me suivent et aiment peut-être ce genre de récit, je pense qu’il va vraiment falloir que je cesse ce genre de lecture mais pour ma défense ce n’est pas toujours facile de repéré quel thriller ont été doté d’une âme par leur auteur et quels autres sortent d’une chaîne de fabrication uniforme.

Résumé : Un écrivain veuf, Tom, et son fils de 8 ans, Jake, emménagent dans une nouvelle ville. Featherbank. Si charmante et calme en apparence. Où vingt ans plus tôt, un serial killer a été arrêté après avoir tué plusieurs enfants. On l’appelait l’Homme aux murmures. Des murmures que Jake a entendus. A la porte de sa maison. Et si tout recommençait ?

Éditeur ‎Le Seuil (5 mars 2020)
Langue ‎Français
Broché ‎400 pages
ISBN-10 ‎2021417077
ISBN-13 ‎978-2021417074

L’enfant du silence d’Abigail Padgett, la fureur d’une guerrière

C’est parfois dans les vieux récits que l’on fait les meilleures histoires. Les @editionsrivages ont eu l’excellente idée de rééditer ce polar sorti en 1993. Ne prenez pas ombrage de son âge ce polar est, par certains aspects plus modernes que d’autres productions plus récentes et qui se veulent tendance.

Un personnage décalé et légèrement bordeline est tout ce qu’il fallait à ce récit pour être une bonne lecture. Le personnage de Bo est un régal pour tous les passionnés de lecture, une âme altruiste qui traîne derrière elle le fantôme de sa sœur, son lourd traitement contre ses troubles mentaux et sa tendance à ne pas savoir quand fermer sa bouche. Une battante qui gère ses démons comme elle peut. Le genre de petit bout de femme que l’on préfère avoir avec soit que contre soit.

La plume de l’auteure, qui, de par son expérience personnelle, sait de quoi elle parle, est le second atout du récit. Lorsque l’esprit de Bo commence à dérailler la plume se fait frénétique, les mots pulsent comme une veine qui bat. Au contraire lorsque le brouillard de sa maladie l’embrume la plume ralentie et se fait vaporeuse sans que jamais le rythme du récit n’en pâtisse.

Ajoutons à cela une évocation de la culture amérindienne et une plongée dans la réalité quotidienne des travailleurs sociaux et vous obtiendrez une excellente lecture qui souffre juste d’une intrigue prévisible. Espérons que les prochaines aventures de Bo proposeront plus de surprises à ce niveau-là.

Une excellente lecture, portée par un personnage originale et un traitement tout en finesse d’un trouble mental encore assez méconnue à l’époque.

Résumé : Un enfant de quatre ans, de race blanche, a été retrouvé sur la réserve indienne des Barona, dans une bâtisse inhabitée, à cinq heures trente du matin. Il était attaché à un matelas par une corde à linge. Bo Bradley, du service de protection de l’enfant, a été chargée de son dossier.

Éditeur ‎EDITIONS PAYOT & RIVAGES (20 octobre 2021)
Langue ‎Français
Poche ‎272 pages
ISBN-10 ‎274365466X
ISBN-13 ‎978-2743654665

Le jour où Kennedy n’est pas mort de R.J. Ellory, God blesse america

Ellory fait partie de mes auteurs favoris. Sa plume dense et mélancolique donne corps à des personnages profonds, abîmés par la vie et des récits noirs où l’âme humaine se confronte à ses propres ténèbres.

La perspective de le voir se tourner vers la dystopie avec ce thriller journalistique qui imagine que l’attentat de 1963 à Dallas n’a pas coûté sa vie à JFK avait de quoi me réjouir. Finalement l’aspect dystopique reste très secondaire dans le récit et permet surtout à l’auteur de teinter son récit d’un cynisme mordant sur les coulisses de la politique américaine.

L’intrigue connaît des débuts laborieux. En effet, en une soixantaine de pages et une dizaine de chapitres, l’auteur introduit un nombre conséquent de personnages, dont certains que nous ne reverrons pas par la suite. Puis l’enquête de Mitch commence enfin et le récit trouve son rythme de croisière.

Le personnage de Mitch Newman est, encore une fois, une grande réussite. Un homme torturé par ses actions, hanté par l’image d’un amour maudit, pétri de regrets et de remords. Le suivre tout au long de son enquête est un réel plaisir et offre les meilleurs chapitres du livre. Une enquête qui se passe d’action mais reste palpitante si l’on aime lever, petit à petit, le voile de mystère qui entoure la mort de son ex-fiancée.

À côté les passages qui s’immiscent dans les rouages pervers de la politique américaine apportent un éclairage intéressant sur le personnage de JFK pour peu que l’on ne se soit jamais penché sur l’histoire de ce monument de l’histoire américaine.

La conclusion du récit s’est révélée trop classique aux vues des promesses initiales. Une déception qui ne doit pas entacher le fait que l’auteur a, encore une fois, livré un thriller de bonne facture mais à qui il manque peut-être un soupçon d’originalité pour un faire une référence dans le domaine du thriller politique.

Résumé : C’est l’une des histoires les plus connues au monde – et l’une des plus obscures. Le 22 novembre 1963, le cortège présidentiel de John F. Kennedy traverse Dealey Plaza. Lui et son épouse Jackie saluent la foule, quand soudain…
Quand soudain, rien : le président ne mourra pas ce jour-là. En revanche, peu après, le photojournaliste Mitch Newman apprend le suicide de son ex-fiancée, Jean Boyd, dans des circonstances inexpliquées. Le souvenir de cet amour chevillé au corps, Mitch tente de comprendre ce qui s’est passé. Découvrant que Jean enquêtait sur la famille Kennedy, il s’aventure peu à peu dans un monde aussi dangereux que complexe : le cœur sombre de la politique américaine.

Éditeur ‎Sonatine (4 juin 2020)
Langue ‎Français
Broché ‎432 pages
ISBN-10 ‎2355847959
ISBN-13 ‎978-2355847950

Traverser la nuit de Hervé Le Corre, la nuit je mens

Une rencontre, cette lecture fût une rencontre. La rencontre d’un style qui vous assaille comme une averse hivernale. Chaque mot est une goute glacée qui va glisser le long de votre nuque, trempé votre cuir chevelu et inondez vos chaussures de sa sombre poésie glacée.

Une averse glauque et sordide. On ne peut pas dire que la ville de Bordeaux sorte resplendissante de ce récit sans concessions, pourtant l’auteur évite l’écueil du polar glauque vide de sens et juste gore grâce à une atmosphère morose, des dialogues ciselés et une narration à la troisième personne qui permet de s’imprégner des personnages et de leur vision délétère du monde qui les entoure.

L’auteur a invoqué en sa plume tout ce qu’il contient d’amertume, de désespoir résigné et de colère contenue pour les rassembler en trois personnages qui chacun à leur manière vont ébranler le lecteur dans ses illusions. Louise, de sa détresse de femme battue, et l’incarnation d’une précarité sociale qui hurle en silence. Le commandant Jourdan est le témoin impuissant d’une société qui se délite sous ses yeux comme une falaise érodée par les flots dont il se tiendrait trop près du bord. Enfin Christian est la rage inaudible, la fureur enchaînée qui frappe mortellement au cœur de la nuit. Des portraits fulgurants qui imprègnent le lecteur comme l’éclair imprègnent la rétine.

Ne commettez pas l’affront de croire, qu’une fois l’ouvrage refermé, vous allez pouvoir passez à autre chose. Ce polar fait partie de ceux qui vous hante, dont le destin des personnages résonne dans votre esprit comme une complainte meurtrie, dont le style vous empoigne le temps d’un brusque instant, juste le temps d’apercevoir toute la détresse du monde.

Résumé : Louise a une trentaine d’années. Après la mort accidentelle de ses parents, elle a dérivé dans la drogue et l’alcool. Aujourd’hui elle vit seule avec son fils Sam, âgé de 8 ans, sa seule lumière. Elle est harcelée par son ancien compagnon qui, un jour, la brutalise au point de la laisser dans un état grave. Il blesse aussi grièvement la meilleure amie de Louise. L’enquête est confiée au groupe dirigé par le commandant Jourdan, qui ne reste pas insensible à Louise. Parallèlement un tueur de femmes sévit, pulsionnel et imprévisible, profondément perturbé.

Au cœur de ces ténèbres et de ces deux histoires, Jourdan, un flic, un homme triste et taiseux, qui tente de retrouver goût à la vie…

Éditeur ‎EDITIONS PAYOT & RIVAGES (20 janvier 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎320 pages
ISBN-10 ‎2743651733
ISBN-13 ‎978-2743651732

Du sang dans la sciure de Joe R. Lansdale, Calamity Jane version burlesque

Lansdale n’est pas un écrivain, c’est un peintre. De sa plume imagée, il va dépeindre une région, une époque, en l’occurrence le Texas des années 30 frappé par la grande dépression, le tout avec une énergie et un réalisme saisissant.

Ce nouveau tableau invoque des images  qui prennent immédiatement vie dans l’imagination du lecteur, les immenses tempêtes de poussières (ou dust bowl en V.O.), ou encore les hobos, vagabonds victimes des vicissitudes du rêve américain. Grâce à sa palette d’écriture riche et pétillante l’auteur rend hommage à cet Amérique disparue à la manière de la photographe Dorothea Lange, sans misérabilisme ni apitoiement. Juste en peignant la dure réalité d’une époque féroce.

Ces portraits de personnages sont encore une fois une grande réussite. Parfois à la limite du cliché, comme le terrifiant Two qui fait office de croque-mitaine, ou du grotesque, comme ce fielleux McBride qui règne sur son monde avec perruque et tablier à fanfreluches. Pourtant grâce à un ton qui oscille entre le western spaghetti et le comique de boulevard le tout reste juste et crédible.

Alors d’où vient ce sentiment de déception ? Tout simplement mon incapacité à accepter certains comportements et mentalités de personnages même après avoir compris que le ton se voulait burlesque.

Certaines décisions m’ont paru invraisemblables, à commencer par le pitch de départ qui voit notre héroïne, la flamboyante Sunset, devenir constable alors qu’elle vient d’assassiner son mari, l’ancien constable. Puis un autre personnage féminin prend une décision radicale qui m’a paru incohérente avec la mentalité et les mœurs de l’époque. La volonté de dépeindre une Amérique rurale féministe est louable mais manque de réalisme par rapport au reste du tableau.

Comme souvent avec l’auteur l’intrigue manque d’ampleur mais se conclut dans un règlement de compte infernal et réserve un ultime twist final doux amer qui achève de livrer une toile aux couches multiples, tantôt brûlot féministe burlesque, tantôt western et tantôt chronique historique. Un tableau qui imprègne la rétine quoiqu’il en soit.

Résumé : Dans les années 1930, en pleine dépression, une petite ville texane aux rues pleines de boue sur grâce à une scierie qui domine tout. Les bagarres y sont aussi fréquentes que les disparitions. On y meurt d’un coup de feu, sous le tranchant d’une bêche ou broyé par une grume. C’est dans ce monde brutal que Sunset, femme de toute beauté une énième fois violée par son shérif de mari, abat ce dernier d’une balle dans la tête. La notion même de violence conjugale n’existe pas. Aussi l’étonnement est-il à son comble lorsque la jeune femme est acquittée et se voit en plus confier le poste laissé vacant par la mort de son époux. La découverte du cadavre d’une femme enceinte l’oblige immédiatement à faire ses preuves. De simple menace pour ne pas être restée à sa place elle devient une cible; une femme partie, à tort croit- on, à la recherche de son indépendance…

Éditeur‎Folio (21 janvier 2010) Langue‎Français Broché‎496 pages. ISBN-10‎2070395898 ISBN-13‎978-2070395897

La part du démon de Mathieu Lecerf, la part du vide…



Une narration fragmentée, originale mais pas non plus complètement inédite, a suffi à propulser ce roman sur le devant de la scène. Intrigué je me suis penché dessus, grand mal m’en a fait car la déception fût abyssale, au niveau de la qualité de ce polar français sans grande ambition.

On va commencer par le style. Je sais bien qu’une plume élaborée n’est pas forcément ce que l’on attend d’un polar mais le problème c’est que l’auteur a cru bon de vouloir étoffer ses personnages avec un style dépourvu d’emphase, purement factuel comme lorsqu’il tente de créer de l’empathie pour Christian, échouant lamentablement dans sa tentative d’épaissir son personnage par son manque flagrant de style. Quant au seul personnage féminin de l’intrigue il accumule tellement de poncif et de comportements incohérents que je vais éviter de m’attarder dessus.

Un style lourd, pataud, sans nuances aucune et qui n’oublie pas de souligner grassement les détails pour éviter que le lecteur étourdi ne passe à côté des énormes ficelles de l’intrigue. Une intrigue qui, en plus d’être une enquête bien pauvre, se révèle complètement incohérente et invraisemblable.

La part du démon c’est un peu le burger de fast food. Celui que vous avez achetez sur le pouce et qui dégage des senteurs appétissantes mais qui ne recèle au final qu’une fine tranche d’une mixture qui pourrait s’apparenter à de la viande de bœuf, un cornichon rabougri et un peu de ketchup. Pas de quoi vous rassasier.

Résumé : Une religieuse sauvagement assassinée et mutilée, à Paris, ça n’arrive jamais. Pourtant, c’est la première affaire du lieutenant Esperanza Doloria à son arrivée au 36, rue du Bastion.
Au couvent où enquêtent Esperanza et le capitaine Manuel de Almeida, la religieuse est décrite comme un ange. Et qui voudrait tuer un ange ? Mais un mystère plane autour d’elle. À l’orphelinat où elle enseignait, les enfants semblent terrorisés… Certains prétendent même subir de terrifiantes expériences médicales. Disent-ils la vérité ou sont-ils manipulés ?
Esperanza se jette corps et âme dans cette enquête. Manuel, lui, est persuadé que seuls le sang-froid et la raison permettront de la résoudre. Se trompe-t-il ? Le grand patron de la brigade criminelle en est convaincu. Et bientôt Esperanza se retrouvera seule face à un complot démoniaque que le diable lui-même renierait…

Éditeur‎Robert Laffont (4 mars 2021) Langue‎FrançaisBroché‎432 pages ISBN-10‎2221240537 ISBN-13‎978-2221240533

L’île des âmes de Piergiorgio Pulixi, quand le charme n’opère qu’à moitié

Quand le charme ne fonctionne qu’à moitié.

Je n’avais pas d’attente particulière en débutant la lecture de ce polar italien. Aussi je fût le premier surpris lorsque que je me rendis compte que j’étais tombé sous le charme. Le charme de cette plume qui nous transporte en Sardaigne dans une ambiance mystique digne de Dolores Redondo. Un charme qui va nous faire découvrir une région, ses paysages, son histoire, ses habitants. Cette première partie introductive s’est découlé sous mes yeux de lecteurs hypnotisés par la plume de l’auteur. Je trouvais que pour une fois un thriller était doté d’un véritable style.

Mais ce charme s’évapore lors de la seconde partie. L’auteur délaisse la plume au profit de dialogues classiques mais sans éclat. Les événements s’enchaînent sans que l’on puisse s’impliquer réellement dans chacun d’entre eux. L’enquête manque de consistance et ne prend jamais l’ampleur que l’on soupçonne pourtant derrière les non dits et les pistes effleurées. L’intrigue secondaire sur la famille Ladu souffre d’un développement trop sommaire et erratique.

L’écriture des personnages a fini de rompre le charme. Cette pauvre Mara est victime d’une écriture bipolaire qui la décrit tantôt comme une forte tête sarcastique mais sympathique et tantôt comme une harpie agressive et antipathique. Ce qui fait que l’on ne sait jamais si le duo qu’elle forme avec Eva est complice ou à couteaux tirés.

Malgré la dissipation progressive du charme il faut reconnaître que cette île des âmes est un thriller honnête qui n’a pas su tenir toutes ses promesses mais qui offre son lot de divertissement et de dépaysement.

Résumé : Depuis plusieurs décennies, la Sardaigne est le théâtre de meurtres rituels sauvages. Enveloppés de silence, les corps de jeunes filles retrouvés sur les sites ancestraux de l’île n’ont jamais été réclamés. Lorsque les inspectrices Mara Rais et Eva Croce se trouvent mutées au département des « crimes non élucidés » de la police de Cagliari, l’ombre des disparues s’immisce dans leur quotidien. Bientôt, la découverte d’une nouvelle victime les place au centre d’une enquête qui a tout d’une malédiction. De fausses pistes en révélations, Eva et Mara sont confrontées aux pires atrocités, tandis que dans les montagnes de Barbagia, une étrange famille de paysans semble détenir la clé de l’énigme. La première enquête de Mara Rais et Eva Croce nous plonge dans les somptueux décors de la Sardaigne, au coeur de ténèbres venues du fond des âges.

Éditeur ‎GALLMEISTER (1 avril 2021)
Langue ‎Français
Broché ‎544 pages
ISBN-10 ‎2351782496
ISBN-13 ‎978-2351782491

L’arbre à bouteilles de Joe R. Lansdale, les monstres se cachent sous le soleil du Texas

Cette première enquête de l’inénarrable duo d’Hap et Léonard réunit déjà tous les ingrédients qui feront des récits de Lansdale de véritables petites pépites acidulées et piquantes.

Sa plume imagée, que d’aucuns qualifieront à tort de grossière, est la plus adaptée pour rendre compte du tableau misérable et poussiéreux qu’offre sa représentation d’un Amérique rurale sclérosé par le racisme et la pauvreté. Ses dialogues percutants sont autant de parties de punching-ball qui retranscrivent à merveille le caractère bourru de ses habitants.

Les deux trublions principaux forment déjà un duo implacable, bien rodé. Les rôles sont déjà distribués entre les deux compères qui s’échangent des répliques comme l’on respire. Les voir agir comme deux boules de démolition que rien n’arrête est toujours aussi jouissif. Ces deux-là se fichent de la bienséance et gare à ceux qui se dresseront sur leur chemin.

Comme souvent avec l’auteur l’enquête manque d’une véritable envergure et se révèle prévisible. Peu importe car toute la saveur du récit se trouve dans la garniture qui le compose et non dans la pâte.

Une lecture idéale pour se rappeler du visage d’une Amérique fracassée par les coups de poing assénés par les crises sociales et raciale qui gangrène la première démocratie mondiale.

Résumé : Hériter de cent mille dollars et d’une petite bicoque dans un quartier délabré n’est pas si mal et l’oncle Chester a fait un beau cadeau à son neveu Leonard… Même s’il faut tout nettoyer, que le plancher est pourri et que les voisins sont ce que l’on pourrait craindre de pire. Même si retaper une maison pour la vendre et abattre des murs, c’est prendre le risque de découvrir des squelettes cachés…

Éditeur‎Folio (25 novembre 2004) Langue‎FrançaisBroché‎ 368 pages ISBN-10‎2070300595ISBN-13‎978-2070300594 Poids de l’article‎200 g Dimensions‎11 x 1.5 x 18 cm

Terminus de Tom Sweterlitsch, boucle infernal

Ce roman je l’aurais attendu longtemps mais quand j’ai enfin eu l’occasion de me plonger dedans le voyage ne m’a plus qu’à moitié. Est-ce moi qui en ai trop attendu ou bien l’ouvrage souffre-t-il de défauts qui me l’ont rendu indigeste ?

Commençons avec les points positifs du roman. La narration de l’auteur est maligne. Il va enchaîner les paragraphes introspectifs, sans réel développement de l’intrigue avant de brusquement enchaîné surnune scène d’action digne des meilleurs films thrillers hollywoodien. Il y a d’ailleurs une manière très américaine de traiter l’action, les fusillades, les combats. Ces scènes sont très cinématographiques et agissent comme des décharges électriques qui relancent l’intérêt pour la lecture. L’on va vivre tous ces scènes par le point de vue de Shannon Moss, le personnage principal, dont le développement m’a laissé débutatif.

Ce personnage est lancé dans une course contre le temps. Une course qu’elle ne peut évidemment pas gagner. Ce qui explique peut-être son caractère impulsif et tête brûlée. Le problème ce que ce genre de personnage à tendance a très vite m’irriter. Que Shannon fonce droit vers une probable planque de terroriste une fois d’accord mais elle répète ce genre d’imprudence plusieurs fois au cours du récit. Et sur un récit qui s’étale sur 400 pages c’est pénible. Il y a même un passage que je considère comme une incohérence, où Shannon aurait dû se méfier d’un personnage ou lieu de lui faire bêtement confiance mais le récit étant dense et les personnages sujets à de grands changements de par la narration c’est peut-être moi qui n’ai pas saisi un détail. En tout cas ce passage étant une scène charnière du récit cela m’a sorti du récit.

La bonne idée de Sweterlitsch est d’avoir incorporé son récit de science-fiction dans une narration de thriller. Ainsi les éléments se rattachant au domaine de la science-fiction, comme les voyages temporels, les vaisseaux spatiaux prennent ancrage dans un univers où l’homme a dompté la science. Aucun personnage n’est jamais vraiment surpris d’apprendre que Shannon voyage dans le temps ni qu’il existe un département d’État consacré à l’étude des voyages temporels. Cela permet à l’auteur de donner un cadre précis à son récit. Malheureusement cela l’enferme aussi dans une sorte de vase clos qui empêche à ses même éléments de prendre de l’ampleur.

Comme je l’ai dit plus haut tous les personnages sont au courant de l’existence des voyages temporels, que ce soit les alliés ou les adversaires de Shannon. Tout le récit baigne dans une atmosphère d’agents secrets, d’agents gouvernementaux et je crois que c’est de là que vient mon ressenti mitigé. Le récit manque d’un personnage étranger à ce milieu, qui le découvrirait avec des yeux ébahis et permettrait ainsi à cette avancée scientifique fantastique de prendre de l’ampleur. Un personnage par les yeux duquel on découvrirait les voyages temporels, ses effets secondaires, ses dangers et ses risques. Là l’auteur a choisi de tout nous livrer par les yeux d’un personnage aguerri qui balance ses informations comme si elle écrivait un rapport. Cela manque d’une approche plus innocente, plus humaine.

Un autre point d’achoppement entre cet ouvrage et moi concerne les antagonistes que Shannon traque. Autant l’auteur est parvenu à livrer aux lecteurs un univers dense de manière concise, au final 400 pages c’est peu au vu de la richesse du thème, autant le groupe de terroristes souffre d’un manque d’écriture. Je reproche à Shannon d’être impulsive mais c’est un personnage à part entière, elle a une voix, une épaisseur dont manquent les adversaires qu’elle affronte. Leurs motivations paraissent prévisibles et leur caractérisation trop grossière pour être crédible. Cela aurait mérité un peu plus de développement.

C’est étrange comment un ouvrage peut vous plaire et vous décevoir en même temps. Le personnage de Shannon est attachant, c’est une femme meurtrie dans sa chair et qui a le sens du sacrifice ce qui la dote d’une grandeur d’âme indéniable mais son impulsivité la dessert trop souvent pour en faire un personnage dont je me souviendrais. L’univers mis en place par l’auteur est passionnant mais son approche militarisée pour l’introduire m’a déconcerté. Pas une mauvaise lecture en soie mais pas une lecture mémorable.

Résumé: Depuis le début des années 80, un programme ultrasecret de la marine américaine explore de multiples futurs potentiels. Lors de ces explorations, ses agents temporels ont situé le Terminus, la destruction de toute vie sur terre, au XXVIIe siècle.
En 1997, l’agent spécial Shannon Moss du NCIS reçoit au milieu de la nuit un appel du FBI : on la demande sur une scène de crime. Un homme aurait massacré sa famille avant de s’enfuir. Seule la fille aînée, Marian, 17 ans, serait vivante, mais reste portée disparue. Pourquoi contacter Moss ? Parce que le suspect, Patrick Mursult, a comme elle contemplé le Terminus… dont la date s’est brusquement rapprochée de plusieurs siècles.

  • diteur : Albin Michel (24 avril 2019)
  • Langue : Français
  • Broché : 448 pages
  • ISBN-10 : 2226439935
  • ISBN-13 : 978-2226439932
  • Poids de l’article : 500 g
  • Dimensions : 14 x 3 x 20.5 cm

Serial bomber de Robert Pobi, boom boom boom et re-boom

Un polar explosif

Janvier 2020, j’abandonne deux lectures guère passionnantes pour me lancer dans City of windows de Robert Pobi. Un polar captivant qui finira dans le top de mes lectures de l’année. Une plume addictive, des thèmes qui pousse au débat et un personnage sans concessions, Lucas Page, que l’on retrouve dans cette nouvelle enquête. L’auteur parviendra-t-il à reproduire l’engouement que j’ai ressenti pour son précédent roman ? Réponse dans les lignes qui suivent.

L’ouvrage commence de manière tonitruante, une explosion ravage un musée lors d’un gala privé, plus de 700 morts sont dénombrés, des œuvres d’art inestimables sont perdus à jamais et la bombe laisse une nouvelle plaie béante dans la chair de la ville de New York. Rapidement le professeur en astrophysique Lucas Page est appelé à la rescousse par le FBI pour mener l’enquête alors que les attentats se suivent à une vitesse effrayante.

Pendant près de trois cents pages l’auteur est parvenu à maintenir l’illusion qu’il me racontait un bon polar d’enquête. C’est bien le seul aspect positif que je peux lui trouver, savoir maintenir l’intérêt du lecteur avec une intrigue aussi riche en péripéties redondantes et un récit dénué d’originalité est une prouesse. Moi qui aime lorsque l’intrigue se présente comme une pelote de mystère qu’il va s’agir de démêler jusqu’à trouver le fil conducteur je dois avouer que j’ai été particulièrement déçu avec cet ouvrage. Le schéma narratif se révèle répétitif, Page se traîne de site d’explosions en sites d’explosions sans que jamais ses capacités, qui relèvent de plus en plus du superpouvoir, ne permettent de faire avancer l’enquête.

Il faut dire que ladite enquête n’a rien de passionnant. Très vite une piste apparaît, plutôt un boulevard qu’une simple piste sans parler d’un personnage tellement suspect qu’il ne pourrait pas l’être plus s’il se baladait avec une pancarte marquée « JE SUIS COUPABLE « . Mais plutôt que d’approfondir ces pistes pour nous livrer une enquête dense et passionnante et, pourquoi pas, en profiter pour soulever à nouveau des sujets de société brûlants, l’auteur préfère enchaîner les scènes d’action et les répliques acerbes de Page, dont le caractère hautain et méprisant devient de plus en plus difficile à apprécier au fil des pages. Surtout que ce personnage que l’on nous présente comme hautement intelligent passe son temps à mettre sa vie en danger après avoir gambergé sur les motivations du coupable que n’importe quel lecteur habitué aux intrigues de polar aura deviné depuis longtemps.

En fil rouge l’auteur insère des interludes qui montre l’impact des événements du récit sur la population américaine. Autant d’occasions pour l’auteur de fustiger l’emprise des réseaux sociaux et de la technologie sur nos vies. Mais ces thèmes auraient mérité une approche plus subtile et un développement plus conséquent que le cliché de la stupidité rampante accentué par les réseaux sociaux. Ces courts interludes font plus office de parodie sinistre que de réelle réflexion sur l’état de notre monde.

Je vais passer sur les incohérences du récit, dont le rythme effréné permet de passer à côté, pour conclure que cette nouvelle aventure de Lucas Page est bien en deçà de la précédente. L’auteur reproduit le schéma de City of windows, jusqu’au dénouement, mais sans le charme ni la minutie de la précédente enquête. Une déception à la hauteur de mes attentes.

Résumé: soir d’octobre à New York. Privatisé à l’occasion d’un gala, le musée Guggenheim accueille 702 convives, la plupart membres des élites du pays. Une explosion les tue tous, sans discrimination.
Un attentat d’une telle précision ne saurait être le fruit du hasard et le FBI est immédiatement débordé par le nombre extravagant des victimes, des profils à comparer, des dossiers à recouper. Il fait appel à Lucas Page, un ancien agent pour l’heure astrophysicien et professeur d’université. Atteint d’une forme du syndrome d’Asperger, il est capable de  » lire  » la scène d’un crime comme s’il y avait assisté, de compulser des données d’un seul coup d’œil. Lui seul semble à même d’arrêter le serial bomber avant qu’il ne frappe encore.
Une nouvelle enquête de Lucas Page, le génial héros de Robert Pobi, qui a fait une irruption remarquée dans le monde du thriller avec City of windows.

  • ASIN : B08R7BRYS5
  • Éditeur : Les Arènes (1 avril 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 531 pages
  • ISBN-13 : 979-1037502933
  • Poids de l’article : 662 g